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La difficile évolution de l’approche française en Afrique

En cinq ans, le contexte a beaucoup évolué, souvent au détriment de l’influence de la France. Emmanuel Macron cherche désormais à promouvoir les échanges économiques et le dialogue pour compléter les coopérations militaires et politiques.

 

Emmanuel Macron n’a pas attendu son voyage au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau, qui s’achève jeudi 28 juillet, pour faire du « renouvellement » des relations entre la France et l’Afrique l’un des credo de sa politique étrangère. Le chef de l’Etat s’est engagé dans cette voie dès le début de son premier mandat, alors que la France s’employait militairement au Mali dans la lutte contre le terrorisme.

Cette visite, la première en dehors d’Europe depuis sa réélection, vise à montrer que l’influence de la France n’entend pas se limiter au Sahel et que l’Afrique centrale se situe également au cœur de sa stratégie. Il s’agit de valider l’approche choisie par Emmanuel Macron, quitte à en tester les limites.

D’une certaine façon, ce voyage devait permettre de tourner la page de l’intervention au Mali – le retrait sera définitif d’ici à la fin de l’été – pour se projeter sur la vision que le chef de l’Etat cherche désormais à promouvoir : les échanges économiques et le dialogue avec la société civile (souvent bâillonnée dans ces pays) viennent compléter les coopérations militaires et politiques avec des dirigeants qui s’accrochent au pouvoir. Le tout est accompagné par un travail indispensable sur le passé colonial ou postcolonial, par le biais d’initiatives mémorielles au long cours. Celle lancée mardi au Cameroun fait écho aux efforts du même type déployés, pendant le premier mandat, concernant l’Algérie et le génocide des Tutsi au Rwanda.

Sentiment antifrançais

En cinq ans, le contexte a beaucoup évolué, souvent au détriment de l’influence française. S’il était partisan de réduire la présence française au Mali, M. Macron a dû le faire sous la contrainte, après le double putsch militaire qui a suspendu la transition démocratique dans ce pays du Sahel en proie à une rébellion djihadiste toujours menaçante. La junte a rompu avec la France après l’arrivée à Bamako de mercenaires russes déployés par le Groupe Wagner. En un mot, la Russie a pris pied sur ce territoire, attisant un sentiment antifrançais de plus en plus fort.

En dépit de la fin de l’opération « Barkhane », lancée par son prédécesseur, François Hollande, la France va maintenir dans la région quelque 2 500 soldats, dans les Etats qui restent sous la menace terroriste. Le Niger devrait devenir la tête de pont du dispositif français dans le Sahel, tandis que Paris redéfinit les termes de son engagement antiterroriste : un appui aux pays qui le demandent sur le plan du renseignement, des équipements et de la formation, mais plus de déploiements spectaculaires de troupes, sauf opération spéciale ponctuelle. C’est du moins ce que le chef de l’Etat a proposé à son homologue béninois, Patrice Talon, mercredi, lors d’un rapide passage à Cotonou.

Cependant, la guerre en Ukraine est venue compliquer encore la donne. Car une bonne partie du continent, à commencer par les partenaires les plus anciens de Paris, comme le Cameroun ou le Sénégal, n’entend pas choisir son camp entre la Russie et les Occidentaux. Ces pays souffrent d’ores et déjà des conséquences du conflit engagé par Vladimir Poutine, mais ne veulent pas rompre les liens tissés du temps de la guerre froide, ou après l’éclatement de l’Union soviétique. Une relation que Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, est venu consolider cette semaine en effectuant lui aussi une tournée sur le continent.

M. Macron l’a bien compris : à Cotonou, mercredi, comme la veille à Yaoundé, il a multiplié les mises en garde à ses partenaires africains contre la « guerre mondiale hybride » menée par la Russie, qu’il a qualifiée de « dernière puissance coloniale ». Le constat est sans doute lucide. Le discours sera-t-il entendu ? Les moyens déployés par la France suffiront-ils à inverser la tendance ? Il est permis d’en douter.

Source : Le Monde

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