« La justice souffre des influences et surtout des influences négatives, qu’elles soient d’origine politique, sociale. D’autres types d’influence ont été jadis cités par un garde des sceaux que je salue au passage……….La justice est un rempart absolu contre les violations, contre les excès et elle est le remède des contradictions. La justice est l’obstacle faite au politique. La justice est le rempart puisqu’elle limite le politique dans son dessein d’abuser du pouvoir et contre les excès des gens de pouvoir. Elle est le bouclier qui doit protéger les faibles. Elle est l’épée qui doit frapper les puissants lorsque ceux-ci dévient du droit chemin au mépris du bien commun».
Ces extraits sont tirés de l’intervention de Me Mamadou Ismaïla Konaté lors de la cérémonie de passation des pouvoirs, le 30 novembre 2017, avec son successeur, Hamidou Younoussa Maïga. Faut-il rappeler que Me Mamadou Ismaïla Konaté a démissionné du gouvernement le 27 novembre 2017 après l’abandon des poursuites contre le chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath par la Cour d’Appel de Bamako ? Ces phrases nous rappellent ce que doit être la justice. Aux antipodes de ce qu’elle est aujourd’hui !
La justice en Afrique, surtout dans les pays francophones, est fortement décriée par les justiciables. Le corps judiciaire a de plus en plus mauvaise presse. L’image de ceux qui sont chargés de trancher les litiges entre les hommes est dégradée au sein de la société. La justice est perçue comme une arme fatale entre les mains des tenants du pouvoir pour détruire leurs adversaires politiques. Ils sont nombreux, ces opposants qui crient à l’instrumentalisation de leur appareil judiciaire à des fins politiques.
Au Sénégal, un pays à tradition démocratique, la justice n’échappe pas aux récriminations d’instrumentalisation. Le Président Macky Sall est accusé par ses opposants de se servir de l’appareil judiciaire pour éliminer deux adversaires politiques en l’occurrence, l’ex-maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade, le fils de l’ancien Président de la République. L’annonce faite par le Président Macky Sall d’accorder une amnistie à ces deux personnalités au cas où il serait réélu en février 2019 a relancé la polémique.
En Côte d’ivoire, on parle d’une justice des vainqueurs qui a frappé uniquement le camp de l’ancien Président Laurent Gbagbo, détenu à la Haye. Au Bénin, le cas de l’opposant et homme d’affaires, Sébastien Ajavon condamné à 20 ans de prison et au paiement de 5 millions d’amende pour trafic de drogue, le 18 octobre dernier par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, en rappelle une autre, celle dont l’actuel président, Patrice Talon, a été victime sous la présidence de Thomas Yayi Boni. Au Niger, une affaire de trafic de bébé est sur le point d’exclure complètement du champ politique l’opposant et ancien Premier ministre Hama Amadou. La Guinée-Conakry ne déroge pas à la règle. Cela ne date pas d’aujourd’hui. L’opposant Alpha Condé a prêté serment en qualité de président de la République devant le même juge qui l’avait condamné auparavant sous le régime du Général Feu Lansana Conté.
Quid du Mali ? Il faut remonter à la grave crise politique de 1997 et au début des années 2000 pour voir les traces d’emprisonnement de certains hommes politiques, notamment ceux de l’opposition, par le pouvoir en place. Plusieurs ténors du Collectif des Partis Politiques de l’Opposition (COPPO) ont été emprisonnés puis libérés sans jamais bénéficier de procès. D’autres cadres politiques ont été mis en prison avant de bénéficier d’ordonnances de non-lieu dans le cadre de la fameuse lutte contre la corruption et la délinquance financière si chère au Président Alpha Oumar Konaré. Ironie de l’histoire, certains des pions essentiels de cette machine mise en marche pour broyer les cadres sont aujourd’hui au sommet de l’Etat et de l’opposition politique.
Ce jour viendra-t-il au Mali ou ailleurs en Afrique francophone où les responsables en charge de la distribution de la justice résisteront à l’instrumentalisation par les pouvoirs pour détruire leurs adversaires politiques ?
Chaka Doumbia
Source: Le challenger