emblématique au procès intenté par le Ministère de la Fonction publique à son encontre en 2015…… les jeunes diplômés sans emploi menacés de nouveau ? Voici le cri de cœur d’un d’entre eux.
C’est avec beaucoup d’inquiétudes que nous avons découvert, comme tous les jeunes diplômés du Mali, dans le Procès-Verbal des négociations entre le Gouvernement du Mali et l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) notamment au point 5 (le recrutement de 8 600 jeunes diplômés dans les fonctions publiques par an pendant 5 ans) l’idée de ramener l’organisation par le seul Ministère en charge de la Fonction publique de tous les concours d’entrée dans les fonctions publiques de l’Etat, y compris pour les corps relevant de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA).
La question se pose dès lors à savoir comment ce point a pu se retrouver dans le PV des négociations afférent à un préavis de grève dont aucun point de revendication ne portait sur ce sujet. Seul le Gouvernement et la délégation du Syndicat aux négociations pourront donner d’amples explications sur ce qui ressemble plus à une revendication du ministère de la Fonction Publique que celle de la centrale syndicale pour qui sait que ce ministère n’a jamais renoncer à son combat incompréhensible pour l’organisation de ce concours qui demeure encore l’un des meilleurs en la matière au Mali.
Au-delà du caractère irrationnel de ce point, la question de sa pertinence se pose si l’on sait que les concours organisés par l’ENA sont les plus crédibles en République du Mali depuis la création de cette école en 2006 par les plus hautes Autorités du Mali qui avaient le souci d’une administration performante et de très bonne qualité au service des usagers en particulier et du pays en général. Qu’est-ce que les initiateurs de cette idée reprochent donc au concours d’entrée à l’ENA au point de demander qu’il soit confié à la fonction publique ?
Il faut surtout préciser que le Mali n’est pas le seul au monde et dans la sous-région à avoir ce système de recrutement des fonctionnaires à travers l’ENA pour certains corps (du Sénégal en France en passant par d’autres pays tels que la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, l’Algérie et récemment la RDC). Et dans tous ces cas le système de recrutement reste le même.
Pour rappel, l’ENA sous sa formule actuelle émane d’un constat général des partenaires techniques et financiers (PTF) sur la performance et la qualité de l’administration publique malienne des années 2000. Ainsi, les Autorités maliennes, sous le leadership du Premier ministre d’alors, M. Mandé SIDIBE (paix à son âme), ont engagé des réflexions sur le renouveau de l’administration malienne. Ces réflexions ont abouti en 2006 à la création de l’ENA nouvelle formule par la Loi N° 06 -046 du 5 SEP 2006 et ses Décrets d’application avec l’accompagnement des Premiers Ministres successif Modibo SIDIBE, Ousmane Issoufi MAIGA, Diango CISSOKO qui ont chacun contribué significativement à la concrétisation du projet qui a été inscrit dans le Programme de Développement Institutionnel première génération (PDI 1).
L’ENA (ses modalités de fonctionnement et les modalités d’organisation de ses concours) est la solution proposée par des grands Experts appuyés par les PTF du Mali pour faire face à un problème réel. L’idéal recherché par ce projet étant de laisser émerger les talentsissus de divers domaines de compétenceimmédiatement prêt pour la tâche après une formation de deux ans.
De sa création à nos jours, cette école est parvenue à changer la perception que les jeunes diplômés comme moi avaient sur la transparence et la crédibilité des concours de l’administration malienne (tout ordre confondu). Et cela, grâce à l’intégrité et la bonne probité du premier Directeur Général, le Pr Fousseyni SAMAKE qui a su mettre en place un système d’organisation très professionnel de concoursbasé sur le seul critère du mérite des candidats. Ce système setraduit par l’indépendance du jury du concours, la double, voir triple correction des copies de chaque candidat, la ré-vérification des copies de tous les candidats figurants sur la liste des admis (selon l’ordre de mérite), l’authentification de leurs diplômes avant la publication des résultats.Le dispositifmis en place pour l’organisation du concours ne laisse pas deplaceaux pratiques de corruption et de favoritisme dont souffrent beaucoup deconcours et de recrutement au Mali. Cela est d’autant vrai qu’il est arrivé des fois que des postes mis au concours restent dépourvus à la publication des résultats définitifs faute de candidats ayant obtenu la moyenne minimale requise d’amission (10/20) parmi tous les postulants. Il faut dans cette même logique souligner qu’aucun Directeur de l’ENA ou Secrétaire Général n’a parmi les admis un membre de sa famille et que la quasi-totalité des admis sont des enfants dont les parents ne sont même pas des fonctionnaires. Cela semble couper le sommeil sous d’autres cieux.
