Suivant Fabiola Dor, l’industrie de l’information est en train de reconnaître entièrement la nature virale du web et l’avènement des médias sociaux, suivant le rapport 2009 du Pew project for excellence in journalism[1]. Depuis près d’une décennie, les réseaux sociaux techniques comme Facebook ou encore le site de “microbloging” Twitter ne cessent de bouleverser les médias traditionnels (télévision, radio, presse en ligne).
L’utilisateur reçoit une multitude d’informations sans consulter les références classiques comme la radio, la télévision ou la presse. Au fil des années, les réseaux sociaux numériques ont complètement changé notre manière de consommer les médias.
Selon elle, dans ses débuts en 2005, Facebook et son milliard d’utilisateurs ont joué la carte de l’amitié pour fédérer une communauté. Aujourd’hui, il s’impose comme l’une des principales sources d’informations.
En revanche, son cousin Twitter arrivé en 2006, un an plus tard, se définit comme une plate-forme de discussion en 140 caractères. Le réseau social de l’oiseau bleu aux 280 millions d’utilisateurs s’est positionné directement sur l’échange d’idées et de débats.
En 2007, la grande vague des smartphones a favorisé l’émergence et le développement de ces nouveaux outils de communication. Si à l’époque, les médias traditionnels ont rechigné à prendre le tournant digital imposé par ces innovations technologiques, aujourd’hui ils ne peuvent s’en soustraire.
Les réseaux sociaux ont, donc, bouleversé les professions liées au média, mais ils ont aussi changé nos rapports au média en tant qu’utilisateur.
Les élections américaines illustrent parfaitement le phénomène. Depuis la nuit des temps, l’évènement politique est suivi par des millions de personnes du monde entier.
Il y a donc un rapport à l’instantanéité fort important. Il sait ce qui s’est passé bien avant les images du journal de 20 heures. Ainsi, les professionnels ont été dans l’obligation de s’adapter face à ces nouvelles pratiques et à la rapidité de diffusion.
Avec les réseaux sociaux, les journalistes n’ont plus le monopole sur l’information. Grâce à ces nouveaux moyens de communication, tout le monde peut être témoin d’un évènement et le partager avec le monde entier dans la seconde qui suit. Une pratique qui donne naissance au “journalisme citoyen”.
N’importe qui est témoin d’un évènement, il peut le partager avec les autres sur la toile. Si en faisant cette action, il est vrai de reconnaître qu’il partage une information, mais la rapidité de diffusion de l’information prime aux dépens de l’analyse. Si de nouveaux volets comme le “journalisme citoyen” apparaissent, paradoxalement, cela entraîne aussi une vraie réflexion sur le rôle des journalistes.
Toutefois, on reconnaît qu’avec l’émergence de ces outils de communication, la profession est secouée. Aujourd’hui, il est assez courant que les journalistes soient informés par les réseaux sociaux. Ces outils s’inscrivent comme une véritable source d’information pour ces professionnels des médias.
Par exemple en France, lors de sa démission au gouvernement le 27 janvier 2016, l’ancienne Garde des Sceaux Christiane Taubira s’est exprimée sur son compte twitter personnel avant de s’adresser aux médias traditionnels. Cette démarche montre bien qu’à l’ère des réseaux sociaux, le journaliste n’a plus l’exclusivité de l’information.
Pour Fabiola Dor, l’utilisation massive des réseaux sociaux entraîne une réflexion sur la véracité de l’information. Quelle est la crédibilité d’un individu à se prononcer sur un sujet ?
Si les réseaux sociaux s’inscrivent comme une grande ouverture sur le monde en termes d’information, il est important de pouvoir dissocier le vrai du faux. Même si son rôle est remis en question, le journaliste détient ce rôle de gatekeeper : “l’idée de sélectionner et traiter l’information pour nos lecteurs ne disparaît certainement pas”, indique le journaliste. De même, elles font régulièrement appel aux valeurs constitutives de l’idéologie professionnelle des journalistes (qui appartiennent au même domaine de référence que le rôle de gatekeeper, celui du journalisme traditionnel) : éthique, objectivité et crédibilité.
S’il y a été démontré que les réseaux ont bel et bien changé la profession des journalistes, il est important de montrer que ces outils ne peuvent aucunement remplacer le rôle des journalistes.
Toutefois, cette omniprésence des réseaux sociaux suscite une vraie réflexion sur l’avenir des journalistes. Si ces outils ont bel et bien entraîné des changements dans la profession de ces derniers, l’essence de ces professionnels des médias prend ses racines dans l’analyse et le décryptage de l’information. Ce dernier a pour mission de donner des pistes de réflexion à l’opinion publique. En clair, il a pour mission d’éclairer les zones d’ombres. A l’heure actuelle, on parle plus d’adaptation de ces derniers par rapport aux réseaux. Une chose est claire, les réseaux ont bouleversé les médias et ces derniers sont dans l’obligation de combiner avec ces outils de communication. Surtout quand on sait, que les réseaux sociaux envisagent encore plus de rapprochement avec le monde des médias.
Le cas du Mali
Si, durant la campagne de la Présidentielle de 2018, les médias publics ont garanti aux candidats un espace gratuit et égal en respectant les dispositions du CNEAME, l’un des faits marquants de cette période a été le recours aux réseaux sociaux par les partisans de nombreux candidats. En effet, des pages Facebook et Twitter, inondant la toile, étaient dédiées à la promotion des idéaux des candidats à travers la diffusion de leurs programmes de société ou de leurs activités.
Malheureusement, de nombreuses dérives sur les réseaux sociaux où certaines pages servaient systématiquement à dénigrer et/ou injurier les adversaires tout en portant atteinte à leur personnalité et donc à la qualité du débat attendu.
C’est sans doute en réaction contre ces dérives que, durant toute la période du 1er et du 2ème tour de la présidentielle de 2018, il y a eu une rationalisation de l’accès à internet à travers le ralentissement du débit internet, voire l’inaccessibilité des réseaux sociaux comme WhatsApp, Facebook, Twitter et Viber.
Pour le moment, aucune autre loi, en dehors de la Loi sur la presse de 2000, ne règlemente les médias au Mali. Il n’y a aucune loi concernant la presse en ligne, encore moins concernant les réseaux sociaux.
Ibrahima SANGHO