Le sujet est à la une des journaux. Il alimente les conversations et débats dans les Sotrama, les »grins », les marchés et autres lieux publics. Il s’agit du choix du candidat de l’Adéma/PASJ pour défendre les couleurs du parti à la prochaine présidentielle de juillet. Après l’effervescence, la Ruche est décidément rentrée dans un tourbillon et il ne serait pas surprenant de voir les Abeilles bientôt voler en groupes à la recherche de niches plus sûres.
La commission de bons offices mise en place par le comité exécutif (CE) de l’Adéma/PASJ a rendu la conclusion de ses travaux sur le processus de désignation du candidat à l’élection présidentielle de juillet prochain. Diversement apprécié, le choix dit consensuel risque de sonner le glas que de nombreux observateurs avaient prédit à l’issue de ce primaire organisé en violation flagrante des textes du parti.
En effet, de tous les favoris dont la presse faisait échos ces jours-ci, le choix s’est finalement porté sur Dramane Dembélé, ex-directeur général de la géologie et des mines. L’information a été donnée à l’issue d’une rencontre on ne peut plus houleuse qui s’est tenue le mercredi dernier au siège du parti à Bamako-Coura. Vu le temps qu’a duré cette rencontre (environ 4 heures d’horloge) et le climat délétère qui semblait se dégager des échos au sortir de la salle, tout porte à croire que l’Adéma/PASJ va vers des lendemains tumultueux et incertains. Si le clash longtemps redouté n’est pas encore consommé, on n’en est certainement pas loin.
Selon plusieurs sources, des initiatives individuelles et collectives seraient déjà en cours pour tenter d’invalider le choix de la CBO. Quelle que soit l’évolution que va connaître la situation, elle ne sera pas sans conséquence pour la cohésion et l’unité du parti.
A qui la faute, si ce n’est le CE qui semble nourrir une peur bleue du vote, donc de l’expression la plus démocratique qui soit. Raison pour laquelle, il opte chaque fois pour des raccourcis qui, se révèlent par la suite de véritables culs-de-sac pour le parti. Mais la responsabilité incombe aussi aux pères fondateurs du parti, notamment ceux qui sont encore présents dont les présidents Alpha Oumar Konaré et Dioncounda Traoré qui, visiblement, n’auraient rien fait pour éviter que la situation ne dégénère.
Quoi qu’il en soit, les avis sont aujourd’hui partagés et très divergents les uns des autres au sein de la Ruche par rapport à l’appréciation du processus et de son résultat.
D’aucuns trouvent le choix judicieux par rapport notamment au besoin nécessaire de renouvellement de la classe politique à travers une plus grande responsabilisation des jeunes et des femmes. Etant donné que le candidat proposé par la commission de bons offices, Dramane Dembélé est relativement jeune (46 ans) par rapport à bon nombre des 19 postulants à l’investiture du parti.
Pour ceux d’en face au contraire, cette »jeunesse » ajoutée à l’inexpérience au sommet de l’Etat peuvent constituer des défis au-dessus de moyens du candidat de l’Adéma/PASJ surtout dans le contexte particulier de pays en profonde crise qu’est le Mali aujourd’hui. Les mécontents, à tort ou à raison, fustigent les membres de la commission de bons offices qu’ils accablent de tous les maux et faiblesses pour avoir contribué à précipiter la dislocation du parti.
Les militants les plus amers pensent plutôt à un complot savamment ourdi par certains milieux politiques dans le seul but de favoriser d’autres candidats. D’autres par contre sont très fâchés après la commission de bons offices qui aurait dû à leur avis invalider au besoin l’ensemble des 19 candidatures pour des raisons de non-conformité aux critères édictés à cet effet. Selon les tenants de cette thèse, ç’aurait été un acte de courage de la part desdits »sages » afin de laisser la pleine et entière aptitude à la conférence nationale de désigner le candidat définitif du parti.
Le vin des primaires est tiré à l’Adéma/PASJ. A présent, il s’agit de le boire. Malheureusement, comme on le constate, il ne semble pas être du goût de beaucoup de militants qui estiment qu’il est trop amer pour être consommé en l’état. Ce sont en perspectives de gros nuages qui assombrissent depuis mercredi le ciel au-dessus de cette formation politique qui a la particularité de donner deux présidents de la République au pays.
Au-delà de ces sentiments d’état d’âme plus ou moins légitimes, il revient au comité exécutif (CE) d’appréhender sereinement la situation et de décider en toute lucidité dans l’intérêt supérieur du parti. Car, entre deux maux, il s’agit d’opter pour celui qui paraît le moindre. Aujourd’hui, une autre solution est-elle envisageable comme alternative au choix de la commission de bons offices ? Cela constituera un désaveu cinglant et pour la CBO et pour le CE qui a privilégié cette option, bien qu’elle soit en violation des textes du parti.
Le parti de l’Abeille solitaire pâtira sûrement et pour très longtemps des conséquences de cette façon inappropriée et illégale d’organiser des primaires. Tout porte à croire que les Ruchers n’ont pas tiré les leçons et tous les enseignements nécessaires des précédentes modes de sélection du candidat du parti. C’est simplement regrettable pour notre démocratie.
Une élection présidentielle est suffisamment trop sérieuse pour être exclusivement suspendue au choix de quelques individus, fussent-ils des »sages ». Pour ne l’avoir pas compris, le CE et l’ensemble des militants de l’Adéma/PASJ l’apprennent aujourd’hui à leurs dépens et c’est la démocratie qui en pâtit.
La prochaine conférence du parti prévue pour le 14 avril 2013 saura-t-elle ramener le calme et la sérénité requise afin de maintenir l’unité et la cohésion du parti ? Rien n’est moins sûr !
Mais, en politique, on ne sait jamais trop ce qui peut advenir en définitive surtout un parti comme l’Adéma/PASJ avec qui il faut s’attendre à toutes sortes de surprises possibles, des plus agréables aux pires.
Bréhima Sidibé