Au Mali, tout le monde, sauf les promoteurs d’usines de production d’additifs alimentaires communément appelé cubes maggi, dénonce les effets néfastes de la consommation de ces produits pour la santé humaine. Pour certains, le produit est source de tension artérielle, voire de diabète. Pour d’autres, il est même à la base de l’impuissance sexuelle chez les hommes. Un lot de Maliens rebelles à la consommation des cubes fustige la nature inconnue de certaines matières chimiques qui rentrent dans leur fabrication. Mais malgré ces préjugés défavorables, le cube maggi demeure le condiment le plus prisé par les ménagères maliennes. Les quelques usines locales qui opèrent dans le secteur voient chaque jour leurs chiffres d’affaires montés en flèche. Alors question : les cubes maggi sont-ils devenus un poison alimentaire indispensable au Mali ?
Au Mali, aucun chef de famille conscient ne daigne qu’on mette un milligramme de cube maggi dans son repas. Mais, l’écrasante majorité des chefs de famille en consomment. Certains sans le savoir et d’autres par simple impuissance.
Selon Fatoumata Sissoko, ménagère à Sébénikoro, son mari s’oppose à la consommation du cube maggi, mais elle se cache pour l’utiliser. « Il me l’a dit depuis les premières heures de notre mariage. Et il me le rappelle souvent. Mais, je n’ai jamais arrêté d’utiliser ce produit. Et mon mari ne m’a jamais fait de reproche. Je crois qu’il ne s’en rend pas compte. Pour utiliser le cube dans ma sauce, je le mélange aux autres condiments depuis le marché », explique la ménagère.
Oumou Kéita, ménagère à Badalabougou, a voulu lui aussi obéir aux ordres de son mari qui est contre la consommation du cube maggi. Mais, elle a fini, elle aussi, par faire comme Fatoumata Sissoko. « Quand j’ai arrêté de l’utiliser sur ordre de mon mari, ce dernier n’arrêtait pas de se plaindre. Il ne trouvait plus de goût dans les repas. J’ai utilisé d’autres condiments pour qu’il retrouve le goût ; mais rien à faire. C’est pourquoi j’ai décidé de revenir à l’usage du cube maggi. Et il a arrêté de se plaindre sans qu’il ne sache que c’est du cube qu’il continue de consommer », regrette notre interlocutrice Kéita.
Pour D. Traoré, ménagère à Korofina Nord, c’est le comportement de son mari qui la pousse à utiliser le cube dans ses provisions culinaires. Elle est bien consciente des méfaits du produit, dont elle dit subir actuellement les conséquences. Car, à l’en croire, à cause du cube maggi, son lit conjugal est de moins en moins pimenté. « C’est vraiment triste, très triste ! Mon mari m’a dit d’arrêter d’utiliser le cube maggi, mais il refuse d’augmenter les frais de condiments. Avec une petite somme, on peut faire une bonne sauce grâce au cube maggi. Mais pour faire une bonne sauce sans cube maggi, il faudra beaucoup de condiments, donc beaucoup d’argent. Et mon mari n’est pas prêt à faire ce sacrifice. Voilà pourquoi j’utilise encore le cube maggi dans ma cuisine et il est content dans l’ignorance. Conséquence, il se rend malade, et moi, encore plus malade au lit. Je suis vraiment perdue », se confie la jeune dame, tout triste.
Ce qu’en pensent les chefs de famille ?
Sur la question de la consommation du cube maggi, les avis des chefs de familles divergent selon leur rang social.
Selon Bamoussa Koné, maçon à Kanadjiguila, l’excès de tout ce que l’on consomme est nuisible. Et la consommation du cube maggi rentre dans ce cadre. « C’est l’excès de sa consommation qui est nuisible et non le produit lui-même. Je ne m’oppose pas à son usage, mais seulement je suis arrivé à convaincre ma femme de le limiter. Et cela marche bien. Vous savez, la plupart de nos femmes ne savent pas préparer. Les cubes maggi les aident à rendre leurs repas mangeables. Sans quoi, tous les hommes vont mourir de faim », ironise le maçon.
Oumar Diallo, tailleur au grand marché de Bamako, a répudié sa seconde épouse il y a trois mois à cause de l’utilisation du cube maggi. « Je suis diabétique et le médecin m’a déconseillé la consommation du cube maggi. Mais, ma seconde épouse continuait à l’utiliser dans ses profitions malgré mes mises en garde. Je l’ai prise en flagrant délit un jour et je l’ai renvoyée. Le cube maggi est sans doute à la base de toutes les maladies. Mais ce que les femmes oublient, c’est que ce ne sont pas seulement les hommes qui subissent ses méfaits sanitaires, mais elles aussi. En plus de l’impuissance sexuelle, les cubes développent le diabète et la tension, maladie très courante dans la société malienne », dénonce Oumar Diallo.
