La guerre larvée dans la péninsule du Sinaï a un effet direct sur la bande de Gaza et a provoqué des différends au sein même du Hamas qui sont remontés à la surface.
La branche armée du Hamas entretient une relation stratégique avec les organisations islamistes et les tribus bédouines dans le Sinaï, qui reste un espace géographique important pour le stockage, la fourniture, ainsi que la contrebande d’armes. Les liens entre le Hamas et les tribus bédouines du nord du Sinaï ont aussi une dimension économique.
Par ailleurs, en période difficile, la bande de Gaza peut servir de lieu de refuge pour les islamistes qui peuvent y accéder soit par voie terrestre grâce aux tunnels, soit par la Méditerranée.
Inversement, la branche politique du Hamas cherche à parvenir à une entente avec le président égyptien al-Sissi dans le but d’améliorer les relations entre les deux parties. Au sein même de la vitrine politique, il y a ceux qui tentent d’améliorer les relations avec le Caire, comme Moussa Abou Marzouk, considérant l’Egypte comme une porte d’entrée sur le monde extérieur qinsi que d’ “hinterland” d’importance économique majeure.
La récente décision prise par un tribunal égyptien de retirer le Hamas de la liste des organisations terroristes a suscité l’espoir d’une future amélioration des relations entre les parties. Néanmoins, l’instabilité qui règne au Sinaï a creusé un fossé entre les intérêts des branches politique et armée du Hamas.
Alors que la branche politique de l’organisation cherche à obtenir une reconnaissance internationale ainsi qu’une légitimité en tant qu’acteur politique, les brigades Ezzedine al-Qassam sont plus puissantes, et peuvent imposer leurs besoins aux chefs de la branche politique.
Dans le Sinaï, la lutte de l’armée égyptienne contre l’Etat islamique et les autres mouvements islamistes qui sont composés d’un mélange de tribus bédouines et de combattants étrangers, principalement d’origine arabe, donne l’opportunité au régime de Sissi d’affaiblir les Frères musulmans.
Outre le fait d’être une organisation parente du Hamas, les Frères musulmans sont aussi le principal adversaire stratégique de l’armée égyptienne, ainsi que le seul acteur politique qui, grâce à leur capacité en tant qu’organisation, sont capables de menacer la survie du régime. C’est dans ce contexte que les unités d’élite de l’armée égyptienne ont non seulement mené des raids contre les refuges des Frères musulmans, mais aussi tué de nombreux hauts responsables du mouvement.
Le régime égyptien considère le Hamas comme un ennemi. Cette image n’est pas prête de changer.
D’un autre côté, le Hamas qui porte la charge de gouverner la bande de Gaza, doit instaurer une stabilité régionale afin de diriger de manière efficace.
Par conséquent, en dépit des différences idéologiques, être identifié avec l’État islamique nuit aux intérêts premiers du Hamas, le laissant entre le marteau et l’enclume.
Cette conception peut également mener à une réconciliation entre le Hamas et les groupes djihadistes salafistes à Gaza. En ce moment précis, il semble que la meilleure option du Hamas soit le maintien du “profil bas”, tout en s’efforçant d’éviter un débordement des violences du Sinaï dans la bande de Gaza.
Ido Zelkovitz enseigne au département d’Histoire du Moyen-Orient et au centre Ezri pour l’Iran à l’Université de Haifa . Il est également membre du think tank israélien Mitvim.
Source: i24news.tv