Au lendemain d’un sommet historique de leurs dirigeants, l’Érythrée et l’Éthiopie ont signé lundi à Asmara une déclaration formalisant leur rapprochement et mettant fin à vingt ans d’état de guerre.
Le président érythréen Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, ont signé une « déclaration conjointe de paix et d’amitié », a annoncé le ministre érythréen de l’Information, Yemane Gebremeskel.
« L’état de guerre qui existait entre les deux pays est arrivé à sa fin. Une nouvelle ère de paix et d’amitié s’ouvre », selon ce texte.
« Les deux pays œuvreront à promouvoir une étroite coopération, dans les secteurs de la politique, de l’économie, du social, de la culture et de la sécurité ».
Le document confirme la reprise du commerce, des transports et des télécommunications, le rétablissement des relations diplomatiques et la mise en œuvre des décisions internationales sur la frontière commune.
Des images de la cérémonie montrent MM. Issaias et Abiy attablés à un bureau en bois, avec en toile de fond les drapeaux des deux pays, signant cette déclaration.
Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Workneh Gebeyehu, a annoncé la création d’une commission conjointe sous la supervision des deux chefs de la diplomatie, chargée d’établir un « calendrier tangible » des réformes. Cette commission chapeautera des sous-comités qui vont définir dans le détail quand et comment chaque problématique sera mise en œuvre ».
Pour la première rencontre depuis 20 ans entre les deux plus hauts dirigeants érythréens et éthiopiens, la délégation éthiopienne avait reçu dimanche un accueil chaleureux à Asmara.
« Nous nous sommes mis d’accord pour la reprise du trafic aérien et naval, pour la circulation des personnes entre nos deux pays et la réouverture des ambassades », avait déclaré M. Abiy.
« Nous abattrons le mur et, avec amour, nous bâtirons un pont entre les deux pays », avait ajouté avec lyrisme le jeune Premier ministre, 42 ans, qui depuis sa nomination en avril a amorcé ce rapprochement entre les deux anciens frères ennemis.
La compagnie Ethiopian Airlines devrait reprendre ses vols à destination d’Asmara dès la semaine prochaine, a rapporté lundi la radio-télévision Fana.
– Accès à la mer –
Ce dégel a été lancé par l’annonce en juin par M. Abiy de la volonté de l’Éthiopie d’appliquer l’accord de paix signé en 2000 à Alger avec l’Érythrée et les conclusions de la commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière.
L’Éthiopie et l’Érythrée se sont livré de 1998 à 2000 à une guerre conventionnelle, avec chars d’assaut et tranchées, qui a fait quelque 80.000 morts, notamment en raison d’un désaccord sur leur frontière commune.
Le refus éthiopien d’appliquer une décision en 2002 d’une commission soutenue par l’ONU sur le tracé de la frontière a entretenu une longue animosité entre les deux pays.
Le rétablissement des liens diplomatiques et commerciaux après des années d’hostilité pourraient profiter aux deux voisins et à toute la Corne de l’Afrique, rongée par les conflits et la pauvreté.
La normalisation contribuera à réaliser « notre aspiration pour la paix et l’intégration économique de notre région et du continent africain », a salué l’organisation régionale Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement).
Autrefois façade maritime de l’Éthiopie avec les ports de Massawa et d’Assab, l’Érythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme de trois décennies de guerre.
L’indépendance de l’Érythrée a privé l’Éthiopie de tout accès à la mer et l’a forcée à s’appuyer presque exclusivement sur Djibouti pour son commerce maritime.
L’accès de l’Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, aux ports érythréens devrait stimuler l’économie des deux pays, tout en menaçant l’hégémonie de Djibouti.
La liberté de mouvement des deux côtés de la frontière permettra la réunion de deux peuples, liés par une histoire, une langue et une ethnicité communes, et de familles séparées depuis plus de 20 ans.
Les principaux dirigeants est-africains ont salué ces avancées. « Nous vous félicitons et nous sommes avec vous », a écrit sur Twitter le président rwandais Paul Kagame.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a applaudi lundi « un symbole d’espoir très important non seulement pour les deux pays, non seulement pour l’Afrique, mais pour le monde entier ».
AFP