Au Mali, cinq chefs d’État ouest-africains sont attendus à Bamako pour tenter de résoudre la crise malienne. Une mission dirigée par le président en exercice de la Cedeao Mahamadou Issoufou. Malgré la mission de la semaine dernière, aucun accord entre pouvoir et opposition n’a encore été trouvé. Ce jeudi 23 juillet, alors que les Maliens espèrent une résolution de la crise, il faudra trouver un compromis et mettre toutes les parties d’accord sur le plan politique mais aussi sur le plan institutionnel.
De notre correspondante à Bamako, Coralie Pierret
Outre la crise politique, car le Mali n’a plus de gouvernement depuis une quarantaine de jours, l’imbroglio institutionnel ne semble pas résolu. La Cour constitutionnelle continue de cristalliser les tensions. Depuis qu’elle a invalidé une partie des résultats des élections législatives en mai, favorisant, selon l’opposition, la majorité présidentielle, 31 députés continuent de réclamer qu’on les rétablisse dans leur siège. C’est d’ailleurs l’une des recommandations de la Cédéao mais à ce jour, la question du comment reste entière. La Cour constitutionnelle, dissoute par le président IBK, n’a toujours pas à ce stade de nouveaux membres.
Régler le contentieux électoral pour résoudre la crise
Dans une lettre adressée au président de la République, Manassa Danioko, la présidente contestée de la Cour, a d’ailleurs dénoncé le décret d’abrogation des magistrats en le présentant comme une violation de la constitution par le président IBK. « L’article 37 de la loi organique empêche toute destitution non motivée. Or les motifs invoqués ne sont pas établis en ce moment » soutient Ibrahim Sangho, analyste électoral.
Alors comment faire pour que la nomination des nouveaux membres soit légale? Le débat s’est imposé au sein de la profession. Pourtant, leur nomination presse car ce sont eux qui sont censés régler le contentieux électoral au cœur de la crise actuelle.
« Nous voulons la paix »
En attendant, les Maliens fondent beaucoup d’espoir dans la venue des chefs d’États, selon notre correspondant à Bamako Serge Daniel. Lorsqu’on interroge les Maliens sur les attentes, une seule phrase revient : « Nous voulons la paix ». Et la paix passe par quoi ? Là, les avis divergent. Le discours des opposants et de leurs partisans est connu: démission du président de la République et bonne gouvernance. Les fidèles du pouvoir, eux, affirment : « on peut revendiquer mais sans manifester dans les rues et sans poser des barricades ou enflammer des pneus ».
A Bamako, tout le monde espère beaucoup de la venue de plusieurs chefs d’États ce jeudi. Les habitants de la capitale malienne rêvent d’une paix définitive. « Il ne faut pas que l’on règle le problème et que cela recommence quelques semaines après », confie un habitant de la rive droite du fleuve Niger. D’autres personnes interrogées, qui refusent d’être dans un camp, ont leurs opinions. Pour elles, les chefs d’États attendus ne doivent pas venir en syndicalistes, mais dire la vérité à l’opposition mais également au président.
Cela montre l’extrême gravité de la situation et l’urgence d’y trouver une solution rapide
Un déplacement de chefs d’Etats hors du commun
Dakar suit de très près ce qui se passe au Mali
Les présidents du Nigeria, du Niger, du Ghana, de Côte d’Ivoire, et du Sénégal sont attendus à Bamako ce jeudi . Au Sénégal, les autorités n’ont pas fait de déclarations publiques sur la crise malienne. Mais Dakar suit de près l’évolution de la situation politique chez son voisin, en raison de ses possibles conséquences sécuritaires nous apprend notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac.
Le camp militaire de Goudiry n’est pas encore opérationnel, mais la première pierre a été posée la semaine dernière dans cette localité de l’Est du Sénégal, proche de la frontière malienne. Signe d’une volonté, pour Dakar, de renforcer le dispositif face aux menaces transfrontalières, notamment dans le département de Tambacounda et la zone minière de Kedougou. « Les autorités sénégalaises sont très conscientes du risque d’infiltration terroriste en provenance du Mali », assure un observateur, mais « restent dans une posture de discrétion ».
« Intérêts vitaux et colossaux »
Pourtant, l’éditorialiste sénégalais Babacar Justin Ndiaye parle d’un « regrettable retard à l’allumage ». Pour le chroniqueur, le président Macky Sall aurait dû être « en première ligne » et jouer « un rôle moteur » dans le dossier malien, étant donné les « intérêts vitaux et colossaux » entre les deux pays. Le chercheur Bakary Sambe, lui, souligne que le Sénégal était resté en retrait lors du déclenchement de la crise malienne en 2012, mais que ses militaires participent aujourd’hui très activement à la Minusma, la force de l’ONU au Mali. Finalement, Macky Sall est « dans ses classiques », avec une diplomatie de « bon voisinage » et de « règlement pacifique des conflits », poursuit le directeur du Timbuktu Institute, qui cite le proverbe: « si la barbe de ton voisin prend feu, mouille la tienne ».
Source: RFI