« Nous avons une dette envers la Libye, très claire : une décennie de désordre. » Ces mots d’Emmanuel Macron, adressés aux nouveaux dirigeants libyens mardi 23 mars à l’Élysée, sonnent comme l’aveu d’une erreur : l’intervention de 2011 contre Mouammar Kadhafi, encouragée à l’époque par le président français Nicolas Sarkozy, et qui a eu des répercussions dans le Sahel.
Par une phrase laconique, longue de six secondes, Emmanuel Macron a pour la première fois reconnu officiellement la responsabilité de la France dans les désordres qui agitent la Libye et une partie de l’Afrique depuis dix ans.
Les chefs d’États du Sahel se plaignent régulièrement des conséquences de l’intervention des Occidentaux contre Mouammar Kadhafi en 2011 : sa chute les a non seulement privés de la manne financière de Tripoli, mais a aussi dispersé des combattants en armes dans toute la région et provoqué « l‘arrivée massive de mercenaires de toutes nationalités », comme le dénonçait encore Idriss Déby, le président tchadien, au micro de RFI en août 2020.
Un geste pour reprendre pied en Libye ?
Certains acteurs de la coalition de l’époque avaient déjà fait leur mea culpa. L’ex-président américain Barack Obama jugeait même que l’intervention en Libye, à l’appel de Nicolas Sarkozy, était sa plus grande erreur.
Selon l’analyste Antoine Glaser, Emmanuel Macron réalise cet aveu d’une culpabilité française moins pour souligner la responsabilité de son prédécesseur, que pour tenter de reprendre pied en Libye, alors que la Turquie, la Russie et l’Italie ont regagné du terrain. La Libye, outre ses richesses pétrolières, est un pays-clé pour le contrôle de la Méditerranée et des flux de migrants.
Au Mali, l’espoir d’un renouveau au Sahel
Depuis Bamako, notre correspondant, Serge Daniel, rapporte que la sortie d’Emmanuel Macron sur la Libye est perçue au Mali comme une reconnaissance indirecte du rôle de la France et des Occidentaux dans le chaos qui s’est installé au Sahel. Sory Ibrahim Diarra, président de l’Association malienne de veille citoyenne, explique :
« Nous sommes vraiment contents de cette déclaration du président Macron. Tous les désordres qui se sont passés en Libye, au Mali, au Tchad, au Niger… Chaque pays du Sahel a été déstabilisé. Si la Libye redevient stable, tout le Sahel sera stable. »
Mais pour Ramata Ndaou, la vice-présidente de la même association, le chef d’État français doit, avec ses alliés, poser des actes concrets : « Il doit mettre ses dires en action. Il doit aller plus loin et faire en sorte que le Sahel puisse avoir la tranquilité et la paix. »
Les membres de l’Association malienne de veille citoyenne souhaitent la mise sur pied d’une véritable coalition militaire internationale pour lutter efficacement contre le terrorisme dans le Sahel. « Nous ne comprenons toujours pas. Les terroristes n’ont pas d’avions, pas de blindés, et on n’arrive toujours pas à les vaincre sur le terrain », confient-ils.
« Que ce soit les Américains ou les Anglais, tous disent maintenant qu’ils ont été entraînés par Nicolas Sarkozy en 2011. On a bien vu pendant des années comment Mouammar Khadafi (…) gérait un équilibre précaire entre les chefs d’États de la région. »
RFI