Malgré de nombreuses forces de sécurité, des incidents ont été signalés dans le Nord et le centre, tandis que Bamako votait timidement.
Il est temps de trouver les urnes. En ce dimanche électoral au Mali, elles seraient bien utiles. Malheureusement, elles sont inaccessibles, enfermées à double tours dans une salle de classe. Tout le centre de vote s’agite, s’agace. Puis, le possesseur de la fameuse clé arrive, une bonne heure en retard. Quelques éclats de voix bien sentis, deux ou trois regards lourds, et l’école de Oualafobougou, aux portes de Bamako, va pouvoir, enfin, ouvrir ses bureaux de vote. On distribue en courant le reste du matériel, bulletins, listes, tampons encreurs et les lampes-tempête pour la nuit de dépouillement, qui s’annonce aussi longue que la coupure d’électricité certaine. L’école n’est pas reliée au réseau.
Les électeurs peuvent maintenant s’avancer, en glissant entre les flaques de boue qui chauffent au soleil. Comme Arouna Cissoko, ils sont «heureux». Les militaires, qui filtrent les issues, rassurent. Le vote se déroule lentement, mais sans anicroches. «Pour le moment, tout se passe bien, selon les règles et les lois», assurait, en milieu de matinée, Thomas Boni Yayi, l’ancien président du Bénin qui dirige la mission d’observation de l’Union africaine. La foule ne se presse pas, et les files d’attente sont maigres. La participation à ce scrutin à l’issue incertaine demeure l’une des grandes questions. Au Mali, où l’on vote souvent peu, moins de 50 % de participants au mieux, on se demande à qui cela pourrait profiter. Le président sortant, Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, se représente, mais son aura semble être un peu ternie. Son principal rival, Soumaïla Cissé, pense pouvoir en profiter, les 22 autres prétendants aussi.
«Moins d’engouement qu’en 2013»
«C’est vrai, pour l’instant, qu’il y a moins d’engouement qu’en 2013, remarquait, vers midi, Moussa Koné, de l’ONG d’observation Hope. Les électeurs arrivent souvent tard, après la prière. Et, le matin, les femmes sont occupées.» Diabou Macalou est même tellement occupée à vendre des citrons sur le marché central «pour gagner un peu» qu’elle n’ira pas voter. Elle n’a même pas retiré sa carte d’électrice, comme environ 25 % des Maliens.
Les inquiétudes, au-delà de cette abstention volontaire, se portent sur le centre du Mali, dans la région de Mopti, et sur le Nord. Ces régions, toujours cibles d’une insurrection, pourraient subir un boycott forcé. Une certaine peur rôdait, alors que plusieurs attaques ont touché des villes, dont l’une, mardi, contre l’aéroport de Sévaré. Et, vendredi, Iyad ag Ghaly, le chef touareg djihadiste, a de nouveau fait savoir dans une vidéo son opposition à ce processus «impie». Selon la Cosem, une mission d’observation nationale, plusieurs incidents sérieux ont été recensés autour de Tombouctou, avec des pillages de bureaux de vote au cours de la nuit, et, dans une moindre mesure, à Mopti. «Nous n’avons pas encore une vision complète des choses. Les électeurs à Tombouctou ne se sentent pas en sécurité», notait, dans l’après-midi, un agent de la Cosem. L’opposition a le regard particulièrement concentré sur ces provinces maliennes qu’elle considère comme favorables à sa cause et qui regroupent près de 22 % du corps électoral. Un trop gros échec de l’élection dans ce Mali-là pourrait conduire à des contestations, toujours sources de périls.
Source: lefigaro