A deux mois de la présidentielle du 29 juillet, la situation politique se crispe en effet entre pouvoir et opposition malienne.
Tout est parti samedi, soupire Le Pays à Bamako : « Comme prévu, la coalition pour l’Alternance et le changement et d’autres formations politiques et associatives avaient décidé de descendre dans les rues. Le gouvernement, qui a refusé la manifestation sous prétexte de l’Etat d’urgence, a violemment réprimé la marche à travers les forces de l’ordre. Ladite répression a fait plus d’une trentaine de blessés dont trois policiers. Plusieurs opposants affirment que les policiers, non contents d’utiliser des gaz lacrymogènes et des matraques, ont tiré sur les manifestants à balles réelles… » Pour Mohamed Ali Bathily, candidat APM, cité par Le Républicain, « celui qui aime son pays ne tire pas à balles réelles sur les citoyens à mains nues. »
« Il y a eu des tirs à balles réelles sur la foule, renchérit Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition. Il n’y a aucun trouble à l’ordre public, il y a des blessés graves. Il semble que c’est le cortège du Premier ministre qui a tiré à balles réelles, c’est vraiment inacceptable. (…) L’opposition manifestera à nouveau le 8 juin pour réclamer des élections transparentes et un accès équitable à l’ORTM, la radio-télévision publique », a-t-il ajouté.
Pour sa part, le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, cité par Bamada.net , s’est inscrit en faux : « Je démens formellement et avec vigueur cette affirmation mensongère et calomnieuse qui relève de l’affabulation et qui n’a d’autre but que de distraire le peuple et le gouvernement maliens des préoccupations du moment que sont la paix et la sécurité pour des élections transparentes, justes et crédibles »
Confrontation
Retour au quotidien d’opposition Le Pays qui n’en démord pas dans son éditorial : « L’acte barbare, au lieu de décourager les citoyens, les a galvanisés davantage. (…) Plus de recul, on fonce au prix de notre vie. Ce sentiment qui animait presque tout le monde hier est un signe annonciateur de la mobilisation gigantesque qui se fera vendredi prochain. Avant ce jour, le gouverneur refusera-t-il une fois de plus de donner son avis favorable à une seconde marche ? S’il dit niet, alors une page sombre s’écrira ce 8 juin car aucune force ne pourra arrêter le peuple. »
A contrario, le quotidien La Dépêche s’insurge contre les intentions de l’opposition : « Une nouvelle marche est programmée pour ce vendredi et tout porte à croire que l’opposition cherche à installer un climat insurrectionnel dans le pays afin d’accéder au pouvoir. Elle n’épargne aucun moyen. De la délation à l’intox, elle manipule à sa guise les populations qui sortent souvent sans savoir de quoi il s’agit. Comme si la déstabilisation du pays leur était profitable. »
« De quoi a peur le pouvoir ? »
Dans la presse de la sous-région, on s’alarme… Ainsi, s’exclame Le Pays au Burkina, « attention aux dérives et aux interdictions de manifester à géométrie variable, qui pourraient déboucher sur une crise politique pré ou postélectorale dont le Mali n’a absolument pas besoin, surtout pas au moment où le delta intérieur et toute la région de Mopti au centre du pays sont en train de basculer dans une fratricide guerre intercommunautaire. »
« De quoi a peur le pouvoir ? », s’interroge pour sa part Wakat Séra. « A la veille de cette élection présidentielle pour laquelle il se bat pour sa propre succession, Ibrahim Boubacar Keïta n’avait nullement besoin de cette mauvaise publicité que lui ont gracieusement servie ses forces de sécurité. Ce sont des réactions d’une autre époque, à bannir du répertoire de tout Etat démocratique qui se respecte. C’est dire combien l’argument de la force privilégié à la force de l’argument est mauvais pour celui qui vient d’officialiser sa candidature à sa propre succession. »
Et Wakat Séra de conclure : « La force brute et cette intelligence, mises à contribution pour mater des opposants à mains nues, seraient mieux appréciées si elles étaient utilisées pour redonner au Mali sa quiétude que lui ont volée les djihadistes et autres bandits qui écument ce pays, jadis fier de son unité. »
RFI