En recevant les militants des associations et institutions des droits humains récemment, à la faveur d’une marche de protestation contre les libérations politiques de présumés auteurs d’atteintes de la liberté humaine, le gouvernement du Mali, par la voix du ministre de la Justice, Me Mohamed Bathily, avait promis une réponse effective au besoin de justice dans le strict respect des droits. Un mois après, une autre libération très controversée vient d’être faite. Le geste entache sérieusement le discours du gouvernement auprès des sentinelles des droits.
Un mépris vis-à-vis du peuple malien, surtout les sentinelles des droits de la personne qui, à la faveur d’une marche de protestation, le 11 septembre dernier, avaient exprimé leur ras-le-bol après la libération politique de 23 éléments du MNLA et HCUA par le gouvernement du Mali en octobre 2013 ainsi que celle de 42 éléments des groupes armés intervenus le 15 juillet dernier et exigé au gouvernement le respect strict des textes et chartes ratifiés pour l’amélioration des droits humains.
Moins d’un mois, les autorités viennent de rééditer. Contre la volonté du peuple souverain, le gouvernement a libéré, le mercredi 1er octobre, l’ancien ministre de la Jeunesse du MNLA pendant l’occupation, Mohamed Zéiny Aguissa Maïga.
Arrêté le dimanche 28 septembre 2014 par les Forces armées et de sécurité aux environs de Gao, des« preuves irréfutables« ont été retrouvées contre lui, selon le ministère de la Défense et des Anciens combattants. Les autorités ont pris la lourde responsabilité de libérer l’ancien ministre du MNLA sous le prétexte méprisable « de mesure de confiance« .
Les défenseurs des droits humains estiment que le gouvernement renforce le sentiment de l’impunité.« La réconciliation et les processus de négociations prévus par la feuille de route des négociations signée à Alger par les parties le 24 juillet dernier afin de parvenir à un règlement définitif du conflit s’appuient sur le caractère impartial de la justice« , affirme Abas Touré d’Amnesty International, ajoutant qu’il ne peut y avoir de réconciliation juste et durable au Mali sans que soit apportée une réponse effective au besoin de justice dans le strict respect des droits aux recours et à un procès équitable.
Pour M. Touré, le processus passe par la lutte contre l’impunité parce que l’impunité est l’une des causes des différentes rébellions que le Mali a connues, ayant pour corollaire de nombreuses et graves violations des droits de l’Homme. Cette lutte est l’un des éléments essentiels d’une véritable réconciliation nationale et un gage de prévention de la vengeance.
« En bon défenseur des droits humains, nous n’allons plus nous taire quand le gouvernement viole l’indépendance du pouvoir judiciaire garantie par l’article 81 de la Constitution qui stipule : le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’exerce par la Cour suprême et les autres cours et tribunaux…« , explique Me Moctar Mariko, président de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH).
Selon Me Mariko, il s’agit de défendre les textes fondamentaux et le Code pénal. « Le Code est l’expression la plus solennelle de la volonté du peuple sur son être et son devenir, elle a vocation à survivre aux chefs d’Etat. Ceux-ci lui sont nécessairement subordonnés dans la mesure où elle détermine la nature de leur pouvoir et trace le cadre d’exercice de leurs fonctions. C’est le contrat par excellence entre les défenseurs du droit et les citoyens, qu’ils doivent user tous les moyens d’action pour dénoncer les violations des principes juridiques. Les libérations des détenus rebelles au nom des « mesures de confiance » entre l’Etat malien et les groupes armés, condition préalable à une reprise du dialogue entre les différentes parties constituent une violation flagrante de l’article 81 de la Constitution« , relève Me Mariko.
Les responsables des deux organisations ont interpellé le gouvernement face à la nécessité d’une justice équitable. « Notre combat reste le même et nos moyens d’action sont nombreux. Si le message ne passe pas au niveau des autorités, nous sommes prêts à saisir la Commission africaine de droits de l’Homme, la CPI et les autres cours compétentes« , font-ils valoir.
Bréhima Sogoba