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LES LIMITES OBJECTIVES DE LA JUSTICE DANS LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET LES AUTRES FORMES DE DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FIANCIERES AU MALI

LES LIMITES OBJECTIVES DE LA JUSTICE DANS LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET LES AUTRES FORMES DE DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FIANCIERES AU MALI Il est une lapalissade de nos jours que d’affirmer que le Peuple a une véritable soif de justice.

Les observateurs mêmes non avisés de la choses politique sont unanimes pour dire que le redressement de notre pays dépend en grande partie de la refondation de notre justice. La justice, ce pilier important voire indispensable de tout État, a pour mission essentielle la restauration et la préservation de la paix sociale par l’application des textes en vigueur ce que les juristes appellent ‘’le droit positif’’. L’organisation, le fonctionnement et les missions de l’institution judiciaire sont rigoureusement déterminés par des textes législatifs et règlementaires qui émanent respectivement de l’Assemblée nationale et du Gouvernement. Les magistrats ne déterminent donc pas leurs prérogatives dans la distribution de la justice qu’ils rendent au nom du Peuple. L’avènement de la démocratie, comme système de gouvernance, dans notre pays aurait pu marcher si les politiques n’avaient pas opté pour l’impunité en leur faveur en adoptant des textes taillés sur mesure et en maintenant la justice, le troisième pouvoir constitutionnel, dans la dépendance et dans la misère. Tout le mal est parti de là en 1992 par les pseudos démocrates. Les lignes qui suivent vous édifieront amplement sur les limites intelligemment créées par le mouvement dit démocratique à l’opérationnalisation véritable de l’égalité de tous devant la loi pénale et à l’indépendance effective de la justice. Elles vous permettront de comprendre qu’en dépit de l’intégrité et surtout de l’engagement sans faille de Monsieur Mamoudou Kassogué, le nouveau ministre de la Justice de notre pays, les Maliens resteront sur leur faim en matière de justice surtout dans la lutte contre la corruption puisque les textes en vigueur sont simplement mauvais et organisent l’impunité en faveur des grands. La transition a créé les conditions de son propre échec sur le plan judiciaire En renversant le régime de Ibrahim Boubacar Kéïta, les militaires ont péché par pusillanimité en ne suspendant pas la Constitution du 25 février 1992 qui est le siège de tous les problèmes s’agissant de la responsabilité pénale ‘’des grands’’ au Mali. A l’état actuel des choses, il est impossible de poursuivre et/ou de juger le président de la République et les membres du Gouvernement pour les infractions que ces personnalités commettent dans l’exercice de leurs fonctions. Ceci est d’autant plus évident que notre Constitution donne compétence à la Haute cour de justice pour juger ces personnalités spécifiées. Ladite loi fondamentale prévoit à l’alinéa 1er de son article 95 que : « La Haute Cour de Justice est compétente pour juger le président de la République et les ministres mis en accusation devant elle par l’Assemblée nationale pour haute trahison ou à raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’État. ». La loi n°01-080 du 20 août 2001 portant Code de procédure pénale renchérit à son article 613 en prévoyant que : « Les ministres susceptibles d’être inculpés à raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sûreté intérieure de l’État sont justiciables de la Haute cour de justice dans les formes et conditions définies par la loi fixant la composition, les règles de fonctionnement de la Haute Cour de Justice et la procédure suivie devant elle. ». Enfin, l’alinéa 2 de l’article 15 de LOI N°97-001 du 13 janvier 1997 fixant la composition et les règles de fonctionnement de la Haute cour de justice ainsi que la procédure suivie devant elle prévoit que : « Lorsqu’un ministre est susceptible d’être inculpé à raison de faits qualifiés crimes ou délits commis dans l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République compétent, transmet le dossier au Procureur général près la Cour suprême, chargé de l’acheminer au président de l’Assemblée nationale.». C’est à cause de ces dispositions constitutionnelles et légales que la démocratie à la malienne a échoué et que la transition en cours aussi échouera. En 30 années de démocratie, la Haute cour de justice n’a jamais jugé un seul dossier concernant un président de la République ou un ministre alors que les cas sont légion où des infractions graves ont été commises par certaines personnalités relevant de ces deux institutions. Les cas où des procureurs de la République ont saisi le Procureur général près la Cour suprême lequel, à son tour, a saisi le président de l’Assemblée nationale, se comptent au bout du doigt. Cet état de fait s’explique essentiellement par deux raisons que sont la frilosité des magistrats d’une part, et, d’autre part le caractère éminemment politique de la Haute cour de justice. La frilosité des magistrats dont il est question découle dans la mise en œuvre des dispositions des articles 613 et 15 respectivement du Code de Procédure pénale et de la Loi fixant la composition et les règles de fonctionnement de la Haute cour de justice ainsi que la procédure suivie devant elle, les magistrats du Parquet manquent le plus souvent de courage. Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’ils sont dépendants du ministre de la Justice, Garde des Sceaux et aussi, parce que leur carrière est gérée par un Conseil supérieur de la Magistrature fortement infesté par le Pouvoir exécutif. Le caractère éminemment politique de la Haute cour de justice s’explique par le fait que cette juridiction est saisie seulement par l’Assemblée nationale en la faveur d’un vote et, qu’aussi, seuls des députés y siègent comme juges. Puisque les loups ne se mangent pas entre eux, le résultat n’est pas difficile à être connu. La transition a la solution, mais elle ne l’applique pas par pusillanimité Le coup d’État était et demeure la bonne occasion pour mettre fin à l’impunité au Mali. En effet, les militaires auraient dû procéder, immédiatement à la prise du pouvoir, à la suspension de la Constitution. Ceci aurait levé tout obstacle devant la justice pour qu’elle épingle tous les anciens membres du Gouvernement impliqués dans des scandales politico-financiers. C’est vraiment curieux qu’ils ne l’aient pas fait. L’on est même tenté de croire qu’ils n’ont pas la volonté de combattre réellement la corruption d’autant que la solution demeure à portée de main. Les sanctions de la Cédéao et de la communauté internationale ne doivent nullement expliquer que les autorités de la transition aient peur pour prendre les décisions indispensables à une sortie définitive de la crise que le pays traverse. Ceci doit être rappelé à tous les partenaires techniques et financiers du Mali au nom du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de notre État. La Transition échouera à coup sûr si elle ne s’arme pas d’audace pour poser des actes forts voire indispensables. Il est impératif de suspendre la Constitution de réécrire la Charte de Transition afin de permettre l’adoption de mesures salvatrices telles que l’attribution aux juridictions pénales de droit commun de la compétence de poursuivre et de juger les anciens ministres pour les infractions par eux commises dans le cadre de l’exercice des fonctions. Sinon des scandales comme l’affaire dite des équipement militaires, l’histoire de l’avion présidentiel ou même celle des immeubles publics bradés, entre autres, resteront sans suite judiciaire. Tout cela donne l’impression d’une justice à double vitesse au Mali où seuls les faibles sont inquiétés et les grands, jamais. La relecture de la Charte est si nécessaire de nos jours que la Haute cour de justice censée juger ces deux types de personnalités n’est même plus fonctionnelle. La Cour suprême aussi ne cesse de s’embourber dans la confusion Au problème institutionnel ayant trait au dysfonctionnement de la Haute cour de justice au Mali, il y a lieu de noter également que la Cour suprême, curieusement, se perd souvent dans la saine application des lois pénales. Ceci est inadmissible quand on sait le rôle de régulation et de supervision dévolu à cette autre institution, la plus grande dans l’architecture juridictionnelle au compte des ordres judiciaire, administratif et des comptes. L’évidence de cette affirmation découle du fait que la Chambre criminelle de la Cour suprême confond terriblement le régime de la responsabilité pénale des membres du gouvernement tel que spécifié ci-haut à celui de la responsabilité pénale des personnalités ayant rang et prérogative de ministre. Cette seconde catégorie de personne est prise en charge non pas par la Haute cour de justice, mais par les juridictions pénales de droit commun conformément aux dispositions des articles 614 (lorsque l’infraction reprochée est commise en dehors de l’exercice des fonctions) et 616 du Code de Procédure pénale (en cas de faits commis dans l’exercice des fonctions). Cette confusion est si flagrante que ni la Constitution ni les dispositions de l’article 613 encore moins les dispositions de la Loi sur la Haute cour de justice ne font cas des personnalités ayant rang et prérogatives de ministre. La chose est si claire qu’il est permis de se demander s’il s’agit réellement d’une erreur d’interprétation. C’est cette situation qui a abouti de façon inadmissible à l’abandon des poursuites contre Mamadou Camara et autres dans l’affaire dite des équipements militaires. Ces différents éléments sont des limites objectives à l’action de l’institution judiciaire, en général, et du ministre de la Justice monsieur Mamoudou Kassogué en particulier, dans la traque des gros délinquants en col blanc au Mali. Les autorités de la Transition sont donc averties ! Daouda D. Camara magistrat à la retraite

Source: Sphinx

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