Cyniquement parlant, le projet de loi électorale innove par le rajout du parrainage citoyen au potentiel corruptif des élections en préconisant « la signature d’électeurs représentant au moins 0,3% du fichier électoral général, électeurs devant être inscrits au moins dans onze (11) Régions ou dans le District et dix (10) Régions à raison de deux mille au moins par Région ».
AUCUN ENSEIGNEMENT TIRE DE LA BOURSE MAFIEUSE DE SIGNATURES DES DEPUTES ET CONSEILLERS COMMUNAUX
Dans quelle logique s’inscrit cette volonté d’embarquer le pays dans un nouveau parrainage citoyen de la présidentielle déjà somnolente dans le nid de corruption politique aggravée de son système de parrainage politique par 10 députés au moins ou 5 élus communaux au moins dans chacune des régions et dans le District de Bamako.
Quels enseignements a-t-on tiré du système pourri de parrainage par les députés et les élus locaux qui n’a plus rien de républicain et qui s’est transformé en marché corrompu de signatures se négociant comme sur une bourse mafieuse, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes évaluées en millions de FCFA?
En sachant que le candidat présidentiel achète parfois en millions de FCFA des députés peu honorables et conseillers communaux, à quel cours de la signature faudrait-il s’attendre en ce qui concerne les futurs électeurs totalisant « 0,3% du fichier électoral général » ? A combien vont-ils se brader sur le marché noir potentiel de trafic de signatures, surtout que la bourse des députés peu honorables sera fermée lors de la toute prochaine élection présidentielle.
La dérive corruptive choquante du parrainage politique des élus connue de tous, aurait dû servir de leçon au projet de loi électorale ne serait-ce que dans le sens de la recherche de verrous susceptibles d’y mettre un terme. Le risque est évident que le système de parrainage constitutionnellement boiteux de l’élection présidentielle déjà entaché par la corruption des élus, ne le soit davantage avec la corruption citoyenne d’électeurs.
LE PARRAINAGE CONSTITUTIONNELLEMENT SUSPECT
Les promoteurs du nouveau parrainage citoyen savent-ils seulement qu’au regard de la jurisprudence de l’Arrêt n°96-003 du 25 octobre 1996, celui-ci ne fait qu’en rajouter à la forte suspicion d’inconstitutionnalité qui plane déjà sur le système de parrainage en vigueur introduit par la loi électorale n°06-044 du 04 septembre 2006?
Ne faudrait-il pas gentiment rappeler ici que l’Arrêt n°96-003 du 25 octobre 1996, avait retoqué le parrainage introduit par la loi électorale du 27 septembre 1996 sur la base de la violation des articles 26 et 27 alinéa 1er de la Constitution?
Qu’est-ce qui prouve aujourd’hui que le système de parrainage de la loi électorale du 04 septembre 2006 non soumise à la censure du juge, n’a pas méconnu l’Arrêt n°96-003 du 25 octobre 1996.
LE PARRAINAGE CITOYEN POUR QUEL NOMBRE MAXIMUM DE CANDIDATURES PRESIDENTIELLES?
Si en tant que système de filtrage, le parrainage se veut un moyen d’éviter la pléthore de candidatures à une élection, ce mythe n’est généralement pas avéré dans les faits.
On rappellera simplement qu’il découle de la combinaison des deux formes de soutien vigueur au Mali (5 élus communaux dans chacune des régions et dans le District de Bamako et 10 députés) que le nombre théorique de candidatures présidentielles possibles est de 14(au titre des députés) auxquelles il faut ajouter 26 (au titre des élus communaux), c’est-à-dire 40 au total.
Théoriquement, le système de parrainage en vigueur limite le nombre de candidatures à 40. Ce qui est pour le moins excessif. Mais il est vrai aussi que cette approche théorique doit être nécessairement relativisée pour la bonne raison que tous les élus habilités ne parrainent pas et que parmi ceux qui parrainent, la répartition est très inégale entre candidats présidentiels.
En tout état de cause, le nouveau parrainage citoyen doit pouvoir se prévaloir, en termes chiffrés, de son effet réducteur même théorique, sur le nombre de candidatures présidentielles ?
Le rajout du nouveau parrainage citoyen tablerait sur quel nombre maximum de candidatures à l’élection présidentielle? On aimerait bien le savoir.
Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB)