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La tentation du pouvoir à vie en Afrique

En 2015, deux présidents africains ont obtenu la possibilité de briguer un nouveau mandat

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La destitution du président burkinabé Blaise Compaoré fin 2014 ne semble pas avoir refroidi l’ardeur des chefs d’Etat africains à rester en poste en dépit des obstacles constitutionnels qui se dressent devant eux après des années au pouvoir.

 En 2015, deux présidents africains ont ainsi obtenu la possibilité de briguer une nouvelle fois – et même davantage – les suffrages de leurs concitoyens à l’issue d’une modification constitutionnelle validée par référendum: Denis Sassou Nguesso, qui cumule plus de 31 ans à la tête du Congo-Brazzaville, et Paul Kagame, qui dirige depuis 1994 le Rwanda, où le “oui” à une révision de la Constitution a recueilli 98% des votes, selon des résultats partiels publiés samedi.
La prochaine présidentielle doit avoir lieu en juillet 2016 au Congo et en 2017 au Rwanda.
Voisine de ces deux pays, la République démocratique du Congo traverse une période d’incertitude. Son président, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, doit aux termes de la Constitution abandonner son poste sans possibilité d’être réélu en décembre 2016.  Mais le processus électoral s’enlise et l’opposition accuse M. Kabila de manoeuvrer pour se maintenir à son poste. Il plaide désormais pour un “dialogue national” en vue “d’élections apaisées”, perçu par ses détracteurs comme “un piège” tandis que ses partisans réclament un délai de deux à quatre ans pour organiser des élections “crédibles”.
Pendant ce temps, à la frontière orientale de la RDC, le Burundi s’enfonce dans la crise déclenchée en avril par la candidature du président Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, à un troisième mandat, jugé largement anticonstitutionnel jusqu’au sein même de son camp.
La situation a empiré avec la réélection de M. Nkurunziza en juillet à l’issue d’un scrutin boycotté par l’opposition et le pays semble désormais sombrer dans une spirale de violences faisant craindre un génocide à la communauté internationale.
L’Union africaine a ainsi décidé samedi d’envoyer une force de 5.000 hommes pour tenter de stopper les violences.
En juillet, le président américain Barack Obama avait pourtant fustigé les dirigeants qui s’accrochent au pouvoir. “Les progrès démocratiques en Afrique sont en danger quand des dirigeants refusent de quitter le pouvoir à l’issue de leur mandat”, avait lancé M. Obama depuis la tribune de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba.
Il avait appelé l’UA à user de son “autorité” et d’une “voix forte” pour faire en sorte que les dirigeants africains “respectent les limitations du nombre de mandats et leurs Constitutions”.
“L’inscription de la limite à deux mandats présidentiels dans les Constitutions africaines remonte à la fin des années 90”, rappelle pour l’AFP Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI), “elle était alors la leçon tirée des régimes autocratiques et du présidentialisme à vie”.
Mais la limitation du nombre des mandats a vite été remise en cause, dès 2002 au Togo (où elle avait été inscrite en 1992), puis en 2005 au Tchad et en Ouganda, dont les présidents Idriss Deby Itno et Yoweri Museveni sont aujourd’hui au pouvoir respectivement depuis 1990 et 1986.
Les modifications constitutionnelles se succèdent dans divers pays afin de permettre au dirigeant en place de rester: Algérie et Cameroun (où le président Paul Biya a été réélu en 2011 pour un sixième mandat) en 2008, Angola et Djibouti en 2010, et en 2013 au Zimbabwe, dirigé depuis 1980 par un Robert Mugabe aujourd’hui nonagénaire.
En Afrique centrale, “la tendance de fond de ces dernières années n’est pas à la démocratisation mais à la régression démocratique”, estime M. Vircoulon. “Les guerres civiles et les accords de paix n’ont pas changé la façon de faire de la politique dans ces pays”, ajoute-t-il, “il n’y a pas eu de changement de gouvernance” et “l’histoire fait du sur place”.
Mais ce n’est pas le cas partout sur le continent.
Au Burkina Faso, la volonté de M. Compaoré de faire modifier la Constitution par le Parlement afin de pouvoir briguer un nouveau mandat après plus de 27 ans de pouvoir a été à l’origine du soulèvement populaire l’ayant contraint à l’exil fin octobre 2014.
Après une année de transition politique marquée en septembre par un putsch manqué, les Burkinabés ont élu le 29 novembre un nouveau président, Marc Roch Christian Kaboré, lors d’un scrutin jugé transparent et crédible.
Au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, la victoire de Muhammadu Buhari à la présidentielle de mars a constitué la première alternance démocratique dans le pays.
L’année 2015 a aussi vu le renforcement d’une nouvelle forme d’opposition démocratique sous la houlette de mouvements issus de la jeunesse et de la société civile qui tentent de s’organiser à l’échelle transnationale.
Dans une note récente, Control Risks, cabinet de conseil en stratégie, estime néanmoins “peu probable” que les changements au Burkina Faso et au Nigeria en entraînent d’autres “ailleurs en Afrique” en 2016.

 

 

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