Le mouvement dit démocratique naquit de la nécessité de la lutte contre le régime du général Moussa Traoré en vue de l’instauration de l’ère démocratique. Il faut savoir qu’au départ, il s’agissait d’œuvrer pour le retour à l’ordre constitutionnel instauré par le Président Modibo Kéita mais par la suite, en raison de l’impossibilité politique de cette échéance, le mouvement se donna un autre agenda. Ses partisans et ses théoriciens se recrutèrent massivement dans les rangs des résistants de l’US-RDA, de l’ancien Parti Malien du Travail (PMT) et au sein des cadres de l’Association des Etudiants et Stagiaires maliens en France (AESMF) et de ceux de l’Association des Etudiants et Stagiaires maliens en URSS (AESMUS).
Après des décennies de lutte politique contre le CMLN et l’UDPM, ce conglomérat de figures différentes, souvent même opposées, fut heureusement aidé par la conférence de la Baule de 1989 au moment de la chute du Berlin. Comme souligné plus haut, le mouvement était hétéroclite en ce sens qu’il comprenait des gens non seulement de culture politique divergente mais également d’intérêts politiques et économiques totalement différents mais qui s’accordaient sur un seul point : la chute de Moussa Traoré.
On se souvient que l’AESMF, avec sa théorie de la révolution nationale, démocratique et populaire (RNDP) joua dans cette affaire un grand rôle bien que beaucoup de ses cadres fussent restés dans les jardins de la bourgeoisie française qu’ils combattaient. Les douceurs des femmes françaises en furent pour quelque chose !
En bref, selon eux, cette révolution devait être nationale car menée au plan national ; démocratique parce qu’elle visait la création d’un régime démocratique et, enfin populaire par la participation de toutes les couches populaires. Tel était en tout cas le canevas de la RNDP prônée par ses adeptes mais beaucoup aujourd’hui l’ont oublié après avoir assumé de hautes responsabilités politiques et administratives avec les résultats catastrophiques que l’on sait. Seuls les cimetières ne savent pas parler.
Etudiants en France dans les années 1970 et 1980, ils étaient internes dans les hôpitaux de Paris, doctorants en droit ou en maths et le plus souvent prof dans des CEG (collèges d’enseignement général) ou dans des lycées Mirabeau, Corneille et Victor Hugo pour pouvoir boucler des études entamées dieu seul savait quand. On les revoit encore aux congrès AESMF, le livre de Mao à la main, « l’Etat de démocratie nationale », qu’ils agitaient aux congressistes non pour intimider mais qu’ils présentaient comme possible remplaçant de la Bible et du Coran.
Du temps passa et Moussa tomba sous les coups de butoir de la foule. Les anciens de l’AESMF et de l’AESMUS crièrent victoire, clamant que la RNDP prônée par eux était réalisée. Des partis politiques se créèrent à leur profit et ils s’empressèrent de les utiliser comme un tremplin pour grimper au sommet de l’Etat. Plus par la rue que par eux-mêmes, devenus ministres, gouverneurs, députés de la démocratie inutile ou ambassadeurs, ils s’en mirent plein les poches, se taillant ainsi une solide réputation de meilleurs clients des banques occidentales. Les promesses faites au peuple furent vite jetées aux calendes grecques et seuls des sots osaient se souvenir des misères de la vie d’étudiant en Europe. Mais après plus de deux décennies de pratique démocratique, le peuple ne vit rien venir et se mit à murmurer que ces pseudo- démocrates n’avaient fait partir Moussa que pour s’enrichir de sa chute.
Moussa aurait mieux fait que ces dioulas de la démocratie selon une expression populaire qui répète à satiété la vieille rengaine de Bazoumana Sissoko selon laquelle les morts furent heureux de partir en laissant la déchéance aux vivants, sort qui leur convient comme un pagne à une femme. Et si beaucoup de ces néo milliardaires gardent encore la tête haute dans notre société, d’autres en revanche, rasent les murs suite à une vie de jouissance débridée. Pour rebondir en politique, ils s’allieraient avec le diable mais vains dieux où trouver cette putain de diable !
Facoh Donki Diarra
(écrivain Konibabougou)