Survivante de l’excision, Hadiza Diarra, quinquagénaire, livre un combat sans merci contre cette pratique néfaste, à Doumba, dans le cercle de Koulikoro.
« Mon mari a failli me répudier. Car il disait ne rien ressentir avec moi. À la suite de l’excision, une chéloïde s’est développée au niveau de mon clitoris. C’était désagréable et chaque grossesse était un risque quasi-mortel. Aujourd’hui, je partage mon histoire pour éviter que d’autres filles subissent le même sort que moi », raconte Hadiza. Mariée depuis une trentaine d’années, la vie sexuelle de cette quinquagénaire est un véritable calvaire. « J’ai des douleurs à chaque rapport », se plaint-elle. Dans son village, à Doumba, Hadiza est une figure connue. Bravant les regards et les critiques d’une société attachée à la tradition, elle a fait de la lutte contre les mutilations génitales féminines(MGF) son cheval de bataille.
« Le 08 mars dernier, lors de la célébration de la journée mondiale de la femme, j’ai pris la parole devant tout le village pour dénoncer les mutilations génitales féminines », affirme Hadiza. Avant elle, aucune femme n’avait osé s’aventurer sur ce terrain au risque de s’attirer la foudre de la communauté très conservatrice. Outre cette tribune occasionnelle du 8 mars, la survivante prend régulièrement la parole sur les radios locales pour sensibiliser sur les conséquences de cette pratique dont elle garde les séquelles pour le reste de sa vie.
Son combat fait écho. « Grâce à mes interventions à la radio, beaucoup de survivantes me contactent pour se confier et demander de l’aide, une prise en charge au niveau de l’Association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles (AMSOPT) », déclare-t-elle.
A Doumba comme dans d’autres localités voisines, l’excision est toujours ancrée dans les mentalités. « Ma fille a été excisée à l’âge de 12 ans, malgré notre opposition, le poids de la communauté a primé. On l’a littéralement charcutée. Cela fait un an qu’elle est sous traitement », nous confie Souleymane Diallo, un habitant de Sirakorola. Les habitants de son village sont allés jusqu’à pousser les enfants à se moquer de sa fillette, en la traitant de « Bilakoro mousso (une impure)». Finalement les parents ont cédé en excisant leur fille à l’âgé de 12 ans.
Autonomiser les exciseuses
L’excision porte atteinte à la santé physique et psychologique de la jeune fille et des femmes. Malgré tout, la pratique est largement pratiquée dans plusieurs contrées du Mali. La présidente de la Maison de la femme, de la famille et de l’enfant de Koulikoro, madame Bathily Fadimata Sidi Lamine donne des chiffres alarmants. Selon elle, au Mali, le taux de prévalence des Mutilations génitales féminines/Excision (MGF/E) demeure très élevé chez les filles de 0-14 ans (76%) et les femmes de 15-49 ans (83%). Par ailleurs, on note que 16% des filles sont mariées avant 15 ans et 49% des femmes de 15-49 ans, avant 18 ans.
Les régions de Kayes, Koulikoro et le district de Bamako ont les taux de prévalence en MGF/E les plus élevés. Ils varient entre 90% et 97% selon l’enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS) 2015. Il est donc temps que ces localités s’activent pour faire baisser les chiffres.
L’excision est aussi une activité génératrice de revenus pour les exciseuses. « Après des séances de sensibilisation, beaucoup d’exciseuse nous disent qu’elles ne pourront abandonner la pratique que si on leur donnait d’autres sources de revenus. Car pour chaque fille excisée, elles ont droit à trois pagnes de wax et 5 000 F CFA », rapporte Assetou Sissoko, animatrice et gestionnaire de cas de violences basées sur le genre (VBG). La réussite de ce combat passe donc par l’autonomisation des exciseuses.
Source : Benbere