Il ravit la vedette aux leaders traditionnels, qu’ils soient politiques ou religieux. Il passe pour être le leader le plus populaire, et cela par sa grande capacité à mobiliser, haranguer et à convaincre une foule. Il est, pour la Rédaction, la personnalité de l’année 2017 pour avoir été au cœur de l’actualité sans être du sérail de la scène publique.
A peine connu du grand public malien, il y a juste trois ans, le chroniqueur-activiste s’est révélé à travers ses prestations radiophoniques. Son émission « carte sur table » sur une radio privée était une occasion de passer au crible tous les thèmes intéressants la vie de la nation, des plus ordinaires au plus sensibles, donc passionnés. Par sa témérité, il dénonçait les tares de la gouvernance, sinon les incartades de nos gouvernants, devenant le portevoix des laissés-pour-compte et des citoyens indignés qui firent de son émission une des plus suivies de la capitale. Relayées par les réseaux sociaux, ces prestations radiophoniques nocturnes, durant lesquelles il se délecte au point de se laisser aller souvent à des raccourcis, feront qu’il va devenir la bête noire, voire l’ennemi public à abattre pour le pouvoir. C’est d’ailleurs pour avoir dénoncer les malversations au sein des forces armées et de sécurité que les autorités ont voulu le faire taire en l’inculpant pour « tentative de démoralisation des troupes sur le front » en août 2016. Son arrestation pendant quelques heures au Camp I de la gendarmerie, puis son transfert à la prison de Bamako, a failli provoquer une insurrection populaire. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été son jugement au tribunal de la Commune IV. Comme pour exprimer leur ras-le-bol d’une gouvernance sans espoir, des milliers de jeunes excédés par ce qu’ils ont pris pour une tentative de musellement de la voix des sans voix, ont pris d’assaut le tribunal, ont saccagé les locaux et ont ainsi empêché la tenue du procès. Il est mis en liberté provisoire sous contrôle judiciaire, avec interdiction de s’exprimer à la radio et sur les réseaux sociaux, histoire de calmer ses milliers de partisans. Après l’échec de cette tentative de le faire taire, Ras Bath est devenu le guide de tous ceux qui se considèrent comme des victimes de la mal gouvernance : ceux qui sont injustement spoliés de leurs droits ou qui sont révoltés par l’incurie des gouvernants et de leurs alliés. A l’expiration de la durée du régime d’interdiction auquel il était soumis, il entreprend une série de voyages à l’extérieur du pays pour aller expliquer aux Maliens de la diaspora la réalité du pouvoir sous IBK. C’est au cours d’une de ces missions qu’il est jugé par contumace et condamné à un an de prison ferme et 100 000 F CFA d’amende. Il poursuit son séjour comme si de rien n’était. Mais avant son arrivée le mercure monte à Bamako, et même à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Dans les « grins », les bureaux et les salons feutrés, le sujet de conversation était la condamnation de Ras Bath. Devant cette effervescence, le Procureur de la République se croit obligé de déclarer à la télé nationale que bien que condamné à une peine d’emprisonnement ferme, Ras Bath n’est ni sous mandat d’arrêt, ni sous mandat de dépôt. Allez y comprendre quelque chose !
Malgré cette assurance à demi-mot, la mobilisation n’a pas faibli jusqu’au jour de son arrivée à Bamako. De mémoire de Malien, jamais un citoyen ordinaire n’a fait l’objet d’un tel accueil populaire au Mali. C’est en héros qu’il est rentré chez lui sans égratignure : un autre aveu d’impuissance des pouvoirs publics. Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath a ainsi été élevé au rang de guide d’une frange importante de la jeunesse malienne. Son aura dépasse les frontières nationales. C’est requinqué de cette nouvelle victoire qu’il va entreprendre une tournée à l’intérieur et partout où il passe c’est la gouvernance sous IBK qui est mise à nu avec son lot de corruption, d’injustice, de chômage galopant des jeunes, d’insécurité et de pauvreté. Il s’implique dans la mobilisation contre le projet avorté de réforme constitutionnelle et ravit la vedette à des acteurs de premier plan de la scène politique ou de la société civile, agacés et impuissants. « Injustement », diront certains. En novembre 2017, il bénéficie d’un non-lieu lors d’un procès en appel au cours duquel le parquet et la défense était en phase.
Ainsi, le choix de la Rédaction concernant Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath ne procède pas d’une appréciation de son combat ou des actions. Mais du fait qu’il a été un quidam qui, en un rien de temps, a su grâce à ses émissions et posts, enflammer des dizaines de milliers de personnes, au point de faire trembloter le pouvoir.
La Rédaction
Source: infosepte mali