Le militaire prend la tête d’un État meurtri par la guerre depuis 2015 et qui a vécu pas moins de deux coups d’État en huit mois.
Le capitaine Ibrahim Traoré, auteur d’un putsch vendredi au Burkina Faso, pays qui a vécu deux coups d’État en huit mois, a officiellement été désigné mercredi 5 octobre président, dans l’attente de la désignation d’un président de transition par des «Assises nationales». «Le président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) assure les fonctions de chef de l’État, chef suprême des forces armées nationales», indique une déclaration intitulée Acte fondamental, qui complète la Constitution du Burkina, «en attendant l’adoption d’une charte de la transition».
Cette déclaration a été lue par le capitaine Kiswendsida Farouk Azaria Sorgho, porte-parole du MPSR, la junte au pouvoir, lors d’une émission spéciale à la télévision nationale. Le capitaine Traoré a assuré lundi sur la radio RFI qu’il ne ferait qu’expédier «les affaires courantes» jusqu’à la désignation d’un nouveau président de transition civil ou militaire par des «Assises nationales» rassemblant les forces politiques, sociales et de la société civile, qui devront se réunir «bien avant la fin de l’année», selon lui. Il a renversé vendredi le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même arrivé par la force au pouvoir en janvier 2022 en renversement le président élu Roch Marc Christian Kaboré.
L’Acte adopté mercredi précise qu’en «attendant la mise en place des organes de la transition», le MPSR «est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de l’État, du respect des traités et accords internationaux auxquels le Burkina Faso est partie». La Constitution, suspendue après le putsch de vendredi, a été rétablie et «s’applique à l’exception de ses dispositions contraires» à l’Acte fondamental.
Des milliers de morts et deux millions de déplacés
Ibrahim Traoré, 34 ans, devient le plus jeune chef d’État au monde, devant le Chilien Gabriel Boric, 36 ans. Il prend la tête d’un État meurtri par la guerre depuis 2015, et a en partie justifié son coup de force en reprochant à son prédécesseur Damiba «la dégradation continue de la situation sécuritaire». Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes. Une majorité du territoire échappe au contrôle de l’État, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger.
Ibrahim Traoré a reçu mardi une délégation de la Communauté des États d’Afrique de l’ouest (Cédéao), venue évaluer la situation quelques jours après le putsch. Elle est repartie «confiante», selon l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, membre de la délégation et médiateur de la Cédéao pour le Burkina. Ce dernier a jugé que le Faso avait été «au bord du gouffre» après un week-end de troubles et d’incertitude quant à l’acceptation du putsch par le lieutenant-colonel Damiba, qui s’est d’abord opposé à sa destitution avant de finalement démissionner et quitter le pays dimanche.
Des élections au plus tard en 2024
Des manifestations contre la France et pour un renforcement de la coopération militaire avec la Russie, dont l’influence ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone dont le Mali voisin, se sont également tenues durant le week-end. Des bâtiments représentant les intérêts de la France, dont l’ambassade à Ouagadougou, ont été pris à partie par les manifestants.
Le capitaine Traoré, à l’issue de la rencontre avec la Cédéao mardi soir, avait assuré que Ouagadougou continuerait à respecter ses engagements pris sous Damiba vis-à-vis de la Cédéao, en particulier sur l’organisation d’élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.
Source: lefigaro.fr