Le premier scénario Mali 2030 pensé par l’équipe de la Fondation Friedrich Ebert Stiftung et le Centre d’Etude et de réflexion au Mali, propose qu’en 2030, bien que l’intégrité territoriale du Mali soit préservée, des difficultés majeures persistent tant sur le plan sécuritaire, politique, économique et social. De nombreuses réformes ont été tentées mais elles n’ont pas rencontré l’adhésion des citoyens en raison de la confiance fortement érodée en capacité de l’éthique des élites. Dans la vie quotidienne, les problèmes de tous ordres se posent avec acuité.
Des grèves régulières et prolongées affectent négativement tous les secteurs de production. La cohésion nationale et sociale s’est fortement dégradée en raison des revendications identitaires. La laïcité est remise en cause de manière continue à cause de l’ingérence des acteurs religieux dans le champ politique et social. L’insécurité persiste dans une large partie du pays. Elle empêche les populations d’accéder aux ressources naturelles et d’user des moyens habituels qui permettent d’assurer leur subsistance, notamment dans les secteurs de l’élevage, l’agriculture et la pêche.
Suite à l’application chaotique des dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, des groupuscules armés continuent à mener des coups d’éclat réguliers dans le centre et le nord du pays. En conséquence, la criminalité a pris de l’ampleur. Cette situation a créé un climat d’angoisse dans les différentes localités du Mali, mais surtout dans les zones faiblement occupées par l’Etat.
En même temps, le contexte international est devenu défavorable en raison de l’arrivée au pouvoir des partis populistes et de la situation économique plus difficile en Europe. Ceci a eu pour conséquence la décroissance continue des financements provenant des partenaires techniques et financiers (PTF) habituels. La situation économique est peu reluisante, en raison de diminution des ressources provenant de l’extérieur (diaspora malienne et PTF), du faible niveau des investissements, de la difficulté à conduire les réformes à terme, et de l’incivisme généralisé. La croissance est restée en berne et le pouvoir d’achat des citoyens demeure sur une courbe décroissante.
Les élections nationales et locales ont permis de disposer d’élus, mais leur légitimité est fortement contestée en raison de non participation des populations résidant dans les localités qui ne sont pas sous le contrôle de l’Etat. Bien que prévue par les textes et mise en œuvre par diverses institutions, la décentralisation poussée n’a pas donné les résultats escomptés. Le transfert de moyens est largement insuffisant et en deçà des taux prévus par les textes. La défiance des citoyens vis-à-vis de l’administration et de la justice s’est accrue, en raison de l’impunité qui caractérise les différents actes criminels posés et la multiplication des scandales qui n’affectent en rien la position des élites.
La justice, en particulier, se caractérise par le faible niveau d’engagement des magistrats et le manque d’éthique. En outre, des pans entiers du territoire échappent au contrôle de l’Etat malien, dont l’autorité se détériore de jour en jour. Malgré la mise en œuvre de la loi de programmation militaire, l’armée malienne reste faible. Par rapport au recrutement, au réarmement moral des troupes, à l’acquisition des équipements et à la capacité de réaction dans différents foyers de tension, les mêmes insuffisances persistent.
Aussi, les villes qui sont contrôlées par les autorités maliennes accueillent de plus en plus de «déplacés» issus des localités sous le contrôle des bandits et des groupes armés. Ce phénomène grandissant est la conséquence des conflits intercommunautaires, des pratiques djihadistes et des amalgames vis-à-vis de certaines communautés.
Gabriel TIENOU