Une pompe à eau déclenchable par texto, des drones pour surveiller l’érosion des terres, l’agriculture africaine bouillonne d’idées et cherche des capitaux. L’enjeu est d’augmenter la production pour nourrir un continent dont la population va doubler d’ici 2050
L’idée m’est venue quand j’ai vu le temps perdu chaque jour par les paysans pour aller à pied de leur village à leurs champs, uniquement pour appuyer sur un bouton et revenir, informe Omar Basse, ingénieur de 27 ans. Il a inventé un box de télé-irrigation, déclenchant une pompe à eau électrique via un texto. « On a vendu 255 boîtiers en un an, utilisables soit en 3G, soit par le bon vieux système GSM », explique le jeune homme, invité au salon de l’agriculture à Paris par la plate-forme Digital Africa, qui promeut les jeunes entrepreneurs africains. Aux côtés de ce diplômé de l’université de Dakar, une dizaine d’autres jeunes entreprises africaines sont venues chercher des investisseurs à Paris, avec le soutien d’incubateurs de différents pays africains, de l’Agence Française de développement (AFD) et de l’association La Ferme Digitale, qui regroupe des start-up agricoles françaises.
Venu du Burkina Faso, Francis Kaboré s’est lancé dans les drones agricoles. « Certains disent que c’est un luxe, car 75 % des paysans au Burkina n’exploitent pas plus de 5 hectares, mais ce n’est pas vrai», affirme-t-il. Les données fournies par les drones permettent à une communauté villageoise de cartographier la pente des champs et d’installer plus judicieusement des cordons pierreux qui freinent l’érosion des terrains. «Avant les drones, les engrais dévalaient au fond des champs et les rendements des cultures étaient mauvais», explique Omar Ouedraogo, technicien de la fédération des professionnels agricoles du Burkina Faso. Il a lancé un programme test de cartographie auprès de 20 000 producteurs de la région de Bobodioulasso, deuxième ville du pays. Le numérique peut jouer un rôle « considérable » en Afrique pour « faire passer une agriculture vivrière à une agriculture du XXIe siècle », estime Hervé Pillaud, l’un des responsables de Digital Africa. « D’ailleurs, l’Afrique va plus vite que nous dans ce domaine et évite les erreurs que nous avons faites », assure-t-il à l’AFP. « En allant directement à l’agroécologie », les paysans africains augmenteraient leur production tout en évitant les dégâts d’une agriculture trop intensive, trop chimique et trop financière.
« Urgence à agir au Sahel »
Lors du SIA à Paris, une série de colloques sur l’agriculture en Afrique, l’un des derniers continents où se trouvent encore des terres cultivables vierges, a illustré les besoins du continent pour augmenter sa production alimentaire. Avec une population actuelle d’environ 1,2 milliard d’habitants, l’Afrique devrait en compter quelque 2,5 milliards d’ici 2050 alors que le continent est déjà importateur net de nourriture. «Il y a urgence à agir au Sahel» en raison du « réchauffement climatique», a notamment souligné le président de l’Institut de recherche Cirad, spécialisé dans les agricultures du sud. Dans l’immense salon du machinisme agricole Sima de Villepinte (Seine Saint-Denis), un «African summit » a réuni constructeurs, chercheurs et investisseurs pour plancher sur la façon de vendre des tracteurs et des équipements en Afrique. Et au salon de l’agriculture Sia à Paris, le président français Emmanuel Macron a encouragé le secteur à penser Afrique. «Nos partenaires africains ne veulent plus d’une vision cantonnée à la petite exploitation vivrière » a-t-il dit, « ils veulent une agriculture forte, et des filières fortes ». «La France et l’UE doivent être au rendez-vous de ces attentes».
L’AFD «va consacrer 1 milliard d’euros par an » au secteur, « pour la première fois depuis longtemps », a indiqué à l’AFP son directeur général, Rémy Rioux. L’agence gouvernementale a signé un accord-cadre avec le premier syndicat agricole français FNSEA. « Nous allons sur le terrain pour aider les paysans à s’organiser afin de créer des filières de production africaines », a confirmé à l’AFP Henri Bies-Pere, l’un des responsables du syndicat et président de l’Afdi (Agriculteurs français et développement international). «Votre vision de soutenir seulement les petits exploitants me paraît un peu limitative », a toutefois répondu le ministre de l’agriculture du Mali, Nango Dembélé, aux défenseurs purs et durs de l’agroécologie. En évoquant les « terres irrigables » de son pays, et ses « grandes réserves de productivité», Nango Dembélé a estimé qu’au-delà de «nourrir la population malienne», l’agriculture devait aussi « créer des emplois pour la jeunesse ». Un pari incertain puisque dans de nombreux pays africains, des multinationales aussi bien chinoises, américaines, européennes ou originaires du Golfe ont accaparé des terres parfois au mépris des populations locales, pour produire de façon intensive des aliments, en général réservés à l’exportation.
Source : Terre-net
Source : L’Oeil du Péon