Des consultations perçues comme factices, en passant par les annonces mises en scène pour plastronner, aux protestations de principe, rarement élection aura donné aussi lieu à chicanerie que les législatives de ce mois de mars. Autopsie d’un désamour entre les autorités et une frange de la population sur fond de corona panique.
La question est tranchée dans un scepticisme quasi-généralisé : les élections législatives de ce mois de mars ne connaîtront pas de report, nonobstant le péril réel de la maladie à Coronavirus. Ce, contrairement à ceux qui ont exporté leur modèle de démocratie dans nos pays. Le passage en force ne fait plus l’ombre d’un doute à quelques jours seulement du jour j, alors que les candidats ont battu campagne sans paraître préoccupé par un éventuel report.
En ce qui le concerne, le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MATD), cheville ouvrière de l’organisation de ces élections législatives, il ne se laisse pas distraire par la corona-panique qui gagne une partie de la population. Une source dudit département rassure. ‘’Nous n’avons pas connaissance d’un éventuel report de ce scrutin. D’ailleurs, nous sommes dans la dernière ligne droite ; le matériel électoral est en train d’être acheminé. Le seul souci pour nous, c’est le faible taux de retrait des cartes d’électeur à Bamako qui est de 18 % ; sinon, au plan national, il tourne autour de 53 %’’, affirme notre source.
Des protestations de principe
Face à la détermination du Gouvernement à organiser les élections, des voix se sont élevées pour dénoncer des dysfonctionnements dirimants.
Le FSD dans un communiqué daté du 24 janvier consécutif à la convocation du Collège électoral pointe du doigt : ‘’(…) il est loisible de constater que depuis l’annonce du dernier report de ces élections et la signature de l’Accord Politique de Gouvernance (APG) la situation sécuritaire s’est davantage dégradée, l’opérationnalisation des nouvelles régions est restée lettre morte et aucune réforme électorale n’a été amorcée’’.
Nonobstant cette condamnation, le FSD ne fait pas plus que s’étonner ‘’de cette volonté d’un Gouvernement, resté inerte pendant presqu’une année, à tout précipiter (…)’’ et ‘’il réaffirme sa volonté de prendre part aux élections législatives (…)’’. Joignant l’acte à l’écrit le Président du FSD, l’honorable Soumaïla CISSE est effectivement en lice pour ces législatives.
De son côté, le Président de SADI crée la surprise, dont une interview dont nous vous livrons un extrait : « alors que nous sommes dans ce processus, on nous fait distraire avec des élections législatives. Nous nous voyons contraints d’y aller au risque de nous traiter de tous les noms. Mais ce qui est certain, c’est la légitimité des députés qui seront issus de ces élections, qui sera en question. Qui va être le député de Bakass ? De Koro ? Qui va élire le député de Bandiagara, de Niono dans ce contexte d’insécurité… ?
Nous avons tout simplement proposé à IBK d’arrêter avec tous ce cinéma et prendre sa responsabilité de dissoudre l’Assemblée pour légiférer par ORDONNANCE. S’il avait accepté ces propositions, rien ne nous empêchait nous aussi les opposants, à nous inscrire dans la logique de l’apaisement du climat social.
J’ai la conviction que la France ne nous sortira pas de cette crise. Aussi, même si la France partait, nous n’allons pas nous entretuer ici. Parce que notre peuple est civilisé, au contraire, nous allons nous chamailler et nous comprendre ».
Naturellement, l’éternel candidat n’a pas dérogé à la tradition en se présentant à la députation chez lui à Kolondiéba.
Annonces factices
Sous une pluie de protestations de principes, des membres du Gouvernement étalaient un talent hors pair dans les annonces factices. Ainsi, le Général Salif TRAORE, ministre de la Sécurité et de la protection civile, dans Débat politique sur radio Kledu, ce 19 mars, sur la question relative à la sécurisation des élections législatives de 2020, a souligné les actions menées et en cours dans le cadre de ce processus. En plus de la rencontre hebdomadaire de la Commission nationale de sécurisation des élections avec tous les partenaires stratégiques impliqués, une rencontre a-t-elle également été organisée avec les gouverneurs de toutes les régions du Mali, suivie de deux visites de terrain à Mopti et Tombouctou. D’autres localités devaient être sillonnées par le ministre et ses chefs opérationnels pour faire le point du processus de sécurisation des élections de 2020. Une forte mobilisation des forces de défense et de sécurité est en cours. Plus de 30 000 éléments travailleront d’arrache-pied pour assurer un bon déroulement des élections à venir pour lesquelles chaque Malien doit se sentir concerné pour la paix sociale.
