C’est presque surréaliste: un suspect N° 1 dans une affaire de détournement à Orange-Money porte plainte contre l’enquêteur. Suffisant pour le procureur Général Daniel Tessougué d’interpeler le policier dans les 48 heures qui ont suivi. Mais c’était sans compter sur la perspicacité de la pléiade d’avocats dont Me Gakou, à la suite de l’interpellé. Ces derniers (les avocats) ont bien voulu nous briefer sur cette rocambolesque affaire qui ne fait que commencer.
S’estimant victime d’un détournement de fonds de la part de deux de ses employées, courant semaine dernière, la société Orange-Mali a naturellement porté plainte contre les deux suspectes dont une certaine Madame Diabaté. Et pour cause. Elles sont détentrices des codes et logins permettant d’effectuer les opérations de retrait et de transfert par les clients.
Pour ce motif, elles s’avèrent (Madame Diabaté en l’occurrence) donc la suspecte N°1. Elle a été appelée par l’enquêteur, Papa Mambi Keïta, surnommé «l’Epervier du Mandé». «Rien d’anormal, s’insurge un des conseils, parmi lesquels le doyenMaitre Gakou, Harouna, Ketïta, Sagara, jurisfist (Maitre Bagary Togora) consul, Robert Sanou, Alassane Diop, Soumoutera…
«Mais voilà qu’à notre grande surprise, le Procureur Général, au motif qu’il a reçu une plainte pour harcèlement émanant de Madame Diabaté, convoque l’enquêteur pour être entendu par le Service d’Investigations Judiciaires (SIJ- Gendarmerie)», déplore notre interlocuteur.
Et pourtant, poursuit-il, la plainte d’Orange-Mali a été régulièrement émise et toute la hiérarchie policière, en l’occurrence le commandant de la BIJ, a été parfaitement informée. Mais avant même de répondre à la convocation, Madame Diabaté porta plainte contre l’enquêteur pour harcèlement. «Je crois que le harcèlement se définit ainsi: une conduite abusive qui par des gestes, paroles, comportements, attitudes répétées ou systématiques vise à dégrader les conditions de vie et/ou conditions de travail d’une personne… Je rappelle que notre client a appelé une seule fois Madame Diabaté qu’elle ne connaît aujourd’hui encore, ni d’Adam, ni d’Eve. Alors, quel harcèlement ? Point !»
C’est donc en compagnie des conseils cités plus haut, que le fonctionnaire de police se rendit, le mardi 19 mai dernier auService d’Investigations Judiciaires (SIJ) de la Gendarmerie).
Ici, le Gendarme interrogateur, évoqua non une enquête judiciaire, mais administrative ordonnée par le P.G. Naturellement, les avocats tinrent à voir la note en question. Mais selon toute évidence, les gendarmes n’étaient pas à mesure de fournir le document. Et pour quelle raison ? Mystère, boule de gomme, pipi de chat !
Une vérification des registres (transmission, départ, arrivée) au niveau de cette section de la Gendarmerie permettra certainement d’établir la vérité.
Ce n’est que le lendemain mercredi, suite à un second passage que l’interrogatoire commença en présence des avocats. « Je vous avoue qu’il n’y avait absolument rien. Le dossier n’était pas vide, non ! Il n’existait pas !», note avec amertume, notre Avocat.
C’est finalement vendredi dernier, toujours en compagnie de ses conseils, que l’interpellé Papa Mambi Keïta fut confronté au Procureur Général.
Face aux éminents Avocats, M. Téssougué confirma la thèse de l’enquête administrative et non judiciaire concernant l’Inspecteur de police. En somme et à ses dires, M. Keïta a été convoqué pour enquête administrative.
«C’était tout simplement gros, avec tout le respect que nous avions pour le P.G », rétorque notre Avocat. Pourquoi donc le Service d’investigation de la Gendarmerie pour une enquête administrative ? N’y a-t-il pas d’Inspection de la Police ?»
Il nous revient que le doyen Me Gakou a été particulièrement tranchant : qu’elle soit administrative ou judiciaire a-t-il signifié, il ne revient pas au Procureur Général de diligenter la plainte. Il devrait, dans le cadre d’une enquête judiciaire, s’en référerau parquet d’attache, à savoir le Procureur de la Commune III. Et dans la perspective d’une enquête administrative, s’en tenir à l’Inspection Générale de la police. Il y a donc vice de forme, et violation flagrante du code de procédure pénale dans le cadre d’une enquête judiciaire et violation des statuts et règlement de la police dans le cas d’une enquête administrative…
Aussi, a-t-il rappelé, si elle était administrative, pourquoi les responsables d’ORANGE ont été les premiers à être entendus dans un cadre judiciaire et Papa Mambi par la suite ?
«Nous avions justement approché le procureur de la Commune III. Et tenez-vous bien : il n’a été saisi d’aucune plainte de cette nature, ni judiciaire, encore moins administrative», précise l’Avocat.
Aux dernières nouvelles, les conseils de Papa Mambi Keïta n’écartent plus l’idée d’une plainte contre Madame Diabaté, question, dans un premier temps, de connaître les véritables contours de cette affaire, d’identifier les commanditaires et les poursuivre éventuellement devant les juridictions compétentes.
Rappelons d’ores et déjà que Mme Diabaté a été purement et simplement licenciée par la société Orange.
A suivre donc
- Diarrassouba
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Encadré
Drôle de justice… Et l’affaire de la BMW X6 du DG de la police alors ?
L’on ne peut, au regard de la bienveillance et de l’immense disponibilité du Procureur Général dans cette affaire, s’empêcher de penser à cette autre relative à la BMW X6 du DG de la Police.
A l’image de Madame Diabaté, un autre justiciable a, il y a aujourd’hui plus de six mois, introduit une plainte auprès du même Procureur Général pour association de malfaiteurs. M. Niakaté, puisque c’est de lui qu’il s’agit, estime qu’il a été illégalement dépossédé de son véhicule au profit du Directeur Général de la Police, M. Hamidou Kansaye. Il fut même séquestré par le commissariat du 15ème arrondissement et contraint au paiement d’un bakchich afin de pouvoir recouvrer sa liberté. A présent encore, il ne jouit pas de son bien.
Plus de six mois aujourd’hui que la plainte de M. Niakaté n’a pas reçu de suite auprès du Procureur Général, M. Daniel Téssougué. Et voilà que moins d’une semaine, pour que celle de Madame Diabaté soit diligentée au niveau de la même juridiction et du même Procureur. Général. Décidemment, les justiciables maliens ne sont pas égaux devant la loi. C’est bien selon que vous soyez…
- Diarrassouba
Source: La Sentinelle