Après avoir félicité le président de la République pour le parachèvement, le 20 juin dernier, du processus de paix d’Alger, Dr Baba Hakib Haïdara a déclaré que pour l’année 2014, le rapport d’activités du Médiateur de la République expose principalement le nombre, la nature et la diversité des réclamations dont il a été saisi et auxquelles il a estimé devoir donner une suite.
Il expose également l’éventail des interpellations adressées au gouvernement par des citoyens et dont la Commission préparatoire de l’EID a jugé opportun d’en saisir ce forum lors de sa 19 ème session tenue le 10 décembre 2014.
Pour le Médiateur, une catégorie d’infractions, la non exécution des décisions de justice a encore, hélas, de beaux jours devant elle. « J’évoque ici ces infractions, en raison des difficultés de compréhension de leurs motifs, ainsi que leur impact sur l’image de notre système judiciaire et donc sur l’Etat de droit dans notre pays ».
Une des caractéristiques des cas de non-exécution de décision de justice est leur transversalité. En effet, on les rencontre aussi bien dans des affaires domaniales que des affaires judiciaires à proprement parler ou encore des affaires relevant de la protection sociale ou de la Fonction publique, a-t-il expliqué. Avant de citer deux cas dont le Médiateur de la République est saisi et où l’Etat, à travers ses démembrements, se trouve justement interpellé.
Usage abusif de l’autorité de l’Etat
Le premier est un cas d’usage abusif de l’autorité de l’Etat : l’affaire oppose la mairie d’une commune du district de Bamako à un tiers. Une décision de justice émanant de la Cour Suprême, ayant tranché en faveur du tiers, se heurte à sa non-exécution systématique de la part de la municipalité concernée et cela dure depuis de nombreuses années.
Le deuxième cas, a expliqué le Médiateur, illustre la création, par une décision administrative, d’un droit qui contredit l’intérêt général et dont une décision de justice rend l’application problématique. » Basée sur le non-respect de la vocation d’une zone d’habitation, cette décision administrative crée un droit reconnu à un important opérateur économique de la place, à y construire une usine alors même que les populations résidents s’y opposent. Interpellé dans le cadre de l’EID, le Gouvernement a reconnu publiquement la vocation de la zone d’habitation. Successivement les ministres concernés par le dossier ont pris et renouvelé à plusieurs reprises, l’engagement public à faire justice à l’attente des populations concernées. A ce jour la situation n’est toujours pas résolue « .
Insécurité juridique
L’impuissance du Médiateur face à ces deux cas l’a conduit à solliciter une intervention appropriée du chef de l’Etat. « Que la non- exécution résulte d’une contestation intentionnellement dilatoire de ces décisions ou d’un usage abusif de prérogatives des élus locaux, ou des difficultés liées aux conditions de leur mise en œuvre, ou encore de lenteurs administratives délibérées, elle apparaît de nature à entamer l’autorité de l’Etat de droit « , a-t-il dénoncé. Avant de souligner que quand ce qui est en cause est une décision de justice ayant acquis la force de la chose jugée ou celle d’un engagement formel du gouvernement, « alors l’honnête justiciable, perplexe, est fondé à s’interroger sur son insécurité juridique « .
Il a alors relevé qu’une enquête réalisée en 2014 par un institut néerlandais et portant sur les besoins des Maliens en matière de justice a fait apparaître que le sentiment d’insécurité juridique entretient, chez les Maliens, l’inclination traditionnelle à aller « chercher la justice » en dehors des tribunaux de la République. Cela contribue, a-t-il souligné, à décrédibiliser profondément l’autorité de l’Etat de droit.
Dysfonctionnements multiples
Après avoir exposé des pistes de réflexion pour améliorer l’efficacité de l’Espace d’interpellation démocratique (EID), le Médiateur de la République a indiqué que, globalement, les usagers des services publics ne bénéficient pas, de façon satisfaisante, des dispositions de la Loi n°98-012 – AN-RM du 19 janvier 1998, régissant les relations entre l’Administration et les usagers des services publics. Ces usagers continuent de pâtir de dysfonctionnements multiples des administrations des services publics.
Pour Dr Baba Hakib Haïdara, des facteurs comme la mauvaise qualité de l’accueil dans beaucoup de services publics, la mauvaise compréhension mutuelle entre usagers et agents des services, la mauvaise connaissance des lois et règlements, l’insuffisance et, quelque fois, l’absence totale de « l’esprit de service public » expliquent souvent ces nombreux dysfonctionnements, souvent décriés lors des sessions de l’Espace d’interpellations démocratiques (EID).
Attente légitime des citoyens
Et le Doyen Haïdara de souligner que l’état d’esprit des services publics doit changer par rapport à l’attente légitime des citoyens, qui sont les usagers de ces services. « Les agents des services publics doivent s’astreindre à l’esprit de service public : leur crédibilité et leur légitimité en dépendent », a-t-il ajouté.
Le Médiateur de la République a expliqué qu’en 2014 l’ensemble de ses services ont reçu, aussi bien à Bamako que dans les bureaux des Délégations territoriales, la visite de 1 078 personnes. Elles s’y sont rendues soit pour des saisines formelles, soit pour des conseils et orientations, soit pour des demandes d’information. Avant de préciser qu’au final le Médiateur a traité 260 dossiers de réclamation et 284 dossiers d’interpellation.
Concernant les 260 dossiers de réclamations examinés, 181 (soit plus de 69 %) ont été entièrement traités et clôturés ; les 79 restants sont soit en phase d’instruction, soit en attente de compléments d’information. Ces dossiers concernent divers domaines de compétence gouvernementale, parmi lesquels la gestion domaniale et foncière, la justice et la protection sociale.
Bruno D SEGBEDJI
source : L’Indépendant