Finaliste malheureux de Yaoundé 72, voilà cinquante et un ans leur performance n’a, à ce jour, pas encore été égalée par une formation des Aigles du Mali. Ils ont offert au Mali sa seule médaille (argent) en Coupe d’Afrique des Nations en se hissant à la seconde marche du podium, procurant à des millions de leurs concitoyens de la joie et surtout la fierté d’être Maliens.
Qu’est-ce que le Mali leur a offert en retour pour leur manifester sa reconnaissance? Rien. Car s’ils n’ont pas été payés en monnaie de singe, c’est tout comme. Du faîte de la gloire, ils sont passés à la trappe de l’oubli. Conséquence : si certains ne sont plus de ce monde à l’instar de Bakoroba Touré ‘’l’homme noir’’, Nani Touré, Sadia Cissé, Salif Kéita…la plupart des anciens de Yaoundé vivent aujourd’hui dans la précarité. A l’instar de l’emblématique gardien des buts, Seydou Traoré, alias Guatigui, qui se souvient encore, et non sans une vive émotion, de cette période glorieuse. Confiné chez lui, il est certes diminué par l’âge et la maladie, mais c’est son moral qui est surtout affecté par la frustration de se sentir oublié du football malien auquel il a tout donné, à commencer par son club, le Réal de Bamako. Son état actuel, nous a-t-il confié, est la conséquence des multiples chocs subis et débauches d’énergie sur les terrains durant sa longue carrière de footballeur. Pour le plaisir du public. Pour la réputation de son club et celle de son pays ! C’était lors d’un entretien qu’il nous accordé dans son salon, le samedi 16 septembre 2023.
Seydou Traoré dit Guatigui, ça vous dit ?
L’Etat malien connaît-il toujours ses fils méritants ? Le mérite est-il toujours récompensé dans le monde du football malien? Le sort réservé aux anciens de Yaoundé a de quoi laisser perplexe.
C’est dans le patio familial, à Bozola Lampanikôrô, que nous avons trouvé Seydou Traoré dit Guatigui, l’émérite gardien de l’As- Réal de Bamako et de l’équipe nationale du Mali. Deuxième de la Coupe d’Afrique des Nations à Yaoundé en 1972, Seydou Traoré se souvient de la récompense octroyée par l’État à chaque joueur de l’équipe nationale : une mobylette CT, plus des louanges et des commentaires pas toujours agréables à entendre.
Cheick Diallo, Cheick Fantamady Kéita, Moctar Maïga, Maïga dit Métiou, Moké Diané, Bakary Traoré, Kindian Diallo… ces joueurs, qu’ils soient cités ou non, se sont pourtant voué corps et âme à porter avec fierté les couleurs nationales sur différentes pelouse du continent. Ce dévouement patriotique les a conduits vers le toit du football africain en 1972 à Yaoundé où ils n’ont été surclassés, contre toute attente, que par le Congo-Brazza. Voilà de cela 50 ans et leur performance reste inégalée.
En discutant avec Guatigui, on comprend que c’est un homme qui souffre. Certes les séquelles de fractures, des entraînements intensifs et des nombreux chocs subis durant sa longue carrière sont à l’origine de la dégradation de son état physique. Il n’a plus sa liberté de mouvement. Diminué physiquement, l’ancien portier des Aigles du Mali a besoin de soutien, ne serait-ce que moral. Car son mal ne se limite pas seulement à son corps, il est aussi psychologique et social. Il a besoin de réconfort et d’affection sociale. Il a besoin du soutien de tous les amateurs de football et des nostalgiques de Yaoundé 72. Il déplore l’ingratitude des acteurs du football malien, à l’exception notable d’un ancien grand basketteur de son club, Hamane Niang, l’un des rares qui ne l’a jamais oublié.
Malgré sa maladie, il ne regrette pas d’avoir tout donné pour l’honneur du Mali comme la plupart des anciens de Yaoundé, quoique l’État n’ait jamais pensé à les honorer.
Plusieurs héros de Yaoundé 72, qui ont marqué l’histoire du football malien, vivent paradoxalement dans des conditions indignes de leur mérite. Tombés dans l’oubli, pour ceux qui sont encore en vie, ils sont confrontés à moult difficultés. Leur détermination et leur talent ont inspiré les générations qui prospèrent aujourd’hui. Il urge de leur offrir le soutien et la reconnaissance qu’ils méritent.
Les responsables nationaux du football devraient initier des mesures concrètes comme une aide financière, des soins médicaux ou encore un accompagnement social, notamment pendant le mois de la solidarité.
Pourquoi ne pas impliquer les sponsors et les acteurs du monde du football dans cette démarche de solidarité? Leur contribution permettrait d’alléger les souffrances des héros de Yaoundé.
Pour la petite histoire…Domingo aussi
Pour la petite histoire, Guatigui a parlé le cas de Salif Kéita Domingo, son coéquipier décédé depuis peu. Ils étaient assis côte à côté, dit-il, lors de l’inauguration d’un terrain de foot à Bozola. Salif ne cessait de bouger, de s’étirer en posant la main sur certaines parties de son corps. Il ne put s’empêcher de le taquiner. C’est alors que son ami lui apprit qu’il souffrait lui-aussi des séquelles des dures épreuves physiques.
Drissa Togola & Broulaye Koné
Le Challenger