L’organisation terroriste active au Nigeria Boko Haram a récemment prêté allégeance à l’Etat islamique, permettant au groupe actuellement basé en Syrie et en Irak de réaliser un grand pas dans sa stratégie d’expansion. L’incorporation de Boko Haram dans l’Etat islamique signale que la nouvelle cible de ce dernier dans le Sahel du nord et du centre de l’Afrique fera du continent un champ de bataille crucial de la guerre internationale contre le terrorisme.
Le 7 mars, le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau a annoncé dans un enregistrement audio son « allégeance au calife, que nous écouterons et auquel nous obéirons dans les difficultés comme dans la prospérité ». Malgré le caractère soudain de l’annonce, celle-ci n’est pas surprenante : depuis l’ascension fulgurante de l’Etat islamique l’année dernière dans le nord de l’Irak, Boko Haram tente de se rapprocher de l’organisation. Le groupe avait déjà exprimé son soutien dans une vidéo, en qualifiant le calife de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi, de « frère » et en priant pour lui. Depuis lors, les deux organisations collaborent.
En juin dernier, l’EI a annoncé l’établissement d’un « califat » en Syrie et dans les zones frontalières de l’Irak, et Boko Haram a fait de même en août dans la région qu’il occupe à la frontière nord du Nigeria. L’EI a réussi à étendre son influence en diffusant des vidéos de décapitation d’otages sur les réseaux sociaux, qui ont marqué l’opinion publique internationale. Boko Haram lui a récemment emboîté le pas en publiant une vidéo montrant la décapitation de deux otages. Les deux groupes emploient aujourd’hui exactement les mêmes techniques de communication.
L’avancée tentaculaire de l’EI en Afrique centrale
Lors de leur émergence en 2004, les terroristes de Boko Haram ont été qualifiés de « Talibans au Nigeria ». Le gouvernement du pays a lancé une opération de répression en 2009, qui a rencontré peu de succès. Actuellement, Boko Haram contrôle une région de plus de 20 000 km2 au Nigeria, dont le siège est la capitale de l’Etat de Borno, Maiduguri. Depuis 2011, le groupe a été l’auteur de plusieurs attaques violentes qui ont fait 1,3 million de morts et au moins un million de réfugiés.
En avril dernier, Boko Haram a enlevé en plein jour plus de 200 écolières nigérianes, menaçant d’en faire des esclaves, un événement qui a choqué la communauté internationale. Le 25 juin, le groupe a fait exploser une bombe dans un centre commercial de la capitale Abuja, tuant 22 personnes. Ces derniers mois, Boko Haram s’est étendu aux pays voisins en lançant des attaques au Cameroun, au Tchad et au Niger, suscitant l’inquiétude d’un grand nombre de pays de la région. Aujourd’hui, le groupe est devenu la plus grande menace terroriste que les forces armées d’Afrique centrale doivent affronter.
En 2010, le groupe est devenu plus actif en Afrique du Nord en formant une alliance avec Al-Qaida au Maghreb islamique, une organisation puissante dans le nord du Mali. En 2013, la France a lancé une opération de lutte contre le terrorisme au Mali, forçant Al-Qaida au Maghreb islamique à fuir le pays. C’est à ce moment-là que Boko Haram s’est tourné vers l’Etat islamique, alors en plein essor. Les deux organisations seraient en contact à un niveau ou un autre depuis la mi-janvier 2015. Le président nigérian Goodluck Jonathan a annoncé en février que le gouvernement avait des preuves montrant l’association de Boko Haram et de l’EI.
Certains analystes estiment que bien que l’EI n’ait à ce jour pas confirmé officiellement l’incorporation de Boko Haram, ce développement s’inscrit dans sa stratégie actuelle d’expansion. Depuis le lancement d’une campagne de bombardement de la coalition internationale contre les terroristes de l’EI dirigée par les Etats-Unis, l’organisation a subi de grandes pertes matérielles et d’effectifs, mais aussi perdu certains territoires. Pendant que l’EI tente de garder sous son contrôle les vastes régions qu’il occupe en Irak et en Syrie, il cherche à élargir sa sphère d’influence dans d’autres régions, afin de miner l’action internationale contre le terrorisme.
Actuellement, l’Etat islamique recherche des organisations terroristes dans d’autres pays du Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Afrique centrale et en Asie du Sud, à qui fournir des ressources et une formation pour améliorer leur efficacité au combat. C’est pourquoi nous assistons à un nombre croissant d’organisations extrémistes prêtant allégeance à l’EI. Dans la péninsule du Sinaï, le fief des Partisans de Jérusalem dans l’est de l’Égypte a fait son serment d’allégeance en novembre dernier et a changé son nom en « Etat islamique de la province du Sinaï ».
L’EI s’est également immiscé dans la tourmente politique qui perdure en Libye, où il a mis en place un camp d’entraînement dans l’est du pays, qui aurait formé plus de 200 djihadistes. Al-Baghdadi a déjà accepté officiellement les serments d’allégeance d’organisations préconisant le Djihad en Libye, en Égypte, au Yémen, en Arabie saoudite et en Algérie. Avec l’annonce de Boko Haram, l’EI peut étendre ses tentacules en Afrique du Nord jusqu’à la vaste région d’Afrique centrale. Ceci est la triste réalité à laquelle l’Afrique est confrontée.
Plusieurs pays unissent leurs forces pour déclarer la guerre à Boko Haram
Pour faire face à la menace rampante de Boko Haram, le Nigeria et ses voisins ont décidé d’agir de manière commune avec les Etats-Unis et l’Europe. En mai dernier, Paris a tenu le Sommet de la sécurité en Afrique 5 + 1. Les dirigeants du Nigeria, du Cameroun, du Niger, du Bénin et du Tchad se sont entretenus avec leurs homologues français pour réagir contre Boko Haram et ont décidé de lancer une opération conjointe contre le terrorisme.
En février, le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et le Niger ont formé un front uni de déclaration de guerre à Boko Haram, en sollicitant l’aide de la France, des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux en matière de renseignements, de technologie et d’armement. 54 Etats membres de l’Union africaine ont également décidé d’envoyer 7500 troupes pour participer aux opérations contre Boko Haram.
Récemment, la coalition multinationale a rencontré ses premières victoires. Le 3 février, les troupes du Tchad au Nigeria ont repris le contrôle de la ville frontalière de Gamboru. Le 18 février, l’armée nigériane assistée par les troupes du Cameroun et du Tchad a tué plus de 300 djihadistes, et a repris des postes stratégiques comme la ville de Baja. Le 8 mars, les troupes du Tchad et du Niger ont ouvert un second front dans le nord-est du Nigeria, reprenant deux villes frontalières occupées par Boko Haram, et tuant plus de 200 djihadistes. Les troupes du Cameroun et du Tchad ont également secouru des otages.
L’intervention de l’EI dans le conflit en Afrique rendra sans aucun doute la situation encore plus complexe. Cependant, les pays africains sont déterminés à prendre des mesures conjointes contre le terrorisme. En août dernier, une coalition internationale contre les actions de l’EI en Syrie et en Irak a été formée, et aujourd’hui, l’Afrique se prépare à une deuxième guerre internationale contre le terrorisme.