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Les réfugiés divisés dans les camps entre le Mali et l’Azawad

Les camps de réfugiés n’échappent pas au débat sur l’avenir du nord du Mali. Sur la question, les déplacés maliens sont divisés entre séparatistes et fervents nationalistes. L’IRIN les a approché. Ils nous livrent ici leurs avis et motivent leurs positions.

 

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Alassane Mohamed Acheikh, 25 ans, se démarque parmi les Touaregs du camp de réfugiés de Mentao, dans le nord du Burkina Faso. Articulé et passionné, il prend régulièrement la parole pendant la réunion des résidents du camp organisée pour faire connaître les préoccupations des réfugiés au monde extérieur. Il parle cependant à la fois à titre de réfugié et à titre de militant autoproclamé du MNLA et s’empresse de se corriger lorsqu’il dit « nord du Mali » au lieu d’« Azawad ».

Interviewé en privé, M. Acheikh raconte avoir grandi avec les histoires de la rébellion de 1963. L’armée malienne avait alors exercé de violentes représailles en tentant de venir à bout de la résistance dans le nord du pays.

« Il y a, dans ces camps, des adultes qui ont été rendus orphelins par ce conflit », souligne M. Acheikh. Il estime que la décision du MNLA d’organiser une insurrection en janvier 2012 était pleinement justifiée par les événements passés et la discrimination dont faisaient continuellement l’objet les communautés touarègues.

« La communauté internationale devait être mise au courant de ce qui se passait ici », soutient M. Acheikh. « Il y avait eu tellement de faux accords, tellement de documents qui étaient restés au fond d’un tiroir. La rébellion était un moyen d’attirer l’attention du reste du monde. »

« Ma famille n’était pas d’accord avec moi », se rappelle M. Acheikh. « Je connaissais des gens qui avaient travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement. Ils ont presque dû payer de leur vie cette confiance mal placée. Ils comprennent maintenant qu’on les a exploités. Ce n’était qu’une façade. »

Zouda Ag Doho, un enseignant de Gao de 52 ans qui est aussi un sympathisant du MNLA et un réfugié au Burkina Faso, s’emporte lorsqu’il parle des atrocités passées, et notamment des exécutions sommaires, des viols massifs et des nombreuses promesses brisées. M. Ag Doho a récemment été nommé président des réfugiés du camp de Sag-Nioniogo, en périphérie de Ouagadougou, la capitale burkinabé. Il dit que les discussions au sujet du séparatisme, de l’autonomie ou d’un nouvel arrangement confédéral pour le Mali ne devraient pas être interdites et soutient que le gouvernement de Bamako, relativement nouveau, n’a pas encore formulé de réelles propositions pour l’avenir du nord du pays et qu’il court le risque de répéter les erreurs du passé.

« Nous nous retrouvons encore une fois dans un cycle de rébellions et de représailles », estime M. Ag Doho. Il fonde peu d’espoirs sur le gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et sur sa capacité à trouver une « solution définitive ».

Il cite des initiatives passées dans le cadre desquelles des fonds destinés au développement ont été dilapidés et des projets, placés entre les mains de Maliens du Sud. M. Ag Doho ne cache pas son mépris lorsqu’il parle de la corruption et de la cooptation facile des Touaregs qui ont afflué à Bamako pour y travailler comme députés, fonctionnaires ou même ministres.

Ces arguments sont fortement contestés à Bamako, tant par le gouvernement actuel que par les Touaregs qui ont négocié leurs propres arrangements avec l’État malien et considèrent le MNLA comme mal avisé et dangereux.

Dans une récente interview publiée dans Afrique Magazine, le président Ibrahim Boubacar Keïta a dit qu’une minorité entravait le processus de paix. Il a ajouté que le rétablissement de la paix dans le nord du Mali dépendait surtout de la volonté des différentes communautés de vivre ensemble paisiblement. Il a insisté sur le fait que les Touaregs ont, comme les autres Maliens, « le droit de se sentir à l’aise sur leur propre territoire » et que leur culture devait être considérée comme faisant partie de l’histoire et de l’identité du Mali.

M. Ag Doho, qui est chrétien, maintient que l’une des motivations initiales du MNLA était de faire face à une infiltration soigneusement planifiée du Nord par des islamistes radicaux algériens, principalement. Ceux-ci auraient en effet tenté de tirer profit de la pauvreté de la région et offert aux jeunes défavorisés des occasions de faire de l’argent en s’impliquant dans le trafic de drogue et dans d’autres activités criminelles.

