Le verdict du tribunal a une fois de plus été reporté et devrait être connu dans trois semaines. Les proches de l’économiste se désespèrent de ces délais, qui contribuent à faire du chercheur un symbole de la répression des voix discordantes par la junte.
C’est une détention sans fin pour Étienne Fakaba Sissoko. Alors qu’il devait enfin être fixé sur son sort judiciaire, il devra encore attendre. Ce mercredi 11 mai, le tribunal de la commune IV du district de Bamako a décidé de proroger son délibéré et de renvoyer son jugement au 1er juin prochain.
Cela doit permettre à l’économiste de produire « des preuves s’il en a » pour étayer les propos qui lui sont reprochés, explique une source proche du dossier. Il avait accusé Choguel Maïga, l’actuel Premier ministre, de favoriser les nordistes dans les nominations à des postes de responsabilités. Pointant que les Assises nationales étaient organisées durant la période de Noël, il avait aussi estimé que les « chrétiens [étaient] marginalisés ». Des phrases qui lui valent d’être poursuivis pour « propos tendant à la stigmatisation ou à la discrimination religieuse ».
Acharnement
L’économiste ne nie pas ces déclarations et, pour les étayer, il a produit un document « faisant ressortir les nominations à l’Autorité malienne de régulation des télécommunications, des technologies de l’information et de la communication, et des postes (AMRTP) du temps où Choguel Maïga était patron de cet organisme », selon Ibrahim Marouf Sacko, l’un de ses avocats. Mais, durant l’audience du mercredi 13 avril, ce document qui tient lieu « d’élément de preuve » pour la défense manquait lors du jugement.
Cette absence ne justifie pas pour autant la prorogation du jugement, regrette sa défense. « Le juge pouvait statuer sans ce document », déplore Me Sacko, qui a plaidé la relaxe. Le parquet a quant à lui requis la condamnation avec sursis.
Affaire politique
Pour les soutiens d’Étienne Fakaba Sissoko, il ne fait aucun doute que les poursuites contre lui ont une « connotation politique ». Un proche de l’économiste ne cache pas son incompréhension : « Habituellement, aucun procureur ne poursuit quelqu’un pour ça. Il doit y avoir autre chose. »
Durant les mois qui ont précédé son interpellation, l’économiste s’est illustré par ses critiques contre le gouvernement de transition, notamment Choguel Maïga, le Premier ministre. Dans les médias et sur les réseaux sociaux, il avait notamment analysé les conséquences des sanctions économiques et financières infligées au Mali par la Cedeao.
Ses démêlés judiciaires ont alors commencé à s’accumuler. Outre cette affaire, Étienne Fakaba Sissoko est poursuivi pour « présomption de faux et usages de faux diplômes universitaires ». Il est accusé d’avoir obtenu frauduleusement son diplôme de doctorat à l’université de Nanterre. Il est aussi soupçonné d’avoir utilisé le Centre de recherche, d’analyses politiques, économiques et sociales (Crapes) qu’il dirige, pour délivrer un diplôme au nom de l’université de Nanterre à un certain Djibril Sangaré. Ce dernier, également sous mandat de dépôt, aurait bénéficié d’une équivalence et intégré la Faculté de droit public. « Une affaire criminelle qui va prendre du temps », confie une source au tribunal.
Arrêté en janvier dernier, Étienne Fakaba Sissoko a obtenu une remise en liberté provisoire à la mi-mars. Une décision restée lettre morte : l’homme est toujours derrière les barreaux.