Politisation à outrance, sous-équipement, règne de l’injustice et de la corruption, méthodes de recrutement fondées sur le favoritisme… Ce sont là, à en croire les responsables de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA association) quelques uns des maux qui minent l’armée malienne. En conférence-débat le samedi 17 janvier 2015 à la Pyramide du Souvenir, Mme Sy Kadiatou Sow, Pr Ali Nouhoum Diallo, Général Mamadou Doucouré, Moussa Makan Camara ont plaidé pour une refondation en profondeur de la grande muette du Mali.
Le thème de la rencontre, « Etat des lieux des forces armées : quelle stratégie ? « , avait suscité un débat assez enrichissant auquel ont participé des officiers à la retraite, des hommes politiques, des diplomates. On pouvait citer la présence remarquable de l’ancien président de la République par intérim, Pr Dioncounda Traoré, du Représentant de la CEDEAO, Chéaka Abdou Touré, Tiébilé Dramé, Colonel Anatole Sangaré, Colonel Missa Koné, Pr Tiémoko Sangaré, etc.
Après avoir fait brièvement l’historique de la grande muette, le Général Mamadou Doucouré, qui a été Directeur du Cabinet de feu l’ancien ministre de la Défense, Boubacar Sada Sy, n’a pas mâché ses mots pour peindre un tableau peu glorieux de l’armée malienne. Il a expliqué la grande politisation de l’armée depuis l’époque de l’UDPM et sa multifonctionnalité. Et, rappellera-t-il, le Général Soumaré disait alors que « le militaire malien était un type nouveau, tenant le fusil d’une main, la daba de l’autre « . Il a mis aussi un accent particulier sur le dénuement dans lequel vivaient les militaires. Toute chose, a-t-il témoigné, qui faisait que les treillis étaient raccommodés chaque mois.
L’armée, un instrument politique
Pour le Général Doucouré, l’armée étant prise comme un instrument politique, il s’en suivra le coup d’Etat de 1968 avec la propulsion des jeunes officiers et sous-officiers au devant de la scène. Ils vont prendre la tête de différentes administrations pour y faire régner une rigueur peu habituelle. Ce qui ne sera pas facile à gérer pour les cadres administratifs. Il a expliqué qu’il y a eu en cette période un effort d’acquisition d’équipements en provenance de la Russie (chars, blindés, véhicules de transport de troupes, etc). Mais, le défaut d’entretien de ces équipements fera qu’ils deviendront totalement obsolètes. Sans oublier un syndicalisme rampant qui s’introduit dans la grande muette avec la création de ce qui a été appelé « la coordination des sous-officiers et hommes de rang « . D’où la division dans les rangs avec des clans comme «les faucons»et «les colombes». Cette situation va demeurer jusqu’à la 3ème République.
Le conférencier a expliqué qu’aucun régime n’a pu véritablement rectifier le tir avec une armée divisée, sous-équipée et politisée dans laquelle les recrutements se faisaient par trafic d’influence.
Les leçons à tirer
Pour sa part, l’ambassadeur Chéaka Abdou Touré de la CEDEAO a mis l’accent sur les leçons à tirer de la crise sécuritaire du Mali en insistant sur le devoir pour chaque pays de faire face à sa défense et à sa sécurité. D’autres intervenants comme Moussa Makan Camara, Tiébilé Dramé ont mis l’accent sur les risques et menaces sur nos pays, le manque de discipline dans l’armée, la mauvaise gestion et les détournements dont sont coupables les politiques, etc.
Les participants ont plaidé pour que les autorités, dans la dynamique de l’élaboration du projet de loi sur la programmation militaire, tiennent compte des nombreuses recommandations formulées afin de bâtir une nouvelle armée sur des bases plus saines.
Bruno D SEGBEDJI
Source: L’Indépendant