Le président français Emmanuel Macron arrive en Algérie ce jeudi dans l’espoir de réparer les relations fracturées avec une nation dont les réserves de pétrole et de gaz revêtent une nouvelle importance stratégique en raison de la crise énergétique qui menace l’Europe.
Sa visite intervient après une longue période de tension liée aux souvenirs contradictoires de la guerre d’indépendance sanglante de l’Algérie.
L’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris à la fin de l’année dernière pour cette raison.
Mais les deux pays ont depuis signalé leur désir d’une remise à zéro.
Selon l’Élysée, le président Macron a “fait le choix d’orienter cette visite vers l’avenir… et de poser les bases d’une relance de la relation”. Il voyage avec une délégation de 90 personnes composée de ministres, de chefs d’entreprise et de personnalités sportives.
En octobre dernier, les tensions diplomatiques se sont exacerbées lorsqu’il a accusé le “système politico-militaire” au pouvoir à Alger d'”exploiter les souvenirs” [de la guerre] pour justifier son existence.
Un mois plus tôt, la France avait provoqué la colère de l’Algérie – ainsi que du Maroc voisin – en réduisant fortement le nombre de visas de voyage qu’elle délivre.
Cette mesure faisait suite à des allégations selon lesquelles les deux pays d’Afrique du Nord faisaient obstacle au rapatriement de leurs ressortissants en situation irrégulière en France.
Au-delà de l’agenda conventionnel des entretiens avec le président hôte Abdelmadjid Tebboune et des visites de monuments commémoratifs, M. Macron rencontrera également de jeunes entrepreneurs dans la capitale Alger.
Puis, vendredi, dans la ville d’Oran, dans l’ouest du pays, il visitera un magasin de disques réputé pour sa musique traditionnelle algérienne, le raï, et assistera à une démonstration de breakdance.
Selon les analystes, le dirigeant français sera sous pression pour faire une déclaration publique qui reconnaisse les préoccupations des Algériens sur la façon dont la guerre d’indépendance est commémorée.
Mais ils estiment que l’objectif principal de la visite sera de créer les conditions d’une coopération plus étroite sur les questions économiques et sécuritaires urgentes.
“On ne vient pas avec une délégation aussi nombreuse – comprenant les ministres des affaires étrangères, de la défense, de l’économie et de l’intérieur – et on ne reste pas deux jours, si tout ce que l’on veut, c’est discuter du passé”, déclare Hasni Abidi, directeur du Centre de recherche sur le monde arabe et la Méditerranée, basé à Genève.
Avec ses vastes réserves de pétrole et de gaz – dont une grande partie est encore inexploitée – et les pipelines qui la relient à l’Italie et à l’Espagne, l’Algérie est en mesure “non pas de remplacer la Russie, mais certainement d’aider l’Europe à s’approvisionner en énergie à moyen terme”, dit-il.
“Mais pour cela, elle a besoin d’investissements”.
En mai, le président Tebboune a signé à Rome un contrat majeur en vertu duquel l’Algérie augmentera fortement ses exportations de gaz et d’électricité vers l’Italie, et les experts estiment que cet accord a poussé la France à réévaluer l’importance de l’Algérie.
Malgré les liens historiques et familiaux entre les deux pays, la France n’est plus le principal partenaire commercial de l’Algérie, remplacé depuis longtemps par la Chine.
Sur les questions de sécurité, la France souffre de son retrait tout juste achevé du Mali, où elle menait la lutte contre les groupes jihadistes au Sahel.
Quelle que soit la nouvelle stratégie qui émergera, elle devra être menée en coordination avec l’Algérie, qui, de par sa taille, est un acteur incontournable du conflit malien, ainsi que de la Libye, tout aussi instable.
Mais les analystes estiment qu’il serait erroné de considérer que la France vient, casquette en main, en aide à l’Algérie, qui a besoin de l’aide de son ancienne colonie.
“L’Algérie a également besoin de la France”, déclare Hasni Abidi. “Elle a besoin des investissements français pour développer son secteur énergétique. Mais en plus, la France donne de la crédibilité à l’Algérie.
“L’Algérie a d’excellentes relations historiques avec la Russie. Mais après l’invasion de l’Ukraine, elle ne veut pas passer pour un agent de Moscou, ni faire partie d’un quelconque axe du mal russe.”
En renouant ses relations avec la France, l’Algérie peut montrer qu’elle est un membre respectable de la communauté internationale.
Source : BBC Afrique