Dimanche, le recueil de 63 pages rassemblant l’essentiel des discours de l’ancien Président Alpha a été lancé par Cauris livres, sous la direction de Dramé Konaré, à la pyramide du souvenir.
D’aucuns ont eu le soin, vu le temps du lancement du recueil, de titrer : ‘’le choc des livres’’, faisant certainement allusion à un autre livre qui, à peine sur le marché, réveille la colère de ceux qui avaient bravé pour mettre fin à toutes ces péripéties qu’il raconte de façon tronquée et fausse, selon l’avis des démocrates. Or, à scruter les quelques 63 pages du recueil intitulé ‘’LA BATAILLE DU SOUVENIR’’ dont l’auteur n’est autre que l’ancien Président Alpha Oumar Konaré, on est bien dans un monde beaucoup plus civilisé, dégouté de l’arbitraire et respectueux du sacerdoce, voire de la vie humaine. Un monde où les souvenirs des grands hommes ayant combattu pour que de la démocratie les libertés tendent à voir le jour dans un pays qui, après avoir été lancé sur la voie d’une économie socialiste, connaitra, mais vaincra aussi la seule dictature sanguinaire de son existence en tant que République du Mali.
Toutefois, il faut rappeler que ‘’La Bataille du Souvenir’’, est une œuvre de 63 pages, de l’ancien Président Konaré, qui dans un souci de transmission d’une génération à une autre, a souhaité rassembler l’essentiel de ses discours, afin qu’ils servent de repères et de guide aux actions menées aujourd’hui. Il a fini d’être édité depuis le 2ième trimestre 2014 par Cauris livres.
En effet, peut-on lire sur la préface du livre, ‘’de la fin des années 1960 à la veille de la décennie 2010, ces paroles sont l’écho d’un demi-siècle de construction du Mali et de l’Afrique moderne, avec ses espoirs et ses difficultés, ses ombres mais aussi ses lumières’’.
Et si encore, ces ombres et lumières du continent sont d’une stupéfiante actualité, laisse entendre l’auteur, il ajoutera qu’elles le sont parfois plus encore dans le contexte où elles ont été prononcées.
En clair, ce recueil dont les discours débordent d’énergie positive, n’est pas pour nier les problèmes, il les prend à bras-le-corps en s’appuyant sur les atouts du pays et de l’Afrique, et en premier lieu les hommes. Ce qui fera dire à Dramé Kadiatou Konaré, que ce recueil est surtout un cri, non pas de désespoir, mais d’espérance et d’amour inconditionnel d’un homme pour sa terre et son peuple. Il se singularise comme un hommage rendu à tous ceux qui ont voué leur vie à bâtir un monde meilleur en Afrique.
Dans ses souvenirs, le premier président du Mali démocratique, historien, et chef d’Etat, rend d’abord hommage à Père Etienne Balenghien, un prêtre français qui a choisi vers la fin de sa mission au Mali de travailler bénévolement pour la coopérative Jaman. Des souvenirs qui remontent en juin 1988.
A l’instar du père, Etienne, Alpha rendu également hommage à ses amis et compagnie comme Abdoulaye Barry et Charles Danioko…Et bien d’autres à découvrir.
Dans la même œuvre, il évoquera avec émotion, ses instants de vie avec Ibrahima Ly, cet enseignant militant et leader progressif, emprisonné pendant plusieurs années pour des raisons politiques, décédé à Paris après sa libération à la suite de mauvaises conditions de détention. Voilà comment le Président Alpha évoque ses souvenirs avec Ly :
‘’J’ai revu Ibrahima pour la dernière fois en octobre dernier (nous sommes en 1989), dans la banlieue parisienne, à Saint-Denis un dimanche après-midi. Ce dimanche d’octobre, Ibrahima lui-même m’ouvrit la porte. Nous nous étreignîmes fortement, lui avec le même sourire, la même discrète timidité. Son physique trichait avec lui : la même fraîcheur de corps, un corps poli, de belle taille, qui accentuait la séduction de l’homme. Ibrahima avait cependant le pas lourd, la nuque était un peu raide, il se laissa aller dans le divan. Il se tourna vers mois, rayonnant, mais davantage du bonheur de me voir que du fait d’un réconfort physique. Depuis des semaines, à Paris, il était cloué au lit. La veille, il n’aurait pas pu me recevoir ainsi tant il se sentait mal… En ces instants de conversation, nous étions sans âge. Nous avions le même âge. Nous étions de la même génération, la génération du sacrifice, de la semence qui portera, après que les premiers labours auront été retournés. Cependant la souffrance était en lui. Il l’avait domptée ; elle lui était familière. Je l’ai su parce qu’Ibrahima me l’a dit : « Alpha, tu ne peux savoir comme j’ai souffert ; je n’aurais jamais cru qu’un homme pouvait souffrir autant… »- Pour qu’Ibrahima me parle ainsi… le revenant des bagnes, le torodo… « Mon Dieu, seule la foi en toi, la volonté d’être ton image, la volonté d’être avec les autres ‘’esclaves’’, comme eux, pour eux aider à transcender les souffrances » m’a-t-il murmuré. Nous parlions pour mieux percer le mystère de la vie, l’homme en quête de l’homme, l’homme en quête de Dieu. Durs moments où il ne fallait se fixer sur la mort, où il fallait tout noyer dans la vie,…’’ [ndlr].
Dans un autre discours de ce même recueil, prononcé le 16 mai 1995, AOK salue la mémoire du Premier président du Mali, mort en détention en 196 sous le régime de Moussa Traoré.
« Le martyre du fils de Daba Keîta et de Fatoumata Camara (Modibo Keïta) est celui de tout notre peuple », tranche l’auteur, selon lequel, dix-huit ans (nous sommes en 1995) après sa mort, l’itinéraire politique de Modibo Keïta reste une source d’inspiration. Sans hésiter, « La bataille du souvenir », si riche, est vraiment à lire.