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J.-H. Jézéquel: au Mali, il y a «de nombreux retards» sur l’accord de paix

 

jean herve jezequel analyste chercheur international crisis group

Le Mali avance-t-il vers la paix ? Il y a six mois, l’espoir était relancé par la signature des accords d’Alger. Paraphés par le gouvernement malien, les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), et les groupes pro-Bamako de la Plateforme, ces accords prévoyaient notamment un cantonnement des groupes armés, le retour de l’armée et l’administration sur tout le territoire et une conférence d’entente nationale sur le nord du Mali. Où en est-on aujourd’hui ? Jean-Hervé Jézéquel, analyste à l’International Crisis Group, est l’invité d’Anthony Lattier.

RFI : Cet accord de paix, au fond, a-t-il servi à quelque chose depuis six mois ?

Jean-Hervé Jezequel : C’est vrai que six mois après la signature de cet accord, la mise en œuvre de l’accord lui-même accuse de nombreux retards qui sont constatés par de nombreux acteurs du processus.

Lesquels par exemple ?

Le processus de cantonnement et de désarmement est très en retard. Il y a aussi une période de transition qui doit être mise en place avec des autorités temporaires qui seront chargées d’administrer le Nord. Ce dossier-là n’a pas encore été véritablement ouvert. D’autre part, les services d’Etat ne sont pas de retour non plus. On a donc du retard sur un grand nombre de dossiers.

Dans ce processus un peu lent, il y a quand même quelques pointes d’espérance, on va dire, à travers toute une série de rencontres qui ont lieu dans la localité d’Anéfis, au nord du Mali, entre les principaux acteurs politico-militaires qui ont décidé véritablement de poser les armes entre eux et de ne plus s’affronter.

Ces rencontres ont eu lieu en octobre dernier.

Elles avaient commencé fin septembre et elles ont duré plus de deux semaines. Des rencontres relativement longues où les gens ont vraiment discuté des enjeux réels de ce qui les oppose comme par exemple – il ne faut pas le cacher – le contrôle des trafics ou encore le partage des positions de pouvoirs.

Néanmoins, ces rencontres ont débouché sur toute une série de petits pactes et cela fait maintenant plus de deux mois qu’il n’y a plus d’affrontements majeurs entre les deux principales coalitions armées, à savoir d’un côté la plateforme et la CMA. Et ça, c’était l’acquis positif de ces derniers mois, c’est-à-dire l’idée qu’un processus local, animé par les acteurs les plus influents, était en train de renforcer ce processus de Bamako ou ce processus d’Alger, comme on veut l’appeler, qui était, lui, largement impulsé par la communauté internationale. A Bamako, par contre, la mise en œuvre de l’accord lui-même, accuse de nombreux retards.

Ce que vous nous dites, c’est que finalement les responsabilités viennent davantage du côté de Bamako, du gouvernement qui ne s’engagerait pas assez vers la voie d’une application de cet accord ?

Les responsabilités sont certainement partagées. En effet, le gouvernement, aujourd’hui, peut-être, ne montre pas un grand empressement à mettre en œuvre et notamment, surtout, à clarifier son plan de mise en œuvre de l’accord.

Et ensuite du côté du gouvernement de Bamako, on soupçonne certains membres de ces groupes de jouer double jeu et les groupes, eux, accusent Bamako de ne pas vouloir changer les choses. Est-ce qu’il n’y a pas, finalement, toujours ce manque de confiance qui est au cœur du problème ?

Un grand nombre d’acteurs doute du fait que cet accord-là puisse être mis en œuvre et, s’il est mis en œuvre, puisse réellement changer les choses. De cela, de ce manque de confiance dans l’accord, il en découle un manque de volonté politique de le mettre en œuvre.

Quel sens peut avoir cet accord sans l’engagement des groupes armés jihadistes ?

Effectivement, on le sait depuis le départ, les éléments les plus radicaux restent une épine dans le pied du problème malien. Ils montrent, ces derniers temps, une capacité de nuisance renouvelée. Depuis trois ans, on a presque essentiellement privilégié une réponse militaire à cette problématique-là. Cette réponse militaire a donné des résultats mais on voit bien qu’elle montre, aujourd’hui, de sérieuses limites.

Aujourd’hui, il est important d’y ajouter une composante politique et essayer de trouver, dans ces groupes, les éléments avec lesquels on peut discuter. Il est important aussi de reposer la question de ce que peut apporter finalement la problématique de l’islam politique dans la crise malienne actuelle. C’est une dimension qui a été complètement mise de côté pendant les négociations d’Alger. Or aujourd’hui, on le voit, c’est une des pistes à travers lesquelles on pourrait reconstruire les ponts avec des éléments qui ne sont pas tous radicaux, qui sont un lien et avec lesquels il est possible d’établir un dialogue politique.

Cela veut dire qu’il faut parler par exemple avec le leader d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali ?

Je crois que l’option de le réintégrer dans le jeu ne me semble plus d’actualité, aujourd’hui. Elle a été, à un moment, discutée lors des négociations d’Alger pour être finalement rejetée. Je crois que les deux bords, de ce côté-là, sont restés sur des positions relativement extrêmes.

La stratégie des Français de Barkhane est basée notamment sur l’élimination des chefs jihadistes. Est-ce que cette stratégie favorise la paix ?

Je crois qu’une politique qui – comme le disent certains dans le jargon – vise à tondre la pelouse, c’est-à-dire à éliminer les têtes qui dépassent, cette pelouse tend à repousser très vite. Dès l’intervention militaire, les résultats montrent aujourd’hui de sérieuses limites. Les militaires sont les premiers à reconnaître qu’il faut embrayer avec une solution d’ordre plus politique. Pour cela, eux-mêmes doivent peut-être aussi faire des compromis sur le type d’opérations qu’ils ont menées jusqu’ici.
Source : RFI

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