Après son périple dans le nord du pays, le Premier ministre malien, Soumeylou Boubeye Maïga, a bouclé sa visite à l’intérieur du pays ce 26 mars par deux localités du centre, Bandiagara et Djenné.
L’étape la plus émouvante de cette visite de terrain plutôt inédite a été Kidal. Un Premier ministre malien ne s’était pas rendu depuis 2014 dans cette localité aux mains des ex-rebelles. On se souvent en mai de cette année-là de la visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, qui s’était avéré un terrible fiasco.
Le jour de l’arrivée de Soumeylou Boubeye Maïga, la ville avait mis ses plus beaux atours. Avec une parade de chameaux, les ex-rebelles toujours en armes se sont même mis au garde-à-vous. Et des jeunes Kidalois ont clairement affirmé qu’ils entendaient rester dans la République malienne. Le représentant spécial de l’ONU au Mali, Mahamat Saleh Annadif, va jouer un rôle important pour que cette étape soit un sans-faute.
Auparavant, Soumeylou Boubeye Maïga s’est rendu à Tessalit, à Gao et à Tombouctou, dans le grand nord. Partout, le Premier ministre malien a parlé de sécurité, de paix, de développement, de réconciliation. Des annonces ont été faites dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la jeunesse. Les populations ont plutôt porté un triomphe à l’hôte du jour. Et les douze ministres qui accompagnaient le Premier ministre maitrisaient leur dossier.
Dans le centre du pays, cinq localités ont été visitées, avec au programme des rencontres entre communautés dogon et peule pour apaiser les tensions. Soumeylou Boubeye Maïga a annoncé qu’il enverra au total si nécessaire 10 000 militaires sur le terrain pour protéger les populations contre les jihadistes.
Mesure de confiance forte
Mais le tout-sécuritaire ne règle pas le problème de recrutement des jeunes au sein des bandes armées. Soumeylou Boubeye Maïga a annoncé la création d’une université à Bandiagara et des distributions de vivres aux populations en insécurité alimentaire. L’Etat jouera également la carte de la solidarité.
La visite à Kidal du Premier ministre est « une mesure de confiance forte », estime le porte-parole de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), Ilad Ag Mohamed, qui évoque l’accord d’Alger de 2015, qui piétine. « Cet accord souffre d’une crise de confiance énorme entre les parties signataires, déclare-t-il. Je crois qu’aujourd’hui, on tend à briser cette crise de confiance. Maintenant nous attendons du gouvernement qu’il arrête de signer des chronogrammes s’il ne les respecte pas. Aujourd’hui, la CMA a fait tout ce qu’elle peut pour aller vers des mesures concrètes ».
Dans ce dialogue, faut-il inclure Iyad Ag Ghali, le chef jihadiste malien ? « Depuis un certain temps, il y a un débat autour de l’inclusion d’Iyad, répond-il. Si Iyad fait partie des solutions pour régler définitivement le problème du Mali en général, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il intervienne d’une manière ou d’une autre. Paris a beaucoup revu sa position. J’ai vu les interventions récentes des officiers supérieurs français qui commencent à parler de solutions politiques. J’imagine que dans solutions politiques, cela veut dire qu’il faut exclure la manière forte ».
Opération de communication
A Koro, Soumeylou Boubeye Maïga a promis un désarmement des milices et un cadre de réconciliation. Mais pour Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition à l’Assemblée nationale, cette tournée ne résout rien, à trois mois de la présidentielle.
« C’est beaucoup plus de la communication, déclare-t-il. Vous savez comment cela a été négocié à Kidal, à coup d’argent, à coup d’interventions de la Minusma, de la France, de l’Algérie, des Etats-Unis. Je ne pense pas que cela ait réglé quelque chose. Honnêtement, aujourd’hui, à trois mois des élections présidentielles, on ne voit pas ce qu’on peut régler en trois mois qu’on n’ait pu régler en deux ans, deux ans et demi. Ce qui préoccupe les Maliens au-delà des problèmes du Nord, c’est le pourrissement de la situation au centre du pays ».
Quand Soumeylou Boubeye Maïga affirme :« On va désarmer les milices. C’est le début de la réconciliation », le député d’opposition n’y croit pas. « Ce sont des slogans, estime-t-il. Il faut que les populations se parlent, se pardonnent. Ce n’est pas quelque chose qui viendra de Bamako. Je ne crois pas que parce qu’on l’a dit, on l’a fait ».
Publié le 27-03-2018