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Mali: l’art des griots mandingues, traditions et transmission

Depuis plus de sept siècles, les grandes familles des griots transmettent à leurs enfants l’art de la parole et des instruments qui la portent. Confrontés aux changements rapides de la société, ceux-ci doivent aujourd’hui inventer de nouvelles façons d’être griots dans un contexte mondialisé.

Jeliya, l’art des griots

Contrairement à ce que l’on pense souvent, le terme “griot” ne vient pas d’une langue africaine. L’hypothèse la plus répandue le renvoie aux mots portugais criado, “serviteur du maître”, ou gritar, “crier”.

En Afrique de l’Ouest, on l’utilise depuis longtemps pour désigner des personnes qui ont en commun d’avoir développé un don particulier pour la parole et d’être les hérauts d’une confrérie, d’une communauté, d’une association ou tout simplement de quelqu’un de riche ou de puissant. Ils sont les virtuoses du chant de louange, véritable pendant traditionnel de notre incontournable publicité.

Dans ce contexte de culture orale, l’identité d’un individu passe presque toujours par la mémoire de ses parents sur plusieurs générations et la référence à l’ancêtre mythique de son clan. La mémorisation des généalogies et leur déclamation représentent donc un art important dont une part significative de l’acquisition relève de l’initiation.

La spécificité de la culture mandingue, c’est d’avoir réservé une partie de l’art de la parole et de la musique qui lui est associé à un groupe socio-professionnel héréditaire et fermé, celui des jeliw (jeli au singulier), les “griots de sang”.

Des instruments réservés

La tradition raconte qu’au 13e siècle, le héros Soundjata Keïta, créateur mythique de l’empire du Mali, rassembla les clans mandinka et établit alors avec force de loi l’organisation de la société mandingue selon une répartition qui s’est ensuite perpétuée jusqu’au 20e siècle.

A côtés des hommes libres (horon) et des esclaves, on y distingue les nyamakala, les “artisans du nyama”, la force vitale, occulte et potentiellement dangereuse de la matière qu’ils travaillent.

A cet égard, les jeliw sont les artisans de la parole, tout comme les forgerons sont ceux du métal. Leur maîtrise du verbe – matière chargée de nyama – leur interdit tout échange matrimonial hors du groupe. Entremetteurs privilégiés de la société mandingue traditionnelle, on fait appel à eux quand il faut prendre la parole en public ou pour régler n’importe quel différend au sein de la communauté.

On ne peut leur tenir rigueur des mots qu’ils sont susceptibles d’utiliser, dans la mesure où ceux-ci sont au service de la société.

Pour porter le verbe et le rendre plus fluide, les jeliw ont alors recours à certains instruments spécifiques: le tambour d’aisselle tama, le xylophone bala (ou balafon), le luth jeli koni et les harpes à chevalet bolon (à 3 ou 4 cordes graves) et kora (à 21 cordes).

Dans la société traditionnelle, ils sont restés longtemps les seuls à les utiliser: tout non-griot qui en aurait joué aurait couru le risque d’être rejeté par les siens.

Le temps de l’ouverture

Au moment de l’indépendance, le patrimoine des griots mandingues joue un rôle essentiel dans la construction de l’identité nationale malienne. Au sein de l’Ensemble Instrumental du Mali, la kora, le balafon et luth jeli n’goni sont les outils privilégiés de la politique d’authenticité voulue par le nouveau régime.

L’orchestre fait rapidement sensation dans toute l’Afrique de l’Ouest et remporte le premier prix du premier Festival des arts nègres à Dakar en 1966. Il est constitué presque exclusivement de membres des grandes familles de griots, Kouyaté, Diabaté, Sissoko ou Soumano…

A partir de la fin des années 60, le développement d’une véritable culture urbaine bouleverse la relation des Maliens à la musique. Depuis Bamako, Radio Mali devient un centre de création musicale, tandis que les ensembles s’électrifient et s’approprient les répertoires traditionnels: Rail Band du Buffet Hôtel de la gare de Bamako, Ambassadeurs du Motel, Super Biton de Ségou, Super Djata Band, Kanaga de Mopti, tous font du neuf avec du vieux.

Dans ce processus d’arrangement, les jeliw jouent un rôle important: Djelimady Tounkara, Mory Kanté ou Kélétigui Diabaté, notamment, sont les pionniers d’un son nouveau. Mais ils côtoient une nouvelle génération d’artistes qui n’ont plus peur d’interpréter le répertoire des griots “de sang”. Salif Keïta, en particulier, prouve avec brio qu’on peut désormais chanter les hymnes du Manden sans être jeli.

Nouveaux enjeux

Au cours des années 90, alors que le concept de World Music s’épanouit en Europe, les instruments traditionnels de la jeliya reviennent rapidement au premier plan des “musiques du monde”.

Formés à bonne école, leurs nouveaux maîtres s’appellent Toumani Diabaté, pour la kora, ou Bassekou Kouyaté pour le jeli n’goni. Ils ne sont pas les seuls, loin de là, mais ils ont su avant ou mieux que d’autres faire bon usage des conseils que leur ont prodigués leurs producteurs occidentaux. Forts d’une parfaite maîtrise du répertoire traditionnel, ils participent aux collaborations les plus variées, du blues au jazz ou à la pop et deviennent les modèles de la génération suivante, qui ne craint plus désormais d’électrifier ses instruments.

Aujourd’hui, si la grande tradition de la parole se transmet encore de manière initiatique, la plupart des jeunes griots ont compris que pour faire carrière, il faut désormais à la fois répondre aux critères traditionnels d’excellence vocale ou instrumentale et faire preuve d’inventivité.

Dans cet esprit, une école de musique pour jeunes griots a été fondée à Krina, près du fleuve, par le projet musical multimédia Playing For Change. A Bamako, l’Aga Khan Music Initiative soutient plusieurs projets du même type, avec en vitrine le très beau Trio Da Kali et sa rencontre avec le Kronos Quartet: bel exemple d’une tradition qui, désormais, dialogue d’égal à égal avec le reste du monde.

Source: rts.ch

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