Samba Dicko, un cultivateur et éleveur à Kirina (commune rurale de Mandé), a une autre perception de l’usage du cube maggi.
A l’en croire, il utilise souvent les cubes pour castrer les bœufs. Ce qui est d’ailleurs une pratique répandue dans les milieux de l’élevage. « L’effet est quasi immédiat et efficace pour les animaux. N’en parlons pas pour les hommes. Je suis convaincu que les cubes maggi développent l’impuissance chez l’homme. Mes femmes me le font consommer aussi. C’est malheureusement le mal du siècle. On ne peut plus s’en passer dans nos cuisines. Il n’y a rien à faire. Le défi aujourd’hui est de trouver les neutralisants. Et pour cela, j’utilise beaucoup de feuilles et des plantes pour cela », invite le vieux cultivateur.
Aujourd’hui, il est difficile de connaître la quantité de sel de chaque cube. Car cette information n’apparaît pas sur les emballages de ces produits. Pourtant, sur des fiches recettes destinées aux professionnels, des curieux ont pu trouver pour plusieurs marques « 67,8 g de sel pour 100 g de cube », soit 5,4 g de sel pour 8 g de cube (équivalent des 2 cubes quotidiens). Or, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) conseille fortement de ne pas dépasser les 5 g de sel par jour, l’excès de sel étant le principal facteur des maladies cardio-vasculaires, d’hypertension, d’AVC (accidents vasculaires cérébraux) et même de certains cancers.
Et l’Anssa dans tout cela ?
En consultant les archives, on a pu récupérer un article publié par Les Echos du 11 octobre 2011 sur la question. Nous vous en livrons quelques extraits: «A l’Anssa, toutes ces informations sont prises avec des pincettes et qualifiées de rumeurs. Selon Dr. Adama Sangaré, chercheur dans la structure, leur service a été saisi en 2008 par le ministre de la Santé, Mme Maïga, Zéinab Mint Youba. La saisine était relative à une information d’un groupe d’éleveurs qui disaient utiliser le cube maggi pour castrer leurs animaux».
Et le journal de poursuivre : « L’Anssa a mis en place une équipe de chercheurs composée d’Adama Sangaré, Ibrahima Kassambara, Coulibaly Salimata, Jean-Baptiste Kéita, Ousmane Touré, Mahamadou Sacko, et Cissé Oumou Traoré. L’étude publiée en 2009 est intitulée : « L’utilisation des cubes alimentaires dans l’embouche des bovins et des petits ruminants dans le district de Bamako. Evaluation des effets potentiels sur la libido des animaux ». Les résultats sont publiés dans la revue « Mali médical cube Maggi », tome XXIII.
Seul « Vedan »
Selon toujours notre confrère : « L’étude a été réalisée dans les 11 marchés à bétail du district de Bamako. Le test d’observation a porté sur 20 béliers maures âgés de 2 à 3 ans répartis en 4 lots de 5 têtes chacun ; 15 brebis maures âgées de 2 à 3 ans synchronisées régulièrement et mises en chaleur pour les mesures de la libido. Les moutons ont été alimentés avec un régime composé de farine de niébé et tourteau de coton, avec respectivement 0 cube Jumbo le premier lot (témoins), 2 cubes pour le 2e lot et 4 cubes pour les 3 e et 6 cubes pour le 4 e lot ».
Selon les révélations de notre confrère citant l’Anssa : «L’enquête a prouvé que la principale ration utilisée par les emboucheurs était la combinaison paille de rousse et aliment bétail Huicoma (ABH) 98,70 %. Au lieu d’être considéré comme un vecteur d’impuissance sexuelle chez les animaux, l’étude a prouvé que 0,5 % des éleveurs de Bamako utilise le cube (Jumbo Maggi poulet) pour engraisser leurs ovins. La raison est qu’il augmente l’appétit alimentaire et sexuel de ces petits ruminants.
Mieux, les chercheurs, aux dires de Dr. Sangaré, ont constaté que les animaux qui ont fait l’objet d’expérience avaient une libido plus élevée. La conclusion des chercheurs est que ce produit n’a pas d’effets néfastes sur les organes génitaux des animaux mâles.
Le chercheur de l’Anssa fait savoir que cela n’est que la première partie d’une étude. Une autre est diligentée sur les bovins et se trouve au stade de rédaction des rapports. Il se garde de nous divulguer les résultats, qui au regard de leur déontologie sont du ressort du comité scientifique. Les conclusions dudit comité étaient attendues en novembre 2011.
