Le président Ibrahim Boubacar Keïta aligne les échecs, depuis son arrivée au pouvoir. Dans ce « fiasco monumental » dans la gestion des affaires publiques, figure l’élément fondamental qui avait fondé son élection, à savoir le retour de la sécurité, notamment au Nord du Mali. IBK n’a pas connu meilleur sort en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financière, de bonne gouvernance, de gestion du front social et politique, du bien-être des populations etc… Conséquence ? L’Etat du Mali est au bord du gouffre. Retour sur les gros échecs du mandat d’IBK.
L’espoir né le 19 septembre 2013 s’est estompé au fil du temps. Désillusion, déception, découragement et pessimisme à l’intérieur, érosion de la crédibilité extérieure du pays, tels sont les éléments constitutifs du paysage malien aujourd’hui. Cinq ans après l’entrée en fonction du président, le Mali va très mal. Les années qui viennent de s’écouler ont été cinq années perdues pour le Mali. Rien de concret n’a été réalisé : ni intégrité du territoire, ni unité nationale ni réconciliation, ni paix, ni stabilité, ni décollage économique, ni reconstruction de l’État. L’incapacité du président et du Gouvernement à faire face à la situation se passe de commentaires.
Des preuves existent pour étayer l’échec de celui-là même qui se disait être le messie que les Maliens attendaient.
L’on devrait insister particulièrement sur son incapacité à résoudre la crise du nord qui fut le principal facteur qui a impulsé son élection en 2013.
Incapable de sécuriser le pays
Le 4 septembre 2013, fraîchement élu, le président IBK a juré de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national.
Cinq ans après, au-delà des paroles dont le pays est régulièrement abreuvé, l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national restent des vœux pieux. De toute évidence, le garant constitutionnel de l’unité nationale a échoué dans sa tentative de restaurer la paix et la stabilité. Outre le Nord, où la souveraineté de l’État reste contestée par divers groupes armés malgré la signature de l’accord de paix qui peine à s’appliquer.
Le Centre du pays s’est embrasé. La situation explosive dans la région de Mopti n’a pas reçu l’attention nécessaire et le traitement adéquat du pouvoir en place. De la première attaque contre Nampala en janvier 2015 à la brève occupation de Boni en septembre 2016, les Maliens n’ont pas vu ce que le président de la République a tenté pour désamorcer la bombe du Centre et résoudre la crise qui couvait. De revers en revers, les FAMAS ont payé un lourd tribut à l’inexistence d’une stratégie claire qui aurait dû être définie par IBK. De façon générale, pendant le mandat du président, il y a eu plus de morts au Mali du fait du conflit que pendant les 53 années précédentes, de 1960 à 2013. En effet, la comptabilité macabre donne des frissons : 115 morts de septembre à décembre 2013 ; 306 morts de janvier à décembre 2014 ; 538 morts de janvier à décembre 2015 ; 352 morts de janvier au 15 septembre 2016 ; et plus de 900 morts de janvier 2017 à nos jours. Au total, au moins 2100 civils, militaires maliens et étrangers ont perdu la vie dans notre pays depuis les débuts du mandat du président.
Face à cette situation désastreuse, IBK et son gouvernement font la politique de l’autruche. Et chaque fois que le chef de l’Etat a fait des déclarations va-t-en guerre, un petit communiqué des rebelles a suffi pour qu’il revienne sur terre. Ceci est l’œuvre du candidat à la présidentielle de juillet 2013 qui avait fait la promesse de mater la rébellion. Il avait rejeté toute idée de dialogue avec « les gens armés ». « Aucun bandit ne se hissera à mon niveau… On ne me trimbalera pas… ». Ce sont là, entre autres, discours entendus à Koulouba.
