Baromètre de ses extravagances comme de son état de santé, les luxueuses agapes offertes chaque année à Robert Mugabe pour son anniversaire ont systématiquement nourri la polémique, dans un Zimbabwe au bord de la ruine financière.
Sa mort à l’âge de 95 ans a été officiellement annoncée vendredi.
Tous les mois de février, le parti au pouvoir au Zimbabwe, la Zanu-PF, avait pris l’habitude d’inviter dans un endroit du pays des milliers de partisans à faire bombance en l’honneur de celui qui était, jusqu’à 2017, le plus vieux dirigeant en exercice de la planète.
D’éléphant, de buffle ou d’antilope, la viande y était grillée à foison, les boissons servies jusqu’à plus soif.
Les gâteaux d’anniversaire constituaient sans conteste le clou des réjouissances. D’un poids en kilos équivalent à l’âge du chef de l’Etat, le plus gros nécessitait, au moins les dernières années de sa vie, les bras de plusieurs serviteurs pour être déplacé.
Les autres étaient richement décorés de motifs représentant les chutes Victoria, les ruines du palais de la légendaire de la reine de Saba ou la limousine officielle du maître du pays.
D’un coût estimé entre 500.000 et un million de dollars, ces ripailles gargantuesques suscitaient la colère des populations alentours, en très grande majorité privées d’emploi formel et à la peine pour trouver tous les jours de quoi se nourrir.
L’anniversaire de Robert Mugabe était aussi tous les ans l’occasion d’une campagne de louanges et de compliments sans nuance, orchestrée par les médias d’Etat.
Chansons à la gloire du chef, messages de félicitation de piliers du régime ou de remerciements de patrons d’entreprises d’Etat, rien ne manquait jamais à ce festival de flatteries dans la plus pure tradition des régimes dictatoriaux.
– Santé déclinante –
« Merci Bob, depuis 1980 nous avons désormais une voix », trompetait ainsi en 2017 la presse d’Etat.
Robert Mugabe en profitait aussi pour accorder un entretien télévisé et prononcer un petit discours. Rarement riches sur le fond, ces exercices devenus de plus en rares ont servi de révélateur de la condition physique d’un homme que la rumeur a souvent donné malade, voire mourant.
Sa démarche, sa voix, son élocution étaient observés à la loupe pour constituer un bulletin officieux de sa santé déclinante.
Pour son 89e printemps, Robert Mugabe était apparu à son peuple souriant et volontiers farceur en lâchant ses 89 ballons dans le ciel. Son discours avait duré quatre heures…
Lors de son dernier anniversaire (2017), le chef de l’Etat avait semblé épuisé par ses 37 années de règne, se déplaçant avec difficulté sans aide, assis comme absent pendant les cérémonies.
Son épouse Grace, 51 ans, l’a aidé à découper son gâteau et il n’a pu prononcer une allocution d’une petite heure qu’au prix de nombreuses pauses, marmonnant ses phrases.
« Il faut remercier Dieu tout-puissant qui m’a permis de passer de 92 à 93 ans et, bien plus que ça, de vivre de l’enfance jusqu’à ce jour », a-t-il chevroté, la tête recouverte d’un immense chapeau de cow-boy, « c’est un très, très long voyage ».
Hormis ces rares fenêtres publiques, la santé du vieillard est restée jusqu’à son dernier souffle un secret d’Etat parfaitement gardé, dont il était très imprudent de se moquer.
En 2012, un Zimbabwéen qui regardait les cérémonies d’anniversaire télévisées dans un bar s’est aventuré à demander à haute voix si Robert Mugabe avait encore assez de souffle pour gonfler lui-même ses ballons. Il a été dénoncé et arrêté.
Journal du mali