L’Organisation internationale de défense des droits humains, Amnesty International et l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH) ont lancé à tambour battant un appel «pressant» à l’adresse des pays donateurs, pour l’acheminement dans le centre et le Nord du Mali des aides humanitaires souvent détournées de leur véritable destination.
«Une catastrophe humanitaire menace la vie des milliers de maliens dans le centre, le nord et des réfugiés dans le sahel ».
L’alerte a été sonnée par le gouvernement, les associations… qui acheminent l’aide humanitaire aux déplacés internes. Une manière pour les responsables de ces structures d’accompagner –comme au début de chaque vieille nouvelle campagne de mendicité –d’un appel «pressant» en direction des pays donateurs, pour l’acheminement, sans plus tarder, de l’aide humanitaire .
«Il n’y a aucun stock de réserve des produits alimentaires», s’affolent le plus souvent les autorités maliennes, les associations et les responsables qui acheminent l’aide humanitaire. Bien plus, ils vont jusqu’à faire chanter les donateurs internationaux, qui n’auraient pas fait assez pour répondre aux besoins les plus urgents des populations abandonnées à leur triste sort.
Le Programme Alimentaire Mondial (PAM), qui en a pris pour ses grades, est appelé à assumer la responsabilité des conséquences dangereuses (du manque de denrées alimentaires) sur la santé des réfugiés maliens et des populations du nord qui dépendent totalement des aides humanitaires.
Aujourd’hui, le diagnostic est sans appel : plus de 66% des femmes en âge de procréation souffrent d’anémie, tout comme 76% parmi celles qui sont en état de grossesse, alors que le pourcentage d’anémie au sein des enfants de moins de cinq ans atteint 68%, dont 39% souffrent de malnutrition. Ce tableau noir ne peut, à l’évidence, qu’inspirer la désolation, même si les responsables, les autorités et les associations qui acheminent l’aide forcent le trait quand il s’agit de surfer sur la fibre humanitaire de l’opinion publique internationale. Or, les structures, qui acheminent l’aide humanitaire, continuent d’assiéger ; d’affamer et d’humilier la population séquestrée, sont les premiers à devoir assumer la responsabilité morale de ce qu’elles appellent « une catastrophe humanitaire ».
Mais voilà, il y a pis que pire. Les aides humanitaires, en nature ou en espèces, qui pleuvent pourtant à flot et qui sont destinées aux populations du centre, du nord, aux personnes déplacées et réfugiées, sont détournées de leur véritable destination.
Selon les données des services de l’action humanitaire, le nombre de Personnes déplacées internes (PDI) accueillies dans des localités du Mali est estimé à plus de 311 193 en octobre 2020, soit une augmentation de près de 40 %.
Du coup, Amnesty International et l’AMDH sont bouleversées de constater, à chaque fois, que les aides humanitaires n’arrivent pas à leurs ayant droits, c’est-à-dire nos concitoyens séquestrés au centre, tout comme au nord et sur les sites de réfugiés. Ces aides ne profitent réellement qu’aux hommes forts du système. Les responsables chargés d’acheminer les aides instrumentalisent la souffrance de nos compatriotes en détresse pour se remplir les poches, après l’écoulement des aides sur le marché noir. C’est d’ailleurs pourquoi on trouve, aujourd’hui, en vente sur les places de notre capitale, le riz du don japonais, les produits alimentaires livrés par l’Algérie et bien d’autres choses.
Charité bien désordonnée commence par soi-même
Oui, vous avez bien lu. On n’ose même pas imaginer ! Il est vrai que de tous temps, les détournements, notamment de vivres, ont été monnaie courante sous nos tropiques. Et toutes les entités et les maillons de la chaîne ne se font pas prier pour mettre la main dans le sac. Des responsables aux représentants locaux en passant par les petites mains qui n’hésitent pas à se lécher les doigts selon l’excuse consacrée de celui qui sustente un bébé. En temps de paix déjà, l’attitude est déplorable. En temps de guerre, il est criminel que ceux qui sont censés voler au secours des pauvres hommes que sont les réfugiés jouent aux voleurs de bas étage. C’est une ignominie que de prélever dans la sébile d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été dessouchés sans ménagement de leur milieu de vie.
Et avec ça on veut ensuite parler de morale à ses enfants. Et avec ça, comment voulez-vous que ceux qui volent à notre secours, ces bailleurs de fonds qui sont pour la plupart des Occidentaux, nous prennent au sérieux quand notre case brûle. Il faut enclenchée des procédures afin que les fautifs soient châtiés à la hauteur de leur gloutonnerie. Vivement que les bénéficiaires finaux de ces aides soient aussi réglos. Il n’est pas rare en effet de voir les mêmes produits qui leur ont été distribués sur la place du marché. L’excuse est toute trouvée : il faut vendre, le mot bazarder siérait plutôt, une partie du don pour améliorer la ration alimentaire, en se fournissant notamment en viande.
En effet, c’est hallucinant de remarquer que des fortunes colossales sont amassées par les responsables des services de l’Etat et des organisations, avec une complicité de haut niveau. De leur geste humanitaire, ces responsables maliens sont devenus de grands commerçants. C’est d’autant plus hallucinant que les aides sont détournées pour financer des vacances dorées en Europe au profit des familles de ces responsables.
D’où le lieu pour Amnesty International et l’AMDH de se révolter tout en appelant les donateurs à faire preuve de prudence pour s’assurer de la véritable destination de ces aides. Le même son de cloche est relevé chez les populations maliennes. «Les séquestrés sont devenus un instrument pour solliciter la charité des ONG internationales », témoignent les responsables d’Amnesty International et de l’AMDH.
Depuis, la crise au Mali, les organisations évoluant dans l’humanitaire recourent à une description effrayante de la situation au centre et dans les camps de réfugiés internes pour obtenir des aides. Ces organisations procèdent à la distribution d’une petite partie de ces aides, alors que le reste est acheminé vers d’autres lieux pour être revendu sur le marché noir.
En attendant, le Haut Commissariat aux réfugiés doit assumer sa responsabilité en procédant à un recensement indépendant et crédible de la population séquestrée. C’est d’autant plus urgent qu’il s’agit d’identifier les besoins réels en aides humanitaires.
Mariam Konaré
Source : Nouveau Réveil