Ce système, qui a été maintenu par les différents successeurs du DG SAMAKE à savoir le Professeur Amadou KEITAet actuellement le ProfesseurMohamed TRAORE, a permis aujourd’hui à près de 300 jeunes diplômés, fils de pauvres n’ayant pas les moyens de payer des millions pour la plus part d’entre eux, d’accéder à la haute fonction publique de l’Etat et de devenir des cadres compétents, dévoués à la tâche, intègres et conscients de leur fonction d’animateur de services publics au profits des citoyens maliens.Ces Enarques sont en train de faire leur preuve aujourd’hui dans toutes les administrations publiques du Mali sans exception par la qualité de leur travail et le sens élevé du travail bien fait.Ces hommes sans intention de flagorner, ont donné à l’ENA toute sa lettre de noblesse.
C’est en tout cela que l’on aperçoit le corolaire entre la transparence dans le recrutement et la compétence des fonctionnaires recrutés.
Il faut noter que le succès et la pérennité de ce système est dû au fait que l’ENA a été placée sous tutelle de la Primature comme c’est le cas dans presque tous les pays francophones où il existe une ENA. Elle dispose donc de son autonomie et est à l’abri des prédateurs et autres prétentieux qui n’ont pour métier que la tricherie, les pratiques de corruption, le favoritisme et la promotion de la médiocrité par le marchandage des postes mis au concours pour les fonctions publiques.
La confiance portée à l’ENA par l’opinion nationale dépenddes concours qu’elle organise et qui constituent sa principale force. La transparence de ces concoursdépend quant à elle de l’autonomie de l’école vis-à-vis des prédateurs aux postes de concours. Il est donc inconcevable de réduire la vocation de l’ENA à la seule fonction de formation en la retirant le recrutement des Elèves fonctionnaires. Aussi, la réussite de la formation suivieest tributaire de la qualité et la compétence des élèves fonctionnaires recrutés. Quelques mois de formation ne sauront transformer un médiocre en un cadre compétent de haut niveau. Il ne faut pas se leurrer !
Au regard de toutes ces raisons, il nous est impossible de comprendre l’idée de confier l’organisation des concours d’entrée à l’ENA au Ministère en charge de la fonction publique à moins que ce soit une nouvelle tentative de ce département d’avoir la main mise sur les recrutements de l’ENA après son échec au procès intenté contre l’ENA en 2015 pour ramener l’école sous sa tutelle. Autrement dit, après l’échec au combat judiciaire, on pourrait soupçonner que le ministère passe par une voie autre pour arriver à ses fins y compris en passant par une négociation syndicale.
Si ce point était sérieusement une proposition de la délégation de l’UNTM on peut se poser des questions quant à la cohérence de cette centrale dans la défense des intérêts de tous les maliens, y compris les jeunes diplômés sans empois pour lesquelsle dispositif actuel de recrutement à l’ENA constitue une garantie pour l’intégration dans la haute fonction publique au seul prix du mérite. Détruire ce système équivaudrait à briser l’espoir de ces jeunes…
Il faut en outre rappeler que cette centrale a, dans passé récent, imposer au gouvernement le prolongement de l’âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans, ce qui constitue également une menace pour les jeunes diplômés sans emplois. La jeunesse malienne notamment le Conseil National de la Jeunesse est doncavertie !
Cependant, noussavons le Secrétaire Général de l’UNTM, M. Yacouba KALITE, très intelligent et suffisamment altruiste pour se prêter à un tel jeu sachant bien qu’il y a beaucoup d’énarques qui militent actuellement dans les différentes Sections syndicalesconstituant le Syndicat des Travailleurs des Administrations d’Etat (SYNTADE) pour contribuerau renforcement des assises de l’UNTM.
Pour finir, nous en appelons aux produits de cette école prestigieuse qui ont aussi le devoir d’œuvrer à la préservation de l’ENA et son système de recrutement à prendre toutes leurs responsabilitésafin de faire échouer à jamais tous les projets visant à détruire ce bon système sans lequel beaucoup d’entre eux n’auraient pas été fonctionnaires aujourd’hui. Le communiqué de l’Amicale des anciens élèves fonctionnaires (AEFENAM) et les interventions du président de ladite amicale sur TM2sont très salutaires mais la lutte ne doit pas s’arrêter à cela seulement.
J’interpelle toutes organisations de la société civile malienne notamment le CNJ, le collectif des jeunes diplômés sans emplois, la CAFO le Haut conseil Islamique et toutes les autres organisations à se mobiliser pour appuyer les actions concourant à sauver l’ENA de tous les complots égoïstes au seuls desseins de détruire les espérances nées du fait de la création de l’ENA pour des intérêts personnels.
Aux autorités de la transition je lance un cri de cœur pour la préservation de l’ENA telle qu’elle a été pensée et conçue avec toutes ses attributions actuelles et les renforcer, si possible, pour le bonheur de la jeunesse malienne et pour une administration publique plus rayonnante et plus performante au service de ses usagers et d’un Mali émergent. Il y va de l’avenir de nos enfants et de celui du pays tout entier.
Malien
Diplômé de l’Université d’Auvergne en 2020,
Futur candidat au concours de l’ENA.