Que pasa ? Cher grand-père ! Ici logent toutes les questions de notre dernière décennie. Cette traversée interminable qui ne cesse de nous surprendre. Une décennie d’orphelins, de veuves et de victimes. Une décennie de cri du cœur et du silence des âmes. Une décennie de dénis et de faux-fuyants. Une décennie de larmes et de pleurs. Que pasa ?
Bagnarou ? Tu connais cher grand-père ? Un bagnarou. Un berger de troupeaux de bœufs, de moutons ou de chèvres. Un berger celui-là qui appelait le médecin “Lamou” (l’autorité). Un berger celui-là qui voyait Dieu en un commandant. Un berger celui pour qui un maire était un roi, un policier, tout un Etat et un juge, le décideur final. Rien que son troupeau, sa radio et ses longs cheveux. Voilà un bagnarou !
Pis, il ne connait ni la fatiha, ni un hadith ni le tawhid (unicité d’Allah). Bagnarou ne priait même pas (Ndlr). Et faisait la rigolade des “falkarou” (étudiants coraniques). Mais s’en moquait. Car son courage et sa témérité faisaient de lui celui qui traversait les forêts les plus dangereuses, supportait les famines les dures, des mois et des mois pour grossir ses bœufs et venir s’en vanter au “yam-dè” (période de crue).
Oui grand-père ! Posons les vraies questions. Etablissons les vraies équations. Peut-être qu’au fond nous aurons des réponses à notre décennie de crise. Pourquoi de “bagnarou” à Kamikaze ? Ne connaissant ni Coran, ni hadith, ni tawhid, comment de l’ignorance totale d’une chose à un Kamikaze à cette cause ? Quel levier fait sauter de berger à Kamikaze ? Quel en est le point d’appui ? Qui fait quoi à qui ?
Cher grand-père ! Dix ans de tueries, 10 ans de guerre, 10 ans de morts de tous les côtés ! Des pauvres cultivateurs obligés de laisser la daba qui nourrissait mal déjà pour prendre des armes pour ne pas mourir. Des jeunes innocents qu’on ne cesse de recruter, de former et d’envoyer à une guerre qui ne finit pas. Des bergers tout ignorants de l’islam qui deviennent des kamikazes djihadistes. Cher grand-père, qu’est ce qui se passe ?
Nous avons dynamisé un mécanisme qui ne compte pas s’arrêter. Arrêtons-nous et posons-nous les vraies questions. Allons au front contre nous-mêmes et demandons-nous qu’est-ce qui se passe. Personne n’a intérêt qu’on continue de vivre ce carnage entre nous Maliens divisés en djihadistes, milices et militaires et pire autour d’une population innocente et victime.
Faisons appel à nos intelligences et trouvons des solutions, pendant qu’il est encore temps !
A mardi prochain pour ma 67e lettre. Inch’Allah !
Lettre de Koureichy
Source : Mali Tribune