Mais après la débâcle de Kidal, en mai 2015 suite à la visite controversé du premier ministre de l’époque, Moussa Mara, le chef de l’Etat change son attitude vis à vis des groupes armés qui sont désormais conviés à des banquets au palais présidentiel de Koulouba… C’est avec plaisir et tous les honneurs qu’il reçoit les délégations des criminels du Mnla et consorts, alors que ceux-ci squattent encore les locaux de l’administration à Kidal et s’opposent à toute reprise en main du Mali sur cette région. Au même moment, les discours hypocrites nous font croire que le Mali est libéré de la rébellion et qu’il ne reste que l’emprise djihadiste. Pire, sous IBK, des criminels sont libérés, tout en faisant croire, la main sur le cœur, que les crimes seront punis.
La vie est dure !
Depuis l’arrivée du président Ibrahim Boubacar Keïta au pouvoir, une espèce de bipolarité s’est instaurée dans le pays. Il y a d’un côté le monde des riches, constitué autour du chef de l’Etat, sa famille et ses affidés; et celui des pauvre, auquel appartient la grande majorité des Maliens. Cette bipolarité a été créée par un régime qui, à travers des discours populistes, promettait l’égalité des chances et surtout d’assurer le bonheur de tous. Loin d’honorer sa parole, IBK a plutôt favorisé l’émergence d’un nouveau type de pauvres. Il s’agit des Maliens qui, au bout du souffle, ont tronqué leur dignité contre l’appât du gain facile et la supercherie pour pouvoir juste subvenir à leurs besoins.
« On est tous devenu des mendiants », ironise Seyba un jeune de 30 ans qui situe la source du mal dans la mauvaise gouvernance instaurée sous IBK. Selon lui, les jeunes maliens hument quotidiennement la mort, étant tous tentés par l’aventure incertaine qu’est le braquage et autres actes de délinquance.
De nombreux jeunes diplômés (des maitrisards) vivent dans des conditions difficiles, et s’adonnent à des activités peu rémunératrices: des travaux de nettoyage, de gardiennage, de l’entretien de l’immobilier public, etc. Faute de mieux, beaucoup de jeunes restent confiner à ces postes de lave gardien ou encore de manœuvre sur des chantiers, avec la crainte permanente qu’on ne mette fin à leurs contrats. Ils consentent à une telle forme de vie afin de joindre les deux bouts.
Que dire des travailleurs saisonniers, ces Maliens de l’intérieur du pays qui ont laissé au village une famille entière dont ils assument en grande partie l’entretien économique. Faire vivre par l’envoi régulier de l’argent la parenté et aider en même temps la communauté villageoise dont ils sont issus, tel est le projet commun de ces saisonniers. Leur principal souci est de dépenser le moins possible de l’argent qu’ils gagnent pour pouvoir en envoyer le maximum vers le village. Pour cela, ils acceptent tout. Sauf que ces dernières années, cette stratégie de se priver pour économiser ne semble plus payer, l’argent ayant presque disparu.
Aujourd’hui, «c’est dur ! Il faut se priver». Le cri de détresse est d’un chauffeur de taxi, qui ne sait plus à quel saint se vouer. Même les fonctionnaires de l’Etat, censés sentir moins les effets drastiques de ce marasme économique, crient leurs désarrois. La majorité d’entre eux étant confinés dans une situation qui se caractérise par des salaires bas. Un haut responsable déclare : « la vie dans ce Mali est dure ».
Selon lui, il faut avoir les reins solides pour s’en sortir. A la moindre des choses, dit-il, on pète les plombs. Parlant des raisons de cette paupérisation généralisée, il indique que «les dirigeants actuels ont tourné le dos au peuple ». En clair, les maîtres du jour ont fait du « Mali une Orange », à laquelle nul ne goûtera que leurs parents, proches et laudateurs.
En définitive, les conditions de vie des Maliens se dégradent de jour en jour. Concernant cette précarité, voici ce qu’en témoigne un commerçant : « Les Maliens vivent aujourd’hui un véritable calvaire. En plus de la pauvreté, on est exposé à une insécurité grandissante. Au grand marché, certains commerçants ont fermé boutique. Pour écouler un produit d’une valeur de 50 000 F CFA, il faut parfois plus d’une semaine.
