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LE DIRECTEUR GENERAL D’INOOV EDITIONS A PROPOS DE SON ENTREPRISE : « Au lieu d’amener les gens vers le livre, il est essentiel d’amener le livre vers les gens »

Dans sa politique de la promotion de la culture malienne, une équipe du quotidien Le Pays a réalisé une interview du PDG d’une nouvelle maison d’édition née pour la promotion des jeunes talents maliens. Alpha Haidara dit avoir créé Innov Éditions afin de lutter contre l’édition somnambule au Mali.

Le Pays : Quels sont les objectifs de cette maison d’Édition ?

Alpha Haidara : Je vous remercie beaucoup pour cette occasion qui me permet au moins de pouvoir dire un peu, ce qu’est Innov Editions, pourquoi nous sommes là. En réalité, INNOV Editions est une jeune maison d’édition qui est là spécialement pour éditer les plumes émergentes, les écrivains en herbe. Ceux qui écrivent des choses souvent extraordinaires et qui n’ont pas réellement assez d’argent pour se faire éditer.

D’où vient l’initiative de création de cette maison d’édition ?

Vous êtes journaliste, vous êtes au Mali et vous comprenez que quand on parle d’édition, il y a un problème. L’initiative est partie d’une expérience personnelle.  C’est à partir des difficultés rencontrées pour me faire éditer que j’ai envisagé la création de cette maison.  Quand j’ai écrit mon premier recueil de poèmes « Nos cris et nos larmes », j’ai fait pratiquement toutes les maisons d’édition d’ici, il m’est même arrivé de chercher ailleurs. Je n’ai pas trouvé de solution.

Donc, je me suis dit, pourquoi en tant que jeune ne pas créer une maison d’édition et éditer ses semblables, jeunes ? C’est dans ce cadre-là qu’INNOV Editions a été créée.

Sur votre page Facebook, il est possible de lire qu’INNOV Editions est une jeune maison d’édition qui est là pour lutter contre l’édition somnambule.  Qu’est-ce que vous voulez réellement dire par là ?

Quand je parle d’édition somnambule, peut-être d’autres gens peuvent penser que c’est de la provocation. Ce n’est pas cela, d’autant plus que nous ne sommes contre aucune maison d’édition. Mais l’édition est somnambule d’autant plus que la jeunesse n’arrive pas à s’exprimer. C’est faire de l’édition une sorte de mystère, comme nous le voyons ici au Mali et un peu partout en Afrique de l’Ouest. Si toi, tout de suite tu fais un livre et que tu arrives à être édité, c’est un mystère pour les autres, notamment comment trouver une maison d’édition.  Tu t’imagines que je ne parle pas du cas du Mali, je parle de l’Edition en Afrique de l’Ouest en général.

J’ai sillonné les pays de cette région pour comprendre comment ça se passe et j’avoue que c’est pratiquement la même chose. Souvent, leur cas est pire que celui du Mali. C’est ce traditionalisme qui fonde l’édition sur l’expérience des auteurs que j’appelle de l’édition somnambule. Ce n’est pas véritablement visible, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Nous, nous ne sommes pas là en réalité pour éditer n’importe quoi, mais du moment où c’est bon, c’est éditable, on édite. Tel n’est pas le cas chez beaucoup de maisons d’édition en Afrique. Je ne me base pas généralement sur le cas du Mali. Bien vrai que nous soyons implantés au Mali, INNOV Editions est une jeune maison d’édition qui traite des cas de la sous-région. Autant nous sommes au Mali, autant nous sommes en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Congo, au Burkina, au Cameroun, au Niger et un peu partout. Les jeunes de tous ces pays subissent les mêmes problèmes. Ils n’ont pas assez d’argent pour se faire éditer, alors qu’ils ont des manuscrits qui valent vraiment la peine d’être diffusés. Ils peuvent envoyer leur manuscrit à des maisons somnambules et passer des semestres sans avoir de l’écho en retour. Finalement, beaucoup d’entre eux se découragent et déposent la plume.

Il fallait intervenir pour sauver la jeunesse en lui permettant de s’exprimer. Ce que nous oublions c’est qu’il n’y a que la jeunesse pour régler le problème de la jeunesse, il n’y a que la jeunesse pour régler le problème de l’Afrique, pour sortir ce continent de la guerre. Donc moi, en tant que jeune-poète, j’ai créé cette maison d’édition devenue INNOV qui n’est autre que l’Innovation. Pour dire que nous ne sommes pas des traditionalistes.  De sa création à maintenant, nous sommes avec les jeunes. On a commencé avec les jeunes et jusqu’à présent on continue avec les jeunes, mêmes si, force est de reconnaitre qu’il y a beaucoup de personnes d’un certain âge qui commencent à nous contacter, trouvant que que notre stratégie est bonne au Mali.