Selon lui, les autorités étaient, au mieux, indifférentes et, au pire, directement complices du développement de réseaux illégaux. Le MNLA était prêt à s’attaquer à ces problèmes, « mais il n’avait pas le pouvoir nécessaire pour y arriver ». M. Ag Doho parle avec mépris du leader touareg vétéran Iyad ag Ghali et du rôle qu’il a joué dans la création d’Ansar Dine – présenté comme un faire-valoir du MNLA – et dans l’alliance désastreuse de ce mouvement avec des groupes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO).

M. Ag Doho dit qu’en dépit de l’intervention militaire française et de la dispersion des éléments djihadistes qui en aurait résulté, ces mouvements ont réussi à se regrouper dans des régions comme le sud de la Libye et sont capables de résister aux opérations de nettoyage menées sans conviction par les soldats français.

Les partisans du MNLA disent que le mouvement a été présenté à de nombreuses reprises – à tort – comme un phénomène exclusivement touareg. Ils citent comme exemples des combattants, des leaders et même des prisonniers politiques appartenant à d’autres groupes ethniques.

« Ce n’est pas un problème touareg ; c’est un problème qui concerne l’ensemble du Nord », soutient M. Ag Doho. « Il n’y a pas de réelles divisions entre les communautés ethniques du nord du Mali si ce n’est celles qui ont été créées par des outsiders opportunistes qui souhaitent perpétuer le mythe selon lequel les Tamasheq pratiquent l’esclavage et méprisent les autres Maliens. »

Scepticisme quant aux motivations du MNLA

D’autres réfugiés touaregs se montrent beaucoup plus sceptiques quant à l’identité et à la motivation du MNLA. Mohamed, 39 ans, un père d’un enfant originaire de Gao qui a récemment quitté le camp de Sag-Nioniogo pour trouver un logement à Ouagadougou, attribue son malheur à la rébellion.

« Je n’ai jamais soutenu la rébellion ou le MNLA », explique M. Mohamed. « Je ne comprends toujours pas ce qu’ils veulent. Il ne faut pas oublier qu’il y a de nombreux groupes différents parmi les Touaregs et que certains travaillent simplement pour eux-mêmes ».

Mohamed ajoute avoir des amis qui soutiennent le mouvement, mais il est surtout critique envers les dirigeants du MNLA et leur indifférence face au sort des réfugiés ordinaires. Plusieurs figures importantes du MNLA sont logées dans des hôtels, voire, selon certaines informations, dans des établissements du quartier huppé de Ouaga 2000, la « nouvelle capitale ». Leurs conditions de vie sont dès lors très différentes de celles des réfugiés de Djibo et de Sag-Nioniogo, par exemple. « Nous les cherchons, mais ils ne viennent jamais à nous », se plaint Mohamed.

Il fait également écho à une plainte souvent formulée par les non-Touaregs de Bamako. Ces derniers disent qu’il n’y pas de distinction claire entre les djihadistes et les combattants du MNLA et que le mouvement a fait des alliances et conservé des liens qui discréditent complètement sa cause.

Climat de méfiance et de division

Mohamed Ahnou, un Touareg du Niger qui vit au Burkina Faso, a suivi, au fil des ans, les insurrections qui ont éclaté au Mali et au Niger. Il a récemment visité le camp de Sag-Nioniogo et dit avoir été choqué par les conditions et le niveau de dégradation auxquels les réfugiés sont exposés. Il a dit que le MNLA devait désormais prendre ses responsabilités.

« L’Azawad est un rêve », estime M. Ahnou. « Le gouvernement malien n’acceptera jamais sa création. Le MNLA aurait dû laisser tomber le projet de l’Azawad, mais il est trop tard maintenant. »

M. Ahnou croit que dans sa rhétorique sur la promotion de l’harmonie intercommunautaire, le MNLA fait semblant de ne pas voir la dégradation encore plus marquée du climat de méfiance et de division qui règne dans le Nord. « Voilà ce qu’a donné la rébellion », dit-il, ajoutant que le problème est trop profondément ancré pour que la signature d’un accord de paix fasse une grande différence. Selon lui, le Niger, qui est souvent cité en exemple parce que la communauté touareg y semble bien intégrée et l’administration, plus déterminée, demeure fragile : la menace d’une future dégradation de la situation ne doit donc pas être ignorée.

D’après M. Ahnou, les perspectives sont peu réjouissantes pour le Mali, même à plus long terme. « Je ne peux pas imaginer le Nord être uni de nouveau comme il l’était il y a de nombreuses années. »

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