Le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, conformément aux exigences de la charte de la transition, a procédé à la publication du chronogramme des prochaines élections générales au Mali. C’était le mercredi 14 avril 2021 lors d’un point de presse qu’il à laisser entendre que le scrutin référendaire se tiendra le 31 octobre 2021 et que l’élection des Conseillers régionaux aura lieu le 26 décembre 2021. Quant aux élections présidentielles et législatives, elles se tiendront le même jour, dimanche 27 février 2022. Ce chronogramme intervient juste deux semaines après l’interpellation de la communauté internationale sur la fixation des dates précises des prochaines échéances électorales. La question fondamentale est donc de savoir si ce calendrier est l’expression des pressions de la communauté internationale ou s’il est le résultat d’une lecture objective des réalités complexes du Mali…
Pression excessive ou prudence objective de la communauté internationale ?
A onze mois de la fin programmée de la transition politique au Mali, les Nations Unies ont appelé, mardi 06 avril, à accélérer les réformes alors que le pays est toujours confronté à une insécurité importante. Devant le Conseil de Sécurité, le Secrétaire général adjoint M. Lacroix, a souligné que toute amélioration durable de la situation sécuritaire au Mali repose sur le succès de la transition politique actuelle. La communauté internationale s’est réjouie des avancés liés à la relance du fonctionnement des principales institutions de la République d’une part ; et d’autre part, de l’adoption par les membres du CNT du Plan d’Action Gouvernementale.
Néanmoins, le Secrétaire Général adjoint de l’ONU a insisté sur la nécessité d’accélérer de toute urgence les réformes institutionnelles et politiques tout en misant sur un processus d’inclusivité et de concertation avec l’ensemble des forces vives de la nation. A ce titre, un chronogramme des élections est indispensable et devra permettre d’entamer des réformes visant à créer un environnement propice à la tenue d’élections apaisées, libres et transparentes. Ceci est d’autant plus important que « ces élections représentent le test décisif de la transition actuelle et une étape nécessaire vers le retour du Mali à l’ordre constitutionnel », a laissé entendre le Secrétaire général adjoint de l’ONU. Ces propos apparaissent comme à la fois une injonction et une douce pression, mais aussi et surtout, comme une prudence objective qui tend à aviser les autorités de transition sur leur responsabilité dans la construction de la paix et consolidation des institutions.
Des élections couplées au Mali, un coup de génie ou une idée impertinente ?
Le chronogramme électoral présenté par le ministre de l’administration territoriale intervient sans conteste dans un contexte national difficile et complexe. L’insécurité constitue toujours le talon d’Achille des autorités maliennes. Pourtant, le facteur décisif à la réussite des élections reste le cadre sécuritaire. L’enjeu fondamental des prochaines élections générales demeure le taux de participation. C’est l’indicateur principal pour apprécier la confiance des citoyens dans le processus électoral, et donc de garantir la légitimité des nouvelles autorités politiques. Or, l’amélioration de ce taux de participation dépendra de deux éléments fondamentaux : un élément psychologique et émotionnel (la confiance des citoyens) et un second élément d’ordre pratique et stratégique (la sécurisation du territoire). C’est par ces deux facteurs que les citoyens décideront de participer massivement ou pas aux prochaines échéances électorales.
A partir de cette analyse du contexte, il devient alors aisé de se pencher sur le choix d’une élection couplée ainsi que de sa pertinence dans la situation actuelle du Mali. Dans cet élan de compréhension, le choix des élections couplées a été présenté par le gouvernement sous l’angle de la rationalisation des dépenses publiques. Mais encore faudrait-il que l’on sache d’abord combien cela coutera au budget de l’Etat d’organiser des élections non couplées. Ce n’est qu’à partir de là que l’on peut apprécier objectivement, après une étude comparative, le différentiel avec des élections couplées. En outre, cette décision souffre de pertinence car elle n’est pas assortie du sens des priorités. Encore une fois, la transition ne peut pas tout faire. Et vouloir organiser toutes les élections en même temps dans le contexte actuel du Mali, c’est prendre le risque de s’exposer à des imperfections ou à des erreurs politiques. Il aurait donc été juste de s’en tenir uniquement à l’organisation des élections présidentielles et législatives. Quant aux élections communales, municipales et régionales, elles sont moins urgentes que les présidentielles et les législatives.
Enfin, des élections couplées pourraient constituer pour le Mali le risque d’une crise institutionnelle en ce sens où, elles peuvent ouvrir la voie à une situation de cohabitation politique au sein de l’Exécutif ; notamment entre le Président de la République et son Premier Ministre. La cohabitation politique suppose que le Président ne dispose pas de la majorité dans l’hémicycle parlementaire et que, par voie de conséquence, il soit contraint de nommer un Premier Ministre dans le rang de l’opposition politique. Un tel scénario n’est pas à exclure dans le cadre des élections couplées (présidentielles et législatives). Dans ce cas de figure, la relation entre le Président et le Premier Ministre sera nécessairement tendue pour des raisons purement politiques. Or, le Mali a plus que jamais besoin d’unité au sommet de l’Etat et dans chaque décision politique du gouvernement. Pourtant, cet aspect des choses semble n’avoir pas été pris en compte dans la détermination du chronogramme électoral. A moins que le gouvernement de la transition n’ait décidé volontairement de renvoyer cette problématique aux chapitres de révision constitutionnelle.
Ballan D., Politologue et Khalid D., Economiste.