De la dissuasion sur roues. Pour la première fois, le blindé Griffon est déployé en opération extérieure. Ce sont les soldats du 3e régiment d’infanterie de marine de Vannes qui le testent actuellement au Mali.
Il n’y a pas que dans les légendes que les korrigans côtoient les dragons. Pour leur première sortie opérationnelle depuis leur arrivée au Mali, fin septembre, les marsouins du 3e Rima de Vannes, qui sont déployés au sein du groupement tactique Désert Korrigan, ont manœuvré de concert avec leurs camarades du groupement tactique Logistique Dragon.
Le colonel Faivre, le chef de corps du 3e Rima et patron du GTD Korrigan, explique : « Du 30 octobre au 9 novembre, deux unités du 3, dont une sur les nouveaux blindés Griffon, ont pris part à l’opération Tombouctou 01. Il s’agissait d’escorter un convoi routier français qui acheminait, de Gao à Tombouctou, des conteneurs vides et des engins de levage qui seront utilisés dans le cadre du retrait français de la base de Tombouctou. »
Dans le cadre de la transformation de l’opération Barkhane, annoncée par le président Macron le 10 juin, l’armée française évacue ses trois postes du nord malien : Tessalit, Kidal et Tombouctou. D’où une intense et exigeante opération logistique confiée au GT Logistique Dragon.
Aller à Tombouctou, c’est parcourir près de 800 km de pistes, mais aussi de dunes, sous un soleil intense, dans la poussière et dans un sable abrasif qui met à mal hommes et véhicules.
C’est courir le risque d’embuscades et d’attaques au véhicule piégé. D’où une robuste escorte fournie par le GTD Korrigan, composée d’imposants blindés Griffon de 24 tonnes et appuyée par les VBCI (véhicule blindé de combat de l’infanterie) du 5e régiment de dragons.
Griffon, la dissuasion sur roues
On a ainsi pu voir et sentir le terrain, explique le colonel Faivre, qui ne cache pas, en outre, son enthousiasme pour le Griffon, que le régiment a perçu début 2020.
Si le 3e RIMa était alors l’une des premières unités françaises à en disposer, le Griffon équipe désormais de nombreux autres régiments dont le 6e régiment du génie d’Angers ou le 11e régiment d’artillerie de marine de la Lande d’Ouée (Ille-et-Vilaine). En 2021, 119 Griffon ont été livrés. L’an passé, nous en avions présenté 128, et 92 en 2019, précise-t-on chez Nexter, le constructeur de ce blindé 6×6 capable d’abriter 10 combattants. 842 exemplaires seront livrés dans le cadre de l’actuelle Loi de programmation militaire.
Le successeur du vénérable VAB (véhicule de l’avant blindé, en service depuis 1976) souffre-t-il, comme en leur temps, les chars Leclerc, les blindés légers de type VBL et PVP, de défauts de jeunesse que n’auraient pas permis d’identifier les déploiements en métropole et même celui de Djibouti en septembre 2020 ?
« Le bilan va au-delà de nos attentes, en termes de mobilité, de capacités de franchissement, de puissance et de confort (climatisation, ergonomie) », rassure le chef de corps vannetais. « Par rapport au VAB, le Griffon est un outil dissuasif par sa taille et sa mobilité. Nous avons opéré dans une grande sérénité, pendant toute la phase d’ouverture des axes, et aucun acte hostile n’a été recensé.
Le lieutenant Louis-Marie, de la 3e compagnie, trouve la bête plutôt fiable. Les défauts de jeunesse, sur les logiciels par exemple, ont été rectifiés et sur le plan mécanique, quelques améliorations ont été apportées », précise le chef de la section Jaune 3, qui assure la sécurité de la base de Gao avec sa section et un détachement estonien.
Que du confort, assure un caporal-chef, pilote de Griffon, lors d’une patrouille en ville de Gao. Sa hauteur, toutefois, est à prendre en compte, car elle peut provoquer des retournements.
Côté maintenance, pas de point bloquant, ajoute le lieutenant José, du 2e régiment du Matériel de Bruz (Ille-et-Vilaine) dont les 18 « matochards »(mécaniciens) vont veiller pendant cinq mois sur les 32 Griffon livrés en août sur le théâtre malien. Le Griffon dispose d’un nouveau système d’information et de commandement, le SICS, qui permet de partager numériquement, et de manière sécurisée, l’ensemble des informations tactiques disponibles sur le champ de bataille. Mais ce blindé a été conçu et est né avec toute cette électronique. La difficulté, c’est plus pour les personnels, qui doivent évoluer et maîtriser davantage de connaissances.
À Gao, le colonel Faivre affiche donc un sourire radieux, comme le soleil de cette fin d’été sahélien. Il attend juste avec impatience l’arrivée de ses Griffon de commandement. L’opération Tombouctou 01, lui et son état-major l’ont vécue depuis leur vénérable VAB, sans clim et sans confort.
Ouest France
Source: L’Informateur