Tout comme l’a été la colonisation, le terrorisme semble être une lutte de repositionnement politique, selon Mikailou Cissé, professeur de philosophie du secondaire au Mali. L’Afrique serait perçue comme une nouvelle « terre promise ».
« Ils ont partagé le monde », disait Tiken Jah Fakoly. Une déclaration qui ne perd rien de son actualité et de sa teneur. Elle fait voir la politique du divisé pour mieux régner à laquelle le continent africain a toujours été victime.
La lutte contre le terrorisme est le nouveau combat de repositionnement politique dans lequel plusieurs États africains sont engagés. L’Afrique semble être la nouvelle terre promise. Le Nigeria, le Cameroun, la Centre-Afrique, la Somalie, la Lybie, l’Algérie, la Tunisie, parmi tant d’autres sont confrontées à ce cette lutte contre le terrorisme. Mais dans toute l’Afrique, c’est le sahel qui semble être le plus touché sur une large partie de son territoire.
Pourquoi le salafisme en Afrique ?
Cette lutte n’est pas nouvelle dans le monde. Le Moyen-Orient était l’épicentre de l’extrémisme. Beaucoup d’autres États étaient confrontés à ce phénomène. À la vitesse de propagation d’un virus, nous estimons que l’extrémisme violent s’est vite délocalisé du Moyen-Orient vers l’Afrique tout comme la Deuxième Guerre mondiale s’est déplacée de l’Occident vers l’Asie.
Ce fait doit nous aider à mieux comprendre. C’est sûrement face à cette internationalisation du terrorisme que le président français Emmanuel Macron a toujours prôné une adaptation des réponses à l’ampleur du phénomène : une internationalisation de la lutte contre ce fléau.
Pourquoi d’ailleurs les États africains sont-ils confrontés aux salafismes ? L’islam comme le christianisme sont des religions venues de l’extérieur. Les peuples africains ont accepté ces religions comme les siennes et les ont adoptées sans grande difficulté. Car l’Afrique est le modèle de la laïcité. Les religions cohabitent sans grande peine.
« Ce n’est pas une guerre contre les terroristes, mais une lutte d’imposition culturelle »
Cette compréhension est importante et empêche d’avaler les couleuvres tendues par les Européens pour servir d’explication à la crise que traverse le sahel. Ce qui se passe dans cette région du monde n’est pas une guerre contre les terroristes, mais plutôt une lutte d’imposition culturelle, une façon de voir le monde. Ce sont les cultures qui sont en conflit : la culture libérale défendue par les Occidentaux et la culture islamique défendue par les Arabes. C’est une telle situation qui s’était produite au Moyen-Orient.
Les valeurs et la culture défendues par l’islam à travers les Arabes sont de plus en plus en voie de disparition. Les partisans d’un islam rigoureux ont mordu la poussière partout où au Moyen-Orient ils ont affronté les modérés. Par contre, la culture occidentale gagne du terrain. Presque tous les pays de culture islamique sont secoués par la culture et les valeurs occidentales : démocratie, droit de l’homme, liberté d’expression, etc.
Certes, les partisans d’un islam rigoureux ont quelques influences sur des portions de terre dans les États où ils sont actifs, mais ils ne contrôlent pas le pouvoir politique. Les progressistes, c’est-à-dire les partisans de la culture occidentale, ont le contrôle sur tous les leviers de l’État. L’Iran est le seul qui tient encore. Elle est la seule république qui s’entend moins avec les Occidentaux.
L’Afrique, une nouvelle terre
En Afrique, c’est cette guerre qui se poursuit. Les partisans d’un islam rigoureux ne contrôlent plus le Moyen-Orient. Ce sont les pays africains à majorité musulmans qui sont devenus leur nouvelle terre. C’est en Afrique qu’ils veulent réaliser ce qu’ils n’ont pas pu sur les terres arabes.
Il n’est un secret pour personne que les terroristes qui déstabilisent le continent africain n’ont pas les moyens pour financer leurs activités. Ils n’ont ni source de revenus ni emploi rémunéré. Toutefois, ils disposent de matériels de guerre, de l’argent pour recruter et payer les combattants. Les revenus de transit de la drogue et les rançons que payent les Occidentaux en échange de la survie des ressortissants capturés, sont certes considérables, mais ne suffisent pas pour faire ces financements.
Les États qui les combattent aussi sont comme eux en termes de sources de financement. Ces États sont financés, dotés en armes et en munitions. Il est connu aussi qu’ils ne disposent pas d’assez de fonds pour mobiliser les forces qui sont sur les terrains. Les grandes puissances qui viennent pour combattre les extrémistes ne le font pas cadeau.
Défendre des intérêts
Ces États sont présents en Afrique pour gagner des contrats, défendre les propriétés de leurs ressortissants. Les projets de développement qu’ils préconisent sont la mise en œuvre d’un plan de domination culturelle. Le Koweït, la Bahreïn, la Jordanie et tant d’autres pays à culture musulmane sont des exemples.
Toutefois, dans d’autres pays, les partisans d’une ouverture de la culture musulmane n’ont pas réellement réussi à prendre le dessus sur les orthodoxes. L’Iraq, la Syrie et l’Afghanistan sont des échecs.
Les Occidentaux et les partisans de l’application d’un islam rigoureux ne viennent pas en Afrique pour la peau ébène des Africains. Ils sont présents pour imposer leur façon de diriger la société et leurs cultures. Chacun emploie ses moyens.
Ce qui se passe en Afrique sous le nom de la lutte contre le terrorisme est une lutte de culture. Le rejet de la culture islamique est ce qui est combattu par les salafistes. Et la défense de la culture occidentale est ce qui est soutenue par les Occidentaux. Le peuple noir est toujours vu comme un peuple sans civilisation qu’il faut civiliser.
Mikaïlou Cissé
Les opinions véhiculées dans cet article ne sont nullement celles de Phileingora
Source: Phileingora.