La France, dont la force militaire est plus que jamais présente au Sahel et en Afrique de l’Ouest, compte sur une mobilisation accrue des Etats africains pour enclencher de réelles coopérations militaires entre eux afin de lutter contre le terrorisme.
Réunis pour la deuxième édition du Forum de Dakar sur la sécurité et la paix en Afrique, nombre de ministres, de militaires et de chercheurs africains ont fait part de leur inquiétude face à la progression de l’insécurité au Nigéria, en Afrique de l’Ouest et dans la zone du Sahel, et de leur désarroi face à la radicalisation d’une partie de la jeunesse séduite par les mouvements terroristes, notamment par Boko Haram. Le chaos libyen et les routes qu’il a ouvert à tous les trafics (drogue, arme, êtres humains, etc…) est aussi la préoccupation numéro un des Etats voisins du Sud. Avec une crainte sourde, une descente de djihadistes de Daech, installés près de Syrte sur la côte libyenne vers le Sahel et une possible jonction avec les mouvements de Boko Haram du Nord Nigéria qui utilisent de plus en plus les pays du bassin du lac Tchad comme base de repli.
« Les forces de maintien de la paix de l’ONU sont devenues un modèle inefficace face à des groupes sans foi, ni loi et surarmé », a mis en garde le président du Sénégal Macki Sall, en ouverture du Forum, une rencontre initiée par la France et son ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui compte sur ce lieu de débat pour créer peu à peu une « culture de la sécurité », afin que les Africains s’emparent eux-même des enjeux de la lutte contre le terrorisme.
5.000 soldats maliens formés
Car pour l’heure, au Sahel, la France n’est pas en position de repli, bien au contraire. Plus que jamais, elle a besoin de l’appui des forces militaires nationales (Tchad, Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie,…), pour que l’opération Barkhane déployée au Sahel (environ 3000 hommes) parvienne à lutter contre l’extension du terrorisme. A Dakar, Jean-Yves Le Drian s’est montré optimiste, en listant l’ensemble des progrès accompli depuis l’intervention française au Mali il y a deux ans. Et de souligner qu’une importante cache d’armes avait été découverte il y a peu au Nord du Mali, « ce qui arrive très régulièrement mais dont on ne parle pas tous les matins ». Avec la mission de formation de l’Union Européenne au Mali, quelque 5.000 soldats maliens ont été formés. Mais c’est surtout en mobilisant les forces locales, que les efforts de lutte contre le terrorisme pourront avoir des résultats. La mise sur pied du « G5 Sahel « (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina-Faso), pour coordonner le suivi des opérations, échanger du renseignement et réunir les chefs d’Etat-major des armées avec la France est un progrès.
Boko Haram aurait fait 17.000 morts
Une grande partie des espoirs repose à présent sur la Force multinationale mixte (FMM) qui se met sur pied entre le Nigéria, le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Bénin pour lutter contre Boko Haram et qui pourrait mobiliser jusqu’à 8000 hommes. « Cette force, dont nous parlions il y a un an ici à Dakar, est en train de se matérialiser », s’est félicité Jean-Yves Le Drian. En août, elle s’est dotée d’un Etat-major à N’Djamena tandis qu’un accord politique a été signé le 16 octobre dernier pour débloquer des financements de 50 millions d’euros de l’Union Européenne. « Nous avons bon espoir de pouvoir débloquer ce financement rapidement », a promis Alain Le Roy, secrétaire général du service d’action extérieur européen. Une centaine de militaires du renseignement français est mobilisé en soutien. « Si cette force avance, et c’est l’intention du nouveau président du Nigéria, Muhammadu Buhari, qui a fait de la lutte contre Boko Haram une priorité, ce sera une étape décisive pour que les Africains prennent en compte eux-même leurs problèmes », se félicite un haut-gradé français. D’ores et déjà, Boko Haram (à qui on attribue la responsabilité de 17.000 morts et 2,5 millions de déplacés) serait en recul, selon les forces françaises. «D’un mode d’action militaire, ils sont revenus à un mode d’action terroriste», observe-t-on au ministère de la défense, « leur base territoriale se restreint, mais le combat sera long et difficile ».
300 soldats américains au Cameroun
Comme l’a souligné Jean-Yves le Drian, plus que jamais, il faut du soutien des pays en renseignement et en logistique. Tandis que la France a établi à N’Djamena un véritable centre de renseignements, les Etats-Unis viennent d’annoncer le déploiement de 300 soldats au Cameroun pour du renseignement. Une enveloppe de 300 millions de dollars vient d’être débloquée à Washington pour la lutte contre le terrorisme en Afrique et « la collaboration entre le Pentagone et Paris n’a jamais été aussi intense », confie un militaire. Très vite, les Etats-Unis devraient fournir des avions de transport, de ravitaillement en vol et des drônes pour venir en appui de la France sur le théâtre sahélien.
Dans l’immédiat, la France est confrontée à un test clé en République Centre Africaine. Pas question comme prévu de diminuer encore les forces de Sangaris (900 hommes) au vu de la recrudescence des violences. A Dakar, Jean-Yves le Drian a confirmé que la présence des troupes françaises était encore nécessaire au côté de la Minusca, la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique, le temps des élections présidentielles et législatives, dont le premier tour aura lieu le 27 décembre, après un référendum pour doter le pays d’une constitution le 13 décembre. D’ici là, le ministère de la Défense s’inquiète de la visite du pape François programmée à la fin du mois, en soulignant qu’elle soulève de nombreux risques dans une région encore en proie aux conflits religieux.
Source: lesechos.fr