Le chef de la Katiba Ansardine du Macina, l’un des mouvements membres du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, est apparu dans une vidéo de 19 mn 23 secondes adressée à France 24. Donné pour mort au cours d’un raid mené par la force Barkhane, Amadou Kouffa annonce qu’il est bel et bien vivant. Il reconnaît avoir échappé de justesse à la frappe et affirme que l’espion ayant fourni les informations a été arrêté. Le groupe islamiste innove dans sa communication en proposant une interview exclusive à travers son organe de propagande, An-Andalous.
Cette vidéo met en doute les déclarations du ministre français des armées qui avait toutefois, fait preuve de prudence dans son premier communiqué, même si Barkhane continuait à comptabiliser la mort de Kouffa dans son bilan. Elle met aussi en doute les certitudes de l’armée malienne qui avait été plus formelle en confirmant la disparition de ce grand chef « djihadiste ». Avant cette vidéo le chef d’Aqmi, Droukel, dans un enregistrement audio, avait démenti la mort du chef de la Katiba du Macina.
De quand date cette vidéo ? Pourquoi l’avoir diffusée maintenant ? Que dire du choix de France 24 ? S’il est difficile de se prononcer sur la date de réalisation de cette vidéo, les réponses aux deux autres interrogations viennent naturellement. Le moment choisi n’est pas fortuit. Il y a juste une semaine, Barkhane annonçait la mort d’un important chef du GSIM, l’Algérien Djamel Okacha. Aussi, les armées malienne et française ont annoncé avoir remporté des succès importants sur les groupes islamistes au centre en tuant une vingtaine de combattants le 23 février dernier. Il y a également l’attaque presque ratée du Centre d’instruction Boubacar Sada Sy de Koulikoro. En choisissant France 24, la propagande « djihadiste » veut discréditer le ministre des Armées, Florence Parly, aux yeux de l’opinion de son pays.
De nombreux flous entourent l’opération menée le 25 novembre dernier. Contrairement aux informations véhiculées, aucune opération terrestre n’a suivi le raid aérien. Jusqu’en fin décembre 2018, aucune mission ne s’est rendue sur les lieux pour authentifier les morts annoncées en vue de leur identification. Les coordonnées GPS des lieux de la frappe avaient, tout de même, été communiquées à certains services spécialisés notamment la Brigade d’investigation spécialisée, le bras armé du parquet en charge de la lutte contre le terrorisme.
Avec cette vidéo, le mystère reste entier sur Amadou Kouffa, annoncé pour mort à plusieurs reprises. De nombreux notables juraient, la main sur le cœur, que le prédicateur radical n’a pas survécu à l’opération Serval en janvier 2013. Cette réapparition mystifie davantage Amadou Kouffa et conforte son leadership et sa place très importante dans la galaxie des combattants locaux du « djihad ». Montage ou pas, cette vidéo de l’homme qui concentre la lutte armée au centre du Mali est stratégique pour les leaders du GSIM.
Le centre du pays, devenu l’épicentre du combat armé d’Iyad Ag Agaly et ses lieutenants, est en proie à d’intenses actions militaires de l’opération française et des forces armées maliennes. Il pourrait s’agir d’une technique des groupes radicaux visant à requinquer les apprentis djihadistes, annoncés être en débandade par les officiels maliens et français. Il faudrait donc craindre une remobilisation des troupes de la Katiba du Macina à la suite de la réapparition d’un chef donné pour mort par les uns, et vivant pour les autres.
Alors, vigilance, plus que jamais !
Chiaka Doumbia
Le Challenger