L’heure du choix a-t-elle sonné pour la Serbie ? Ce pays des Balkans aux tendances prorusses, qui revendique une forme de neutralité dans le conflit en Ukraine tout en assurant vouloir adhérer à l’Union européenne (UE), fait en tout cas l’objet de pressions inédites de Bruxelles pour choisir plus clairement son camp. Dans son rapport annuel sur les avancées des négociations d’adhésion publié mercredi 12 octobre, la Commission européenne dresse un sévère réquisitoire contre la politique étrangère menée par Belgrade depuis le début de la guerre en Ukraine, en déplorant que la Serbie « continue d’entretenir des relations intenses avec la Russie ».
Alors même que les pays candidats sont censés aligner leur politique étrangère sur celle de l’Union européenne, la Commission adresse une longue liste de griefs au président serbe Aleksandar Vucic, triomphalement réélu en avril dernier : « La Serbie n’a pas condamné explicitement l’agression russe » ; « Certaines déclarations et actions de responsables serbes sont allées directement à l’encontre des positions de l’UE » ; « La Serbie a refusé d’imposer des sanctions contre la Russie » ; « Des responsables russes qui figurent sur les listes de sanctions de l’UE ont été reçus à Belgrade » … La gravité de ces reproches est une première depuis qu’ont commencé, en 2013, les négociations d’adhésion avec ce pays de sept millions d’habitants, qui fait par ailleurs des progrès très modérés sur le reste des critères définis pour intégrer l’UE, qu’il s’agisse de la lutte contre la corruption ou des principes liés à l’Etat de droit.
« Les dirigeants serbes ont raté leur pari en pensant que Poutine allait gagner rapidement la guerre en Ukraine », Srdjan Majstorovic, président du Centre de politique européenne de Belgrade
Après avoir établi, dans un savant calcul, que l’alignement de la politique étrangère serbe sur celle de l’UE a régressé « de 64 % en 2021 à 45 % en août 2022 », la Commission conclut ainsi que la Serbie a « reculé » sur la voie de l’adhésion européenne. Ce qualificatif est « employé pour la première fois » par les Européens, déplore Srdjan Majstorovic, ex-membre de l’équipe de négociation serbe pour l’adhésion à l’UE, qui préside désormais le Centre de politique européenne de Belgrade, un cercle de réflexion proeuropéen.
« Les dirigeants serbes ont raté leur pari en pensant que Poutine allait gagner rapidement la guerre en Ukraine. Maintenant qu’il devient de plus en plus clair que la Russie va être empêtrée dans ce conflit, cela devrait les inciter à changer de politique », espère-t-il. « Vucic a acheté du temps, mais un alignement sur les sanctions est désormais devenu inévitable s’il veut respecter son objectif proclamé de devenir membre de l’UE », juge aussi Ivan Vejvoda, chercheur à l’Institut des sciences humaines de Vienne.