Le ministre TRAORE a, par ailleurs, exhorté les populations à collaborer avec les forces de sécurité pour le succès de leur mission. Il affirme que le bon traitement de l’information par les médias demeure un enjeu de taille pour la réussite de la tenue des élections de 2020. D’où, son appel au sens de la citoyenneté et à l’engagement positif des hommes de médias. En définitive, le Général TRAORE a rassuré les auditeurs quant aux mesures envisagées par le Gouvernement pour contenir les risques liés au Coronavirus. Celles-ci seront davantage renforcées lors des opérations de vote.
Sécurité
En visite de terrain à Tombouctou comme précédemment à Mopti, le Général TRAORE a tenu une conférence avec les parties prenantes aux élections. Il a rassuré le Cadre de concertation politique et engagé les Forces de défense et de sécurité à davantage de mobilisation pour les mesures de sécurisation des élections législatives. Tout le monde doit se sentir concerné et s’engager en conséquence pour la réussite de ce grand rendez-vous politique majeur à court terme, a-t-il exhorté. « Dépassez vos peurs et impliquez-vous pour le bien du Mali», a conseillé le ministre de la Sécurité et de la protection civile pour la pleine implication des populations.
Pourtant, il est indéniable que l’insécurité va grandissante. Deux candidats se sont déjà fait braquer et soulager de leurs biens ; des localités leur sont interdites du fait de l’insécurité.
Des mises en scène
Parallèlement, le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Boubacar Alpha BAH, lui, jouait au danseur de corde dans des mises en scène pompières. Son show de globe-trotter l’a ainsi conduit, avec son Cabinet, à Ménaka pour, dit-on, rassurer la population sur la tenue des élections législatives du 29 mars 2020. Il a de ce fait ténu une rencontre dans la salle de réunion de la Mairie de Ménaka, puis effectué une visite de courtoisie au Gouvernorat.
Auparavant, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Boubacar Alpha BAH, était à la rencontre des acteurs du processus électoral de la région de Gao pour informer et sensibiliser la population sur les dispositions prises pour la bonne marche des législatives du 29 mars 2020.
À Bamako, les différents du spectacle ont porté sur des rencontres de concertation avec la société civile, les partis politiques et d’autres acteurs concernés par l’organisation de ce scrutin qui semblait improbable. Avec les femmes, les discussions ont porté sur la participation massive de la société à la tenue des échéances électorales, la distribution des cartes d’électeurs, la sécurité des élections avant, pendant et après et le quota des femmes dans la nouvelle Assemblée nationale.
Le tableau serait incomplet sans la participation des partenaires internationaux. Ainsi, dans le cadre des rencontres d’information sur l’organisation des élections législatives de 2020, le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation a reçu en audience l’Ambassadeur du Royaume-Uni, d’Irlande du Nord, le Haut représentant de la Mission de l’Union africaine au Sahel. Les échanges ont porté sur plusieurs sujets importants, mais particulièrement de l’organisation de l’élection des députés à l’Assemblée nationale.
Ce qui fait courir le Gouvernement
Alors qu’est-ce qui peut bien justifier une telle débauche de temps, d’énergie, de moyens de la part des autorités ?
D’abord, il y a l’application du point 2 de la thématique n° 2 : politique et institutionnel du Dialogue National Inclusif (DNI) qui dit : organiser les élections législatives. Voilà qui donnait une légitimité populaire au projet du Gouvernement de renouveler l’Assemblée en mai 2020. Face à l’épée de Damoclès du virus de la contestation, il n’entend certainement pas vendanger cette légitimité ; d’autant plus que la légitimité de ses propres actes est inhérente de celle de l’Assemblée et que les partenaires du Mali y attachent du prix.
Ensuite, il y a le pacte politicard entre décideurs politiques et candidats politiques pour dégager une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale qui permettrait au Président de la République de mener, sans anicroche, ses réformes en chantier.
Enfin, comme le soulignait un confrère, il y a le nerf de la guerre. Le financement de ces élections législatives est en effet bouclé. L’on apprend que les 16 milliards annoncés par le département de l’Administration sont mobilisés. Le Coronavirus ne fera pas perdre au Gouvernement qui ne roule pas carrosse cette manne financière. Parce qu’il est connu que les sous de nos amis, quand ils ne sont pas utilisés, dans les délais convenus, ils les réorientent ailleurs, parce qu’il y a trop de bouches à nourrir.
In fine, ces élections législatives sont devenues une question de vie ou de mort. Même le Coronavirus ne distraira pas le Gouvernement de son objectif. Et il n’ignore pas la morbidesse de son passage en force qui est un déni de science et une inconséquence ébouriffante par rapport aux mesures de sécurité sanitaires dont il est lui-même à l’origine.
PAR BERTIN DAKOUO
INFO-MATIN