Comment vous vous arrangez avec ces jeunes pour pouvoir les éditer, sachant que nombre d’entre eux ne travaillent pas encore ?

Je ne peux pas dire qu’au sein de notre maison d’édition, nous éditons gratuitement tous les manuscrits des jeunes. Certes, il y a certains pour lesquels nous publions gratuitement, mais nous ne pouvons pas tout prendre gratuitement. Ce que nous, en tant que maison d’édition, nous demandons à ces jeunes, c’est souvent une somme forfaitaire. Une participation forfaitaire et souvent d’une manière décalée, qui sera même payée en plusieurs tranches. Parce que nous avons beaucoup de jeunes ici. Si nous devons prendre tous les jeunes qui viennent chez nous gratuitement, ce serait très difficile pour nous d’autant plus que nous ne sommes subventionnés par aucune structure. On prend certains gratuitement avec un certain nombre de conditions, on demande aussi la participation financière pour d’autres.

Combien de livres publiez-vous par an ?

INNOV n’a que deux ans, donc si on divise les 58 par deux, cela doit être à peu près 29 par an. Mais tel n’est pas le cas actuellement parce que d’ici la fin de l’année, nous avons tout amélioré, nous sommes beaucoup plus rapides dans l’édition présentement. D’ici la fin de cette année, c’est 40 livres minimum qui seront publiés. Parmi ces 40, il y a au minimum une trentaine de jeunes.

Quelles sont alors les difficultés que vous rencontrez dans votre travail ?

Tout travail comporte des difficultés. Néanmoins, on est assez satisfait par tout ce que nous faisons et aussi de nos auteurs. Actuellement, on a 58 livres édités, et je peux dire que parmi ces 58 qu’on vend, on a eu une satisfaction au niveau de 40, ce qui n’est pas mal.

Mais il faut reconnaitre qu’on rencontre souvent des problèmes avec un certain nombre de jeunes et souvent des gens ayant été édités à compte éditeur. Une fois que le livre sort, ils ne fournissent en réalité aucun effort pour la vente. Or, c’est quand on sera connu que dans le futur les gens vont chercher les livres un peu partout. Nous avons fait des efforts en ce sens parce qu’on possède une librairie mobile. Partout où vous vous trouverez ici à Bamako, on a des personnes spécialisées qui vous livrent vos ouvrages. Si en tant que jeune maison d’édition, on fournit autant d’efforts pour publier un certain nombre de livres des jeunes et que ceux-ci se montrent déterminés pour nous accompagner, cela nous encourage dans notre travail.

Mais si les livres sortent et que le jeune ne bouge pas, ça nous rend la tâche très difficile.  Il y a même des jeunes qui donnent les livres à crédit et nous disent que les gens ne payent pas. On a rencontré tous ces problèmes-là et je pense que ces choses ne doivent pas arriver. Des livres qu’on essaye de vendre moins cher, le plus important, c’est d’aller quand même vers des gens capables d’acheter, mais si c’est des livres qu’on donne à crédit et si c’est des crédits qui ne sont pas honorés, comment nous, en tant que jeune maison d’édition, allons- nous pouvoir survivre pour éditer d’autres encore ? C’est très compliqué. Mais, nous avons déjà mis en place un certain nombre de mesures pour ne pas revivre ces problèmes-là. Parce que ça nous handicape dans notre travail. En se décarcassant pour nous octroyer des moyens souvent difficiles à trouver pour éditer un jeune qui n’a pas le moyen, ça nous handicape véritablement.

Vous avez parlé de librairie mobile, à quoi cela consiste-t-il ?

Vous savez, il y a beaucoup de gens qui souhaitent se procurer de livres, mais qui ne savent pas comment. Je peux dire qu’il n’y a pas assez de librairies chez nous au Mali ou s’il y en a, il y a une mauvaise politique de marketing. Souvent, au lieu d’amener les gens vers le livre, il est essentiel d’amener le livre vers les gens. Avec la librairie mobile, un client peut appeler tout en demandant un livre. En nous livrant son adresse, on lui livre rapidement son colis.  Automatiquement, il va l’acheter. Donc l’essentiel pour nous en tant jeune maison d’édition, c’est d’aller vers ces gens-là qui réclament le livre. En procédant de la sorte, les clients achètent les livres. Car, ce que nous oublions au Mali, avec les librairies fixes, les gens n’ont pas trop le temps pour passer faire des achats. Cela, nous l’avons compris et c’est ceux-ci font de nous des innovateurs dans le cercle de l’édition.

Réalisée par Fousseni TOGOLA

Bakary Fomba, Stagiaire

Source: Le Pays

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