Dr. Sangaré bat en brèche les arguments selon lesquels la composition du cube maggi n’est pas connue. A ses dires, il est fait à base de glutamate de potassium qui caractérise son bon goût dans la consommation. Selon lui, c’est la variété de bouillon appelé « Vedan » qui est d’une composition méconnue jusque-là par l’Anssa».
Pourtant, toujours au Mali, vers la fin de l’année 2010, un atelier s’est tenu au Cicb. Il regroupait tous les départements, directions et structurées spécialisées (ministères de la Santé; de l’Elevage, agences en charge de la sécurité des aliments; laboratoires de santé; vétérinaires; chercheurs et universitaires…). L’ordre du jour portait sur les dangers liés aux additifs alimentaires, entendez les exhausteurs de goût, tous abusivement appelés au Mali «cubes » et/ou «arome».
Trois jours durant, les participants ont livré les résultats de leurs recherches et fait des témoignages très poignants sur le sujet. Il ressort de la synthèse du rapport que l’élément chimique à la base de la plupart des additifs alimentaires dont les exhausteurs de goût, s’appelle le Glutamate mono sodique ou GMS (E 621). Appelé aussi «potentialisateur de saveur», il s’agit d’une poudre blanche ayant l’apparence du sucre et avec la particularité de renforcer le goût des ingrédients auxquels il est mélangé. Il s’avère aujourd’hui l’un des produits les plus contestés au même titre que la nicotine contenu dans les cigarettes.
Les risques mis en évidence par cet atelier national portant sur les dangers liés à la consommation des aromes et autres exhausteurs de goût, disons encore les bouillons culinaires, sont: faiblesse sexuelle chez l’homme ; saignements vaginaux ; troubles uro-génitaux ; troubles cardiaques ; hypo ou hypertension ; gastrite ; troubles du comportement chez l’enfant ; gonflement de la prostate, maladies de Parkinson, d’Alzheimer …
Alors, qui faut-il croire ? C’est là où repose toute l’importance du débat que nous tenons à poser pour une bonne information des consommateurs, mais surtout pour y voir plus clair concernant les effets de ces cubes sur la santé des populations.
Selon le Pr Abdou Niang, chef de service néphrologie CHN Dalal Sénégal, la manière la plus simple de réduire la prévalence des maladies rénales est la réduction de la consommation du sel et des cubes maggi dans notre alimentation. « Le Sénégalais consomme 30 grammes de sel ou cube maggi par jour contrairement à l’Européen qui n’en consomme que 10 grammes. Or aujourd’hui, on sait que plus vous consommez du sel et de la maggi plus vous augmentez le taux de prévalence de l’hypertension et des maladies rénales», informe le Professeur.
Bara Musso rompt avec la production traditionnelle des cubes !
Selon le chef du service juridique de l’entreprise Aminata Konaté, Issa Koné, le bouillon Bara Musso est composé de maïs comme matière première principale, du sel iodé, de l’amidon de manioc, de laurier, de poivre, de poivron, de manioc en poudre, de céleri et de persille.
« Le Vedan ne fait pas partie », répond d’emblée le chef de service juridique de l’entreprise Aminata Konaté.
Le bouillon Bara Musso est autorisé par l’Agence nationale de la sécurité alimentaire (Ansa).
Bara Musso participe avec fierté à chaque édition de la Journée malienne de la qualité. Il rappelle que les agents de la société sont les premiers consommateurs des bouillons Bara Musso. « Parce que tout simplement, ils sont composés des matières premières que nous cultivons nous-mêmes chez nous. Donc, qu’on connait », informe Issa Koné
Selon lui, l’ambition de la société Aminata Konaté aujourd’hui est de produire des produits à la base des matières premières cent pour cent bio. « J’ai quitté l’Office du Niger il y a seulement quelques jours pour négocier un partenariat en vue d’avoir des sites de prétraitement des matières premières qui rentrent dans la composition de nos productions. Je rappelle au passage que nous avons déjà deux sites à l’Office dont l’un est spécialisé dans la culture des persilles et l’autre pour celle des oignons. Le bouillon naturel que produit la société Aminata Konaté est rare dans le monde. Nous voulons être le leader dans cela dans le monde. Certains pensent que nous le sommes déjà d’ailleurs, mais nous restons humbles face à leur appréciation et continuons à batailler dur au plus haut sommet, loin de la portée des challengers. C’est ce qui justifie, aujourd’hui, notre présence à l’Office du Niger. Parce que nous nous sommes dit que pour faire des bouillons bio, il faudrait que nous rentrions nous-mêmes dans la production des matières premières»
Pour rappel, les additifs alimentaires de la société Aminata Konaté sont aujourd’hui vendus à Paris, en Arabie Saoudite, au Congo Brazzaville, dans tous les pays de l’Uemoa, etc.
Mandé Youssoufa
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