Dans un contexte politique et judiciaire tendu au Mali, l’ancien procureur Dramane Diarra se retrouve au cœur d’une nouvelle controverse. Radié de la magistrature en septembre 2023 par le Conseil supérieur de la magistrature sous la présidence du chef de l’État de la transition, le général Assimi Goïta, cet ex-haut magistrat a été empêché de quitter le territoire national par les autorités de la police des frontières. Retour sur un épisode marquant qui suscite des interrogations sur les droits fondamentaux et la liberté de circulation des citoyens maliens.
Les faits : une saisie de passeport à la frontière
Bamada.net-Le lundi 9 décembre 2024, Dramane Diarra, accompagné de trois membres de sa famille, se rendait en Guinée Conakry pour présenter ses condoléances à la famille du défunt Cheick Fantamady Chérif Haïdara, dit Kankan Sekouba. Cependant, arrivé au commissariat de la police de frontière entre le Mali et la Guinée, il a été confronté à une interdiction de voyage.
À Lire Aussi :Magistrature: Chérif Koné et Dramane Diarra radiés
Selon le témoignage publié par l’ancien procureur sur sa page Meta, après les formalités d’enrôlement effectuées au commissariat, il a été informé par le commissaire en charge de l’immigration que son passeport était saisi sur ordre de sa hiérarchie. Malgré ses insistanes pour obtenir des explications claires sur cette mesure, aucune justification officielle ne lui a été fournie. « J’ai demandé un document de saisie de mon passeport, mais le commissaire m’a expliqué qu’ils n’ont pas encore de formulaire pour cela », a-t-il rapporté, soulignant l’absence de procédure formelle dans l’application de cette décision.
Une entrave à la liberté de circulation
Se réfugiant dans les principes de droit, Dramane Diarra a rappelé au commissaire que l’exécution d’un ordre illégal va à l’encontre de la déontologie policière. « Il doit se rappeler la théorie de la baïonnette intelligente », a-t-il ajouté, en référence à la responsabilité individuelle dans l’exécution d’ordres contraires à la loi. Cette réflexion n’a toutefois pas permis d’inverser la décision. Dramane Diarra a finalement été contraint de rebrousser chemin, estimant que cette situation reflète une tentative d’intimidation orchestrée par des niveaux supérieurs de l’administration.
Un dialogue infructueux avec les autorités
Le lendemain, mardi 10 décembre 2024, Dramane Diarra s’est présenté à la Direction générale de la Police des frontières à Bamako pour obtenir des clarifications. Malgré sa demande d’être reçu par le Directeur général, il a été invité à patienter, avant d’être informé que ce dernier devait se rendre à un enterrement. Une réaction que l’ancien magistrat juge disproportionnée, estimant que son cas mérite une priorité au vu des droits fondamentaux en jeu.
Un contexte politique et judiciaire complexe
La situation de Dramane Diarra n’est pas isolée. Radié de la magistrature le 19 septembre 2023, il partage ce sort avec Chérif Koné, un autre haut magistrat malien aujourd’hui en exil. Leur radiation a été justifiée par leur engagement politique au sein de la plateforme de l’Appel du 20 février 2023, un mouvement critiquant la gestion de la transition par les militaires. Cette radiation a suscité des débats sur la séparation des pouvoirs, les droits des magistrats et les limites de leur implication politique.
De Bamako à Kankan : l’ex-procureur Dramane Diarra bloqué en route
À Lire Aussi : Dramane Diarra sur le rejet de leur requête par la Cour Constitutionnelle : «Chacun de nous peut être fier…»
Dramane Diarra et Chérif Koné sont accusés par le gouvernement de s’être engagés dans un militantisme en contradiction avec les textes régissant la magistrature. Leurs soutiens dénoncent une instrumentalisation de la justice pour étouffer les voix dissidentes. Le cas de Dramane Diarra, empêché de quitter le pays sans explication légale claire, s’inscrit dans cette dynamique de tension entre libertés individuelles et contrôle de l’État.
Quelles conséquences pour les droits fondamentaux au Mali ?
Cette affaire soulève des questions cruciales sur l’état de droit au Mali. En l’absence d’une décision judiciaire claire ou d’une mesure administrative explicite, l’interdiction de voyager imposée à Dramane Diarra constitue une entrave à la liberté de circulation garantie par les conventions internationales et la Constitution malienne.
Le cas met en évidence les pratiques administratives souvent arbitraires dans le traitement des citoyens, en particulier ceux considérés comme des opposants politiques. L’absence de transparence et de documentation formelle dans cette affaire suscite des critiques et pourrait ternir davantage l’image des institutions judiciaires et administratives maliennes.
Conclusion : un appel à la clarté et à la justice
Dramane Diarra incarne un cas emblématique des tensions politiques et judiciaires qui secouent le Mali en période de transition. Cette affaire, largement relayée sur les réseaux sociaux, souligne l’importance de garantir les droits fondamentaux de tous les citoyens, indépendamment de leurs positions politiques. Elle met également en lumière le besoin urgent de renforcer l’État de droit et d’éviter toute dérive autoritaire qui pourrait compromettre la stabilité du pays.
Quand un ex-magistrat se heurte aux restrictions de la police des frontières maliennes
NB : Toute reproduction, intégrale ou partielle, sans une autorisation explicite de notre part est strictement interdite. Cette action constitue une violation de nos droits d’auteur, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour faire respecter ces droits.
VIEUXBA Sidibé
Source: Bamada.net