Si le mot enlisement est devenu une couleuvre qui passe difficilement au travers la gorge de Paris s’agissant du rallongement de sa mission antiterroriste au Sahel, au regard de certaines réalités, il est admis que la France en a encore pour longtemps au Sahel. Et pour cause, dans sa « stratégie Sahel », actualisée en octobre dernier, compte amorcer une nouvelle phase de sa mission « développement et consolidation » ou « accentuer la lutte contre les trafics » et mettre « une pression maximale », au moyen de sanctions, sur les chefs de groupes armés non respectueux de l’accord de paix malien, signé à Alger, en 2015.
Avec 4 500 soldats pour un effort financier annuel de 700 millions d’euros, la France a un agenda au Sahel qui va au-delà de la lutte contre le terrorisme.
Si l’année 2018 a été marquée par un enchaînement d’actions de force au Mali, sur le plan militaire, 2019 devrait marquer une phase plus équilibrée, entre des missions de « réaction rapide » en soutien aux armées du G5, et un partenariat de terrain, selon des sources sécuritaires de l’ancienne métropole.
Dans la « stratégie Sahel » de la France, actualisée en octobre, les mots d’ordre sont « développement et consolidation », explique-t-on au quai d’Orsay où on souhaite « accentuer la lutte contre les trafics » et mettre « une pression maximale », au moyen de sanctions, sur les chefs de groupes armés non respectueux de l’accord de paix malien, signé à Alger, en 2015. La France prévoit 2 milliards d’euros d’aide d’ici à 2022 pour le Sahel.
Depuis quelque temps, le sujet de préoccupation de Barkhane, soutient-on, est devenu le centre du Mali, les régions du Gourma, sous la boucle du Niger et du Macina plus au sud où Barkhane n’intervenait pas jusqu’alors. Dans cette zone, l’État du Mali a presque disparu, à cause de l’insécurité grandissante. L’émir touareg du Nord, Iyad Ag-Ghali, avec son Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaida, y soutient les Peuls du Front de libération du Macina, menés par Amadou Koufa, vraisemblablement tué, suite à une intervention coordonnée entre la France et le Mali, le 23 novembre dernier.
Barkhane a concentré ses opérations dans la région du Liptako, à la frontière entre le Mali et le Niger. « Nous avons littéralement labouré une zone de 600 kilomètres sur 200 du Nord au Sud. Il y a un affaiblissement très net des groupes armés terroristes », a précisé le 28 novembre, à l’École militaire, à Paris, le général Bruno Guibert, en dressant le bilan de son mandat entre l’été 2017 et l’été 2018.
L’effort porté contre l’organisation Etat islamique dans le Grand Sahara, entre les villes d’Ansongo et de Ménaka, a permis de neutraliser les adjoints du leader Abou Walid Al-Sahraoui, qui « est en fuite, probablement retourné en Mauritanie ».
Pour encourager les forces maliennes, « Barkhane » a construit un quartier à Indeliman, et il est question d’en bâtir un deuxième dans la zone. Plus au Nord, c’est la katiba 3 Alpha qui a été durement touchée mi-novembre.
Une année de « victoires »
À l’issue d’une année pour laquelle le président Macron avait réclamé à l’état-major « des victoires », le général Guibert confirme : « Nous avons toujours notre rôle à jouer, il est impératif d’endiguer une menace qui pourrait embraser une bonne partie du continent. » Mais, rappelle-t-il, « les raisons fondamentales de la crise sont toujours là ». Le contexte reste « difficile pour « Barkhane », car l’accord de paix d’Alger est au point mort ».
On souligne à Paris le jeu trouble de la médiation malienne sous l’égide de l’Algérie, le manque d’implication de la communauté internationale et l’absence de volonté politique au Mali. « Des acteurs, à Bamako, préfèrent nouer des accords d’opportunité avec des radicaux islamistes contre les Touareg. La situation finalement convient à beaucoup de monde. Qui a un intérêt légitime objectif à sortir de cette crise ? Je n’ai pas la réponse, et je ne vois pas de consensus atteignable en ce but dans la société malienne », témoigne le général Guibert.
Ce dernier assume la coordination de « Barkhane » avec les groupes d’autodéfense touareg du Nord. « Elle donne des résultats. Mais les terroristes ont utilisé des exactions interethniques en faisant porter la responsabilité aux groupes d’autodéfense et en accusant « Barkhane » de couvrir. L’application du droit international humanitaire est difficile. »
Par Sidi Dao
Source: info-matin.