Les nouveaux hommes forts du Mali, regroupés au sein du Conseil national du salut du peuple (CNSP), ont commis un crime imprescriptible avec le putsch mené le mardi 18 août. C’est la Loi fondamentale du Mali, la Constitution de 1992, obtenue après de lourds sacrifices qui stipulent dans son titre XVII, consacré aux dispositions finales, article 121 : « le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution… Tout coup d’état ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien.
C’est donc, mal partis pour les hommes forts du Mali, parce que dix ans, quinze ans ou trente ans après, le Mali, avec des institutions fortes, pourraient interpeler et juger tous les putschistes de l’heure démocratique, c’est-à-dire de 92 à nos jours.
Les putschistes de l’équipe AssimiGoita, qui avaient annoncé le mercredi matin qu’ils iront vers une transition civile, ont rapidement changé de langage en disant « civile ou militaire ». Avec la médiation en cours de la CEDEAO, sous la conduite de GoodluckJonatan, nous osons espérer que les militaires retrouveront leurs casernes.
L’autre faux pas des putschistes a consisté à libérer, dès leur intrusion sur la scène politique, les manifestants pris en flagrant délit d’entrave à la liberté de travail et autres abus sur les voies publiques. Cette libération extrajudiciaire a conduit les militaires à la grande prison de Bamako pour faire sortir les personnes de leur choix. C’est ainsi que Bakary Togola, hospitalisé dans une clinique privée de la place, a été autorisé de rentrer à la maison.
Voilà des actes extrajudiciaires qui jurent avec le titre VII de la Constitution, relatif au pouvoir judiciaire. Il s’agit de l’article 81 : « le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’exerce par la Cour suprême et les autres Cours et tribunaux. Le pouvoir judiciaire est gardien des libertés définies par la présente Constitution. Il veille au respect des droits et libertés définis par la présente Constitution. Il est chargé d’appliquer dans le domaine qui lui propre les lois de la République.
Nous attendons des deux syndicats de la magistrature, un communiqué au vitriol, comme ils savent le faire, chaque fois que les magistrats et la justice sont écorchés ou même attaqués.
Ce qui est grave, c’est bien l’atteinte aux libertés individuelles et collectives. Pas étonnant quand on sait, dans leur première déclaration, les putschistes n’ont guère fait allusion aux libertés, à toutes les libertés.
En effet, le samedi 22 août, des dizaines de manifestants, des fans d’IBK, ont tenu à manifester pacifiquement leur mécontentement, en dénonçant le coup d’état et en réclamant la libération d’IBK, à la Bouse de travail, un lieu public de manifestation de toutes les libertés. Malheureusement, ils en ont été empêchés à travers des coups de gaz lacrymogène, lancés par une police, aujourd’hui au service des hommes forts de Bamako. Il y a eu des évanouis, avant qu’un groupe de jeunes, venus de Oulobougou, réputés proches de la jeunesse du M5-RFP, ne viennent les disperser à coups de jets de pierres. Heureusement, il y a eu plus de peur que de mal.
L’attitude des putschistes est inacceptable à ce stade. Le préambule de la Constitution souscrit à la déclaration universelle des droits d’homme et à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples. L’article 5 de la même Constitution dit : « L’Etat reconnait et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, le libre choix de la résidence, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestations.
Si le pouvoir défunt avait empêché toutes les manifestations précédentes, peut-être, que les putschistes ne seront pas là aujourd’hui.
Les libertés, toutes les libertés, conformes à la Constitution et aux autres textes de la République doivent être scrupuleusement respectés. Le Mali démocratique, c’est d’abord le Mali de toutes les libertés admises par nos textes.
Wa Salam!
El HadjChahanaTakiou
Source: Journal le 22 Septembre-Mali