Une mission du Bureau du Vérificateur général a séjourné plus de trois mois dans la Cité des balanzans, où elle a passé au peigne fin la gestion des trois dernières années de l’Office du Niger. L’examen minutieux de son Rapport impose au moins deux constats majeurs. Primo : la qualité du travail de fourmi réalisé par la mission est telle que le document de 81 pages (rapport et annexes) ne laisse place à la moindre confusion possible et reflète la solide réputation que le Bureau du Vérificateur Général s’est bâtie au fil du temps. Secundo : des irrégularités financières sont dénoncées dans les procédures de gestion de la subvention d’engrais de la campagne agricole 2020-2021 mais, nulle part, la Direction générale de l’Office, n’est indexée. Un fait rare dans les rapports du BVG.
Conformément à la Loi n°2021-069 du 23 Décembre 2021, le Vérificateur Général du Mali effectue plusieurs types de vérifications : évaluation des politiques publiques, vérification de performance, vérification de suivi des recommandations, vérification financière. C’est cette dernière catégorie qui était l’objet de la mission, qui a séjourné, du 14 novembre 2022 au 2 mars 2023, à l’Office du Niger pour vérifier sa gestion au titre des exercices 2019, 2020, 2021 et 2022.
Placé sous la tutelle du ministère du Développement Rural et entretenant des relations étroites avec celui de l’Economie et des Finances, l’Office du Niger est un Etablissement public à caractère industriel et commercial doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il assure, dans le cadre d’un contrat de concession de service public, la maîtrise d’ouvrage déléguée pour les études et le contrôle des travaux, l’entretien des infrastructures primaires, la gérance des terres, le conseil rural et l’assistance aux exploitants des terres aménagées en matière d’approvisionnement en intrants et matériels agricoles.
La mission de vérification financière a ciblé la mobilisation de la dotation budgétaire de l’Etat et de la redevance eau, l’exécution des dépenses ainsi que les procédures de gestion de la subvention d’engrais de la campagne agricole 2020-2021. Elle a procédé à l’analyse des textes législatifs et réglementaires régissant l’Office du Niger, à l’examen des pièces justificatives sur les engrais, au recoupement d’informations et, naturellement, à des entretiens avec les acteurs concernés par la procédure : des responsables du département de tutelle à ceux de l’Office en passant par les structures régionales et techniques.
Le principe du contradictoire a été respecté. Des recommandations ont été faites aux différents niveaux d’intervention : ministère chargé de l’Agriculture, l’Office du Niger, commissions de gestion des intrants agricoles subventionnés, Direction nationale de l’agriculture, Zones de l’ON.
Elaboré dans ces conditions et rendu public, le Rapport de vérification a révélé des irrégularités administratives et financières.
Le département de tutelle est indexé pour avoir ordonné le remboursement de la subvention des engrais, au titre de la campagne agricole 2020-2021, à 6 fournisseurs qui ont perçu, sans fournir au préalable les pièces justificatives requises, quelque 655, 444 millions FCFA. Il s’agit de : Dpa, Ko2, Gdcm, Eléphant vert, Agri Obtention et Madcom.
Quant à la Direction générale de la structure où s’est déroulée la mission, à savoir l’Office du Niger, elle n’est nulle part concernée. Un fait rare dans les rapports du BVG pour ne pas être souligné. Sa réactivité à fournir des réponses satisfaisantes aux observations contenues dans le rapport provisoire est à l’honneur d’une entreprise à encourager pour ses efforts de gestion dans le contexte actuel.
Il est peut-être utile de signaler que la gestion des intrants agricoles subventionnés par l’Etat est encadrée par le «Manuel de procédures de gestion de la subvention des intrants Agricoles» qui précise l’organisation, les principes de gestion, les tâches et les procédures à appliquer.
Mais, comment ces irrégularités ont-elles pu échapper à la ‘’vigilance’’ des services techniques du département de l’Economie et des Finances qui est tout de même un acteur de premier plan dans la gestion des subventions relatives aux intrants agricoles?
L’examen éventuel du dossier par le président de la Section des Comptes de la Cour suprême et le Procureur chargé du Pôle national économique et financier, tous deux saisis par le Végal, qui exige le remboursement du montant payé, apporterait peut-être des éléments de réponses à cette question.
A l’exception notable de son staff de communication qui peine manifestement à se hisser à la hauteur des autres compétences dont il regorge, le Bureau du vérificateur vient de renforcer, par la rigueur du travail mené dans la Cité des balanzans, son image d’une institution de plus en plus crédible. Et de moins en moins contestée, comme à ses débuts.
Dèbè Tall
Le Challenger