Les conséquences de cette situation sont notoires : divorce, déperdition des enfants ». Sans commentaire ! « Je vends des accessoires pour les voitures, dit Alexis Dembélé. Mais en ce moment je ne vends rien. Les gens ne dépensent plus leur argent que pour acheter à manger ». Certains commerçants de ce marché de la capitale nous ont affirmé que la nuit, ils font le gardiennage pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille.
Au même moment, les entreprises sont obligées de mettre leurs agents au chômage technique et des populations sont ainsi privées de leurs revenus. Pour tous, les difficultés s’accumulent.
Pis, l’insécurité et la corruption gagnent du terrain, engendrant la fuite des capitaux.
Il faut dire cette situation, avec ses conséquences économiques et sociales dévastatrices, a débuté depuis le coup d’Etat du 22 mars et l’occupation du nord du Mali par des groupes islamistes armés. Mais sous la présidence de Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali vit les pires moments de son existence. La forte demande sociale, manifestée à travers une cascade de préavis de grèves, est l’expression d’un malaise profond qui existe partout dans le pays.
Mauvaise gestion et scandales
Le peuple a, en effet, découvert un régime corrompu avec des scandales à gogo, des voyages princiers à l’étranger, une armée affaiblie et moins équipée, une méthode de gouvernance qui met la famille et les affidés au centre de la gestion des affaires publiques, une insécurité grandissante et l’éloignement de tout espoir de paix.
De 2013 à nos jours, le président et son gouvernement ont essuyé de sévères critiques relatives à la mauvaise gestion des ressources publiques. L’opposition politique, des associations et même le Fonds monétaire international (FMI) ont mis le doigt sur plusieurs scandales de surfacturation et de corruption. Ces scandales largement connus n’ont, jusqu’ici, fait l’objet d’aucune sanction.
Or, dans son projet « Le Mali d’abord », le candidat IBK avait promis la « Tolérance zéro » en matière de corruption et de vol de deniers publics. La généralisation de la corruption a pour effet de freiner le développement global du Mali. Conséquence : le peuple malien est dans un état de dénuement généralisé. Parce que les ressources financières qui auraient dû être injectées dans le développement du pays et la gestion du quotidien des Maliens ont été allouées à des fins de privilèges.
Budget de présidence en constante augmentation, pléthore de ministres et de responsables (ayant rang de ministre) avec leur coût exorbitant pour l’Etat, frais divers de l’Assemblée nationale, incessants voyages présidentiels à l’étranger, frais de bouche à Koulouba… Le trésor public malien ploie sous le coût des dépenses liées à l’entretien des princes du jour.
Le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta mène un train de vie monarchique. Si on ajoute les attitudes de mégalomanie des membres du gouvernement, on peut bien comprendre pourquoi le tiers voire la moitié du budget du Mali peut être dilapidé dans la prise en charge de la classe dirigeante. La réduction du train de vie de l’Etat, chanté depuis l’accession d’IBK au pouvoir, n’est en réalité que vain mot.
Alors qu’on demande aux Maliens de se serrer la ceinture, les cabinets ministériels s’offrent des augmentations faramineuses. Le gouvernement ne connaît pas la crise, dit-on. Des missions sont parfois organisées pour permettre juste au ministre et sa suite pléthorique d’empocher des perdiems…
Cependant, ces dernières années, le premier poste de dépenses pointé du doigt est la présidence de la République. Déçus et très amer, beaucoup de Maliens estiment aujourd’hui que le président s’est hissé au pouvoir pour son « bonheur », son bien être personnel « d’abord », celui de sa famille et du clan. En effet, le train de vie hors norme du président reste inquiétant dans un pays en crise et en conflit.
Mémé Sanogo
Source